L’Afrique est un continent qui, depuis toujours, a été au cœur des conflits, que ce soit entre les tribus et ethnies, ou pendant la colonisation et l’esclavage. Le 2e continent du monde, "Terre rouge" comme on l’appelle, a souvent été représenté comme sauvage, avec tous les clichés racistes que cela implique.

Or il semble que les cinéastes du 21e siècle trouvent le courage, le talent et l’ouverture d’esprit nécessaires pour nous montrer ce continent différemment. Je vous propose donc de faire un tour d’Afrique avec quelques films marquants et dépaysants sur ce sujet.

Quand le cinéma redécouvre l’Afrique c’est pour nous poser quelques questions, ou du moins pour nous ouvrir les yeux sur un certain nombre de thèmes dominants

Le rôle de l’homme blancAntoine Fuqua en 2003 est, peut-être, l’un des derniers à proposer une vision de l’Afrique clichée sur le principe de la grosse production hollywoodienne avec les Larmes du soleil mais c’est sans aucun doute Hôtel Rwanda (30 mars 2005) qui sonne le départ avec un film qui oscille entre le documentaire et la fiction.
Le réalisateur Terry George revient sur le génocide rwandais, l’inaction de l’homme blanc, et l’implication d’un homme pour sauver le maximum de personnes. Ce film nous met face à notre responsabilité, sans pour autant tomber dans le misérabilisme. On ne peut s’empêcher de se demander « comment a-t-on pu laisser faire ça ? ». Pourtant tout est fait dans la sobriété et l’humanisme. Pas d’héroïsme.

Seulement la réalité. L’Afrique d’Hôtel Rwanda est une Afrique qui se meure, qui se détruit et se massacre. Et la réalité apparaît à la fois si proche et si loin de notre monde occidental. Je tiens à rappeler que le génocide rwandais a eu lieu en 1995, ce n’est donc pas très éloigné de nous. Et que le colonel Théoneste Bagosora a été jugé en 2005.

 Dans The Constant Gardener (décembre 2005) Fernando Meirelles s’attaque aux grands laboratoires pharmaceutiques occidentaux qui testaient leurs médicaments sur la population du Kenya. La dénonciation est claire et précise, le réalisateur n’y va pas par quatre chemins. Le spectateur est pris à témoin de ces agissements. Toute une population utilisée comme cobaye sans que personne ne réagisse. Et quand finalement quelqu’un tente d’enrayer le système, il/elle disparaît très rapidement accidentellement. Le récit est très bien fait, sous couvert d’une histoire d’amour. Les images marquent le contraste entre une terre sublime par ses paysages « carte postale » et son peuple qui se meure. Une fois de plus le spectateur occidental a ce sentiment d’impuissance. On peut se poser la même question : « comment a-t-on pu laisser faire ça ? ». Un autre film nous met face à notre responsabilité avec les trafics d’armes, Lord of war (janvier 2006). On voit en effet le trajet d’une balle : du fabricant au trafiquant, du trafiquant à l’acheteur, à l’enfant-soldat, à sa victime.

J’avais déja parlé de Blood Diamond sur Youvox Voyage. Sorti le 31 janvier 2007, ce film revient sur les diamantaires de Sierra Leone, le massacre des populations locales, les enfants soldats, l’homme « blanc » à la fois complice et inactif. Pour en savoir plus je vous invite à aller lire l’article.

Le quotidien entre misère et espoir
Mon nom est Tsotsi (19 juillet 2006) ne porte pas d’accusation envers l’homme blanc. On a ici un véritable portrait d’un jeune africain qui se prend d’amour pour un nourrisson qu’il a kidnappé. Le spectateur est plongé au cœur des bidonvilles de Johannesburg, en Afrique du Sud. L’authenticité est au rendez-vous et pour la première fois on ressent un sentiment d’espoir dans le changement, comme si cette situation de misère n’était pas irrémédiable. Avec ce film Gavin Hood a gagné l’oscar du meilleur film étranger au festival de Berlin de 2006, non pas tant pour la qualité artistique du film, mais plus pour la peinture colorée et réaliste d’un continent, d’un peuple. De plus la bande originale participe fortement au voyage.

Et l’Afrique du Nord ?Comment faire un tour d’horizon de l’Afrique sans évoquer Indigènes (septembre 2006) Rachid Bouchareb met en scène la présence de 4 « indigènes » dans la première armée française. En plein dans le débat sur la colonisation et ses effets sur les différentes générations, ce film nous plonge au cœur de l’Afrique du nord, l’Afrique maghrébine, l’Afrique française. Un grand film réaliste tout à la gloire de ces 4 hommes, de leur courage et de leur dévouement pour un pays qui leur est étranger.

Brad Pitt, sous la direction d’Alejandro Gonzàles, joue le rôle d’un tourisme pris d’assaut en Afrique du Nord, au Maroc pour être précise. En effet cette Afrique Maghrébine est le point de départ du film Babel (novembre 2006) En effet 2 jeunes bergers dans le désert marocain blessent accidentellement une touriste américaine. De là on découvre l’hospitalité d’un village au fin fond de nulle part, mais aussi et surtout le désarroi d’un homme dans un pays si étranger. Des us et coutumes différents, des villages sans eau ni électricité, des médias qui amplifient tout et des touristes blancs intolérants et frisant l’imbécillité. L’Afrique du Nord est perçue ici plus comme une terre abandonnée que comme une terre qui souffre.


Les hommes de pouvoir Le dernier roi d’Ecosse (14 février 2007) prend pour terrain de « jeu » l’Ouganda. Nicholas, écossais, tout juste diplômé médecin, décide de partir à l’aventure en Ouganda. Après quelques mois dans une mission, il accepte de devenir le médecin personnel du nouveau président-dictateur, Idi Amin Dada. Ce dernier, fasciné par l’Ecosse, va hisser le jeune homme au rand de conseiller. Attiré par le charisme apparent de l’homme politique, Nicholas va se laisser embarquer dans la tyrannie politique, va être témoin d’assassinats, d’actes de tortures, de massacre, et va se trouver malgré lui complice de ce régime meurtrier sans échappatoire possible. La fascination du pouvoir, la qualité d’un documentaire, le suspens d’un thriller, ce film traite de l’Afrique noire en adoptant le point de vue ougandais ce qui est quasiment une première à Hollywood. Une fois de plus cette terre rouge qui souffre est mise en avant avec des conflits inter-africains.

Goodbye Bafana sortira en France le 11 avril 2007. Le réalisateur se penche sur l’Afrique du Sud et plus particulièrement sur la vie d’un gardien de prison « blanc » qui s’occupait de Nelson Mandela jusqu’à sa libération en 1990. En attendant de voir le film je vous propose de finir sur cette citation de Nelson Mandela No one is born hating another person because of the colour of his skin, or his background, or his religion. People must learn to hate, and if they can learn to hate, they can be taught to love, for love comes more naturally to the human heart than its opposite.(Long walk to freedom)

Ce tour d’horizon a permis de voir que si Hollywood redécouvre le continent Africain, c’est un continent en souffrance, avec un occident qui tire profit des malheurs de l’Afrique. Tous posent le problème de la responsabilité de chacun face à cette souffrance. Il y a dans cette production un effort de documentation pour rendre compte d’une réalité même si on tombe parfois dans la caricature ou la condescendance. Cette tendance vient-elle d’un désir de repentance ? L’Afrique a-t-elle vraiment besoin d’Hollywood ?