Aujourd’hui encore, ma mère me dit tous les jours, alors que j’ai quitté l’enfance depuis bien longtemps, que je suis son petit chou.  Je me souviens qu’enfant, je le prenais pour une insulte, d’autant plus que je détestais manger ce légume! Et quand je lui demandais pourquoi elle me traitait ainsi, elle me disait que c’était tout naturel puisque les enfants naissent dans les choux!


 

     Eh oui! Les enfants naissent dans les choux! C’est une expression toujours bien vivante en Europe occidentale à notre époque. Mais pourquoi naissance et choux sont-ils si intimement associés dans nos mentalités?

Si Pline comparait déjà le chou à un petit enfant par sa taille, on ne peut se satisfaire d’une telle constatation pour supposer qu’elle soit la seule origine d’une image symbolique si puissante. Il suffit pourtant de se rendre dans nos campagnes pour comprendre qu’aujourd’hui encore, les particularités botaniques du chou en font le légume idéal à associer aux enfantements symboliques.

 

Le chou est une plante bien plus étrange qu’on ne l’imagine: il est l’un des rares légumes à non seulement ne pas souffrir du froid, mais à en profiter. Dans nos campagnes, le chou a toujours été l’assurance d’avoir de quoi manger pendant les longs mois d’hiver. De plus, cette plante qui garde ses feuilles vertes représente un symbole très clair de vitalité. Si on se rappelle que l’imaginaire paysan suppose que les morts remontent des mondes souterrains durant la saison froide (entre la Toussaint et la Chandeleur), le plus souvent sous forme de plantes, pourquoi ne renaîtraient-ils pas de ce chou si singulier?

 

Autre particularité du chou: il était généralement planté à la fin de l’hiver, époque privilégiée des mariages et récolté neuf mois plus tard, à la fin de l’automne, saison du maximum de naissances. La récolte des choux coïncidait donc avec l’arrivée des premiers enfants nés des derniers mariages: c’est pourquoi on dit encore en Alsace qu’on a « reçu un enfant aux choux ». Et mieux encore, le chou, au contraire de la majorité des autres légumes, sort de terre la « tête » la première, comme un nouveau-né!

 

On comprend donc que le chou soit dans la tradition, la plante alimentaire la plus proche des femmes. Jadis, ce légume était même exclusivement cultivé dans le potager des femmes, lieu interdit aux hommes. Ceux-ci, se moquant des femmes qui récoltaient leurs choux avec des gestes semblables à ceux des sages-femmes, les traitaient de matrones. Aujourd’hui encore, ces associations symboliques entre femmes, enfants et choux se retrouvent dans de nombreuses expressions. C’est bien la femme qui « chouchoute » son enfant, son précieux petit chou! Et si vous connaissez le chou à la crème, vous pourrez encore trouver dans cette pâtisserie aux formes arrondies le rappel du ventre d’une future mère!