Comme tous les ans à la même période, le soir du vendredi saint* se déroule dans les rues de la ville de Sartène une étrange procession :  Le Catenacciù.

Un être habillé de rouge sang, la tête encagoulée et les pieds nus entravés de chaînes parcourt la ville portant sur son épaule droite une lourde croix de bois**.

 Il va ainsi parcourir 1.8 km  et tomber trois fois, à l’image du Christ.

 L’identité du Catenacciu n’est connue que par le curé. Il est inscrit en liste d’attente depuis de nombreuses années, sauf si le prêtre juge qu’il y a urgence. Il a passé la nuit précédant la procession en prières au couvent St Cosme et Damien qui est à la sortie de Sartène sur la route de Bonifacio.

 Il est suivi par une silhouette identique, mais elle habillée de blanc, qui représente Simon de Cyrène (obligé par les soldats romains à aider Jésus à porter sa croix).

D’autres encore habillés de noir font partie du cortège. On les appelle « Les Noirs », ils sont au nombre de huit et portent une statue du Christ.

La foule suit derrière et entonne un chant lugubre et empli de lamentations « " Perdono, mio Dio ".Cette vibration sourde et profonde unit tous les fidèles dans une incantation venue du fond des âges. Le raclement des chaînes sur les pavés de la ville répond aux chants des fidèles, dialogue étrange et envoutant !

 Pour les touristes ce spectacle est source de photos typiques et de commentaires souvent déplacés. Mais pour les habitués qui se retrouvent tous les ans au même endroit, soudés par cette pratique familiale et séculaire c’est l’occasion de partager un moment intense, de ressouder les liens familiaux ou d’amitié de partager l’idée d’appartenir au même groupe. Le nom de communion prend alors tout son sens. C’est un évènement qu’il faut vivre de l’intérieur pour en comprendre tout son sens. Ce n’est pas un spectacle .Les acteurs ne jouent pas ! Ils vivent leur foi à travers cette procession.

Et lui, l’enchainé que voit-il à travers les deux fentes qui ornent sa cagoule ? Nous voit-il, nous perçoit il ? Qu’entend-il de nos chants, de nos prières, des crépitements des flashs ? Lui qui a décidé de porter la croix pour demander la guérison d’un enfant, d’une épouse ou l’absolution de ses péchés dont le plus grave est la mort d’un homme. Lui dont les pieds nus seuls trahissent l’âge, les  mains étant cachées par des gants.

Quelle souffrance est à l’origine d’un tel défi ? Pourquoi une telle mortification ?

  

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*  Le vendredi Saint est  le vendredi qui précède le dimanche de Pâques, celui où les catholiques doit faire maigre, ne pas manger de viande par exemple en mémoire de la crucifixion du Christ.

** La croix pèse 37 kg et  les chaines 17.  Elles sont exposées toute l’année au fond de l’église Saint Marie de Sartène.