Le débat sur l’inventaire du sarkozysme révèlera l’UMP

On ne sait si le fameux débat promis par Jean-François Copé sur les cinq années de sarkozysme (mais surtout pas sur l’action, le style, les mesures impulsées et décidées par le seul Nicolas Sarkozy) réveillera ou non l’UMP.
Mais il la révèle déjà : Patrick Balkany a fortement critiqué l’initiative, d’autres embrayeront.
La fameuse disputatio se fera sans doute par échanges médiatiques entre personnalités et on doute très fort que les militantes et militants soient conviés à vraiment y participer.
À
moins, peut-être, de faire valoir un très fort don à la souscription de l’UMP ? 

Rappel des faits : Laurent Wauquiez, Hervé Mariton, Gérald Darmanin, Patrick Devedjian, quelques autres aux dires moins bien relayés par les médias ont exprimé le souhait que l’UMP se livre à un inventaire du précédent quinquennat. Jean-François Copé, dans un entretien sans doute sollicité à (et non par) Nice-Matin, vient d’embrayer.

Oh, ses formulations ne semblaient pas de nature à froisser l’association des Amis de Nicolas Sarkozy ou les divers courants internes dextro-maousses-costauds. C’est du peaufiné. Il s’agit d’engager « un dialogue sincère et sans langue de bois » avec les Français et les Français.
On imagine fort bien les questions et les réponses.
Genre :
• Selon vous, quelles catégories de citoyennes et citoyens l’action gouvernementale de François Fillon a-t-elle favorisé ?
– Le quinquennat de Nicolas Sarkozy a fortement contribué à permettre aux salariés, aux employées, d’améliorer leur pouvoir d’achat grâce au coup de pouce donné aux heures supplémentaires ;

• D’après vous, le gouvernement de François Fillon a-t-il été bien inspiré d’entrer en guerre avec l’ancien régime libyen et en a-t-il mesuré les conséquences ?
– La France se devait (blablabla) et la transition démocratique en Libye se fera à son rythme, bien engagé, sans que ce qui pourrait être perçu comme une ingérence (blablabla).

En fait, question d’inventaire, il faut se reporter au discours d’Agen, en 2006. On ne saura jamais si son ou ses véritables auteur·e·s s’exprimeront mais il est clair que l’orateur, Nicolas Sarkozy, ne saurait le renier. Hormis le bref passage sur le « mur des 35 heures », à peine plus ébréché par la suite que celui de Berlin le fut jamais par l’ancien président, ce discours aurait pu être applaudi autant par les partisans de Bruno Mégret que par ceux de Besancenot, et ceux de diverses formations intermédiaires. Si inventaire doit être dressé, ce ne peut être que sur cette base.
L’intégrale s’en trouve en ligne, surtout relisez, réécoutez : on peut certainement créditer Nicolas Sarkozy d’avoir interprété ce fort beau texte aussi bien qu’en son temps la « Voix d’or » de son époque, Sarah Bernhardt, interprétant le Phèdre de Racine.
Notez que c’était formidablement plus Raffarin que Jospin qui en prenait pour son grade…

Du très, très grand art : du passé, faisons table rase, France qui souffre, debout, debout !

Le dit débat ne saurait se transformer « en procès personnel contre Nicolas Sarkozy et François Fillon », Copé ne le tolérera pas : il ramasserait alors immédiatement les copies, et placerait les réticents en salle d’études, sous la vigilante surveillance de Morano. « Une longue marche commence », mais les copies, prévues pour être ramassées « au plus tard à la mi-octobre », devront être conforme à la grille d’évaluation que l’inspecteur Copé fera fuiter au préalable. On se doute bien que le président Mao de l’UMP insistera plutôt sur le thème voici ce que l’UMP fit, « les socialistes l’ont défait ».

Réaction immédiate de la famille princière du Grand Duché de Levallois : Copé serait mieux inspiré de « faire l’inventaire des conneries de la gauche depuis un an ». Pas de ce qui a fort satisfait le secteur bancaire et le Médef ? Ah, là, ce serait doute prématuré. Pour Patrick Balkany, « si on fait un bilan, on n’est pas tourné vers l’avenir ». Traduction : tout reprendre des décisions approuvées par Nicolas Sarkozy, mais bien sûr, les approfondir et prolonger.

Des Karoutchi, et tant d’autres, ne veulent surtout pas d’un réel débat. Ce n’est pas vraiment qu’ils soient satisfaits du bilan, mais ils ne se voient pas gérer les réactions des témoins.
Conseil d’un avocat pénaliste : si on ne sait pas par avance tout ce que dira un témoin, ne pas le citer, ne pas le rappeler à la barre s’il venait à l’être.

Et puis, que dire à celles et ceux, sarkozystes, qui soutiennent que la politique d’endettement de Nicolas Sarkozy s’est révélée « payante ». Car il « nous a sauvé ». On ne comprend d’ailleurs pas pourquoi le pronostic de Valérie Pécresse, qui promettait une France ramenée sous le niveau de celui de la Grèce en un petit trimestre inaugural d’un mandat de François Hollande peine à se concrétiser dans l’esprit des Françaises et Français. Logiquement, après plus d’un an, le revenu moyen devrait avoisiner celui du Bangladesh, non ? Notez qu’elle fut ministre du Budget, succédant à Éric Woerth, puis François Baroin, qui ne devraient pas tarder à abonder ou bouder le fameux débat instauré depuis hier soir par J.-F. Copé.

S’il y avait véritable débat, on s’apercevrait sans doute qu’il n’y a plus d’UMP, mais une sorte de fédération de la droite présumée démocrate et non socialiste. Mais alors que celle de la droite dans l’Éducation (Uni : Union nationale inter-universitaire) parvient à peu près à l’accord de ses trompettes et violons, les tambours, fifres, triangles ou hélicons, cors anglais (ultralibéraux) ou autres de l’UMP sont animés surtout de l’ambition de mieux se faire entendre que le voisin.

C’est que l’Uni, présidée de loin par un universitaire émérite (traduisez : retraité mais pouvant diriger des travaux de thésard·e·s), avec pour caution le vieil amiral de Gaulle, n’offre de rémunérations que par le biais de diverses associations. L’UMP, c’est tout autre chose. Elle est endettée, mais qu’à cela ne tienne : Copé et Génération France seront à Châteaurenard, le 25 prochain, Brice Hortefeux et « Amis » au Tir au Vol d’Arcachon, début septembre… On ne lésinera pas pour faire venir la claque et pousser l’applaudimètre.

Quant à Nicolas Sarkozy, indique Le Figaro, plutôt que de rembourser les banques (il était caution solidaire, il peut le faire en sus d’un don à la trésorerie de « sa » formation), il réunira « ses » cercles de donateurs. Autour d’une carafe d’eau, sans doute, et de biscuits secs préparés par Carla Bruni.
En fonction du résultat, peut-être, comme le souhaite Raffarin, il contribuera au débat d’analyse ; sans doute regrettera-t-il de n’avoir pas, juste avant la présidentielle, ravivé son projet d’union civile (succédant au Pacs) qui aurait mis certainement tout le monde d’accord, au moins dans ses rangs.

Il est farce de voir Copé reprendre à son compte la fameuse phrase de Wauquiez sur « certains qui n’ont rien dit pendant cinq ans ». Il n’est certes pas de ce nombre, car on se souvient ô combien il abondait en propositions d’avenir, en suggestions hardies, tout au long de ce quinquennat écoulé. Ce n’est pourtant qu’en mai 2013 qu’il réclama un moratoire sur les 35 heures alors qu’en janvier 2012 il préconisait le développement du travail partiel (pour tempérer le chômage total). En novembre 2011, il s’était pourtant préservé de dire comment le retour à 39 ou 40 heures hebdomadaires de travail allait favoriser l’emploi à temps partiel.

Au fait, fort beau sujet pour ce débat : afin de « travailler plus » et assurément, « forcément » (on ne voit vraiment pas comment il pourrait en être autrement), combien de temps temps partiels, et sur quelle plage horaire (par ex., 05-23 heures), faut-il cumuler ?

Pour une fois, je rejoins Benoît Rayski et son « Bal tragique à l’UMP » sur Atlantico. Sarkozy bouge encore et « la saison 2 du combat des chefs » ne va guère passionner que les plus proches intéressés. Rayski, auteur de L’Homme que vous aimez haïr, vibrant hommage à l’ex-président qui ne le paya guère en retour, et qui appelle à marcher vers l’Élysée pour « creuser la tombe » de François Hollande, ne se sent visiblement pas l’envie d’arbitrer ce débat. Il ne déteste pas « buissonner », mais fort peu dans un taillis d’épineux.

Pierre Lellouche (pro-Fillon) et Philippe Marini (pro-Copé), pressentis pour rôder les modalités du débat, obtiendront-ils à l’avance les bonnes feuilles du livre à paraître de Valérie Pécresse ? Elle nous réinjectera de la TVA « sociale » dans Voulez-vous vraiment sortir de la crise ? Histoire de dire tout le bien qu’elle pense d’elle-même et de ses bonnes idées piquées ou retoquées par Sarkozy, elle préfigure ce que pourrait être ce débat.

Pour s’y préparer, relisez donc, de Jean-François Copé, chez Albin Michel, le Devoir d’inventaire. C’était sous-titré « le dépôt de bilan de Lionel Jospin ». Là, s’agira-t-il de « dépoter » Sarkozy pour qu’il soit frais en 2017 ou de l’emballer, après pesage, pour le remiser au placard ?

Après avoir récolté « un peu plus de 10,2 millions d’euros » selon son chiffrage pour Le Monde, le président de l’UMP a les coudées plus franches. Mais est-ce si sûr ? L’UMP lillois Christian Decocq, qui n’a pas versé son obole, indique perfidement dans La Voix du Nord que « si l’UMP veut faire des économies, il y en a de belles à faire sur de récents chargés de mission (…) des femmes qui ont été battues aux élections et qu’on a recasées. ». Le sénateur UMP nordiste Jean-René Lecerf a estimé : « sur mon front, ce n’est pas écrit “La Poste” ». Ambiance… Le député Thierry Lazaro s’est fendu d’une somme fort moyenne, mais non dérisoire, en rechignant : « que ce soit à la base de payer est une pratique qui me reste en travers de la gorge ». Un maire UMP du coin résume que « quand on fait des erreurs, on les assume ». Convient-il pourtant d’en débattre ? De les transformer en victoires (cas de l’alourdissement de la dette publique) ?

Le député Lionnel Luca, vraiment peu chaud pour débattre en s’en remettant « une couche avec le bilan du quinquennat » (à quel genre de couche pouvait-il bien penser ? hermétique ?), s’est attiré sur Twitter des commentaires pour le moins contrastés.

D’ici à ce que le coût du débat d’inventaire fasse l’objet d’un débat, ou que les donateurs de la souscription réclament un temps (ou volume) d’expression proportionnel à leurs dons, il n’y a peut-être pas si loin…

Si cela s’envenime, la solution de faire passer un « grand oral » à Sarkozy, devant une salle éclatant fréquemment en applaudissements, saluant son sérieux et son objectivité, pourrait s’imposer. Fermez le ban…

 

 

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

3 réflexions sur « Le débat sur l’inventaire du sarkozysme révèlera l’UMP »

  1. On se croirait au confessionnal !
    Décidément Copé, ne vaut pas mieux que Fillon, un peu plus filou (qu’il croit),
    Mais l’inventaire des bonnes (hum) et mauvaises actions du quinquennat Sarkozy, n’est sûrement pas à étaler au grand jour juste avant les « Universités de l’Ump ».
    L’UMP s’il continue sur sa lancée est en train de se suicider.

    OUI, faisons un inventaire des promesses non tenues dans cette première année de Prasidence Hollande.

    L’UMP est devenue un groupe de masochistes, en mal de reconnaissance, qui jour l’avenir de la Droite (dite) Libérale, au profit de la Droite radicale de MLP.
    Tas d’idiots cossus, qui se sabordent !!

  2. On est loin de la cohésion au moins doctrinale marxiste du PS de son système de centralisme démocratique qui énonce ceci: si les cellules de base votent contre on rassemble uniquement les votes pour et on proclame que la majorité est d’accord avec la mesure qui a été proposée par la direction du parti

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