La légende et l’histoire du cassoulet de Castelnaudary : une kyrielle de cassoulets de part le Monde.


Lors de la Guerre de Cent Ans, la ville de Castelnaudary avait énormément souffert des abjections commises par les troupes du Prince Noir. Après de multiples assauts repoussés, les défenseurs, bien que valeureux au combat, avaient cédé livrant la ville aux agresseurs et, impuissants, n’avaient pas pu éviter que leur cité subisse les outrages, les pillages, le maraudage , la dévastation et, parachevant l’œuvre de destruction, le 31 Octobre 1355, l’embrasement et la ruine d’une majeure partie du bourg.


 

Ce mythe chaurien, dans un tel contexte d’atrocités, de barbarie et d’inhumanité, démontre, à postériori, – et si les âmes chagrines en étaient à penser autrement -, le désir permanent de l’homme de ne jamais se sentir vaincu et, en toute occasion, de prendre une revanche sur l’histoire. Il met, aussi, en évidence, la nature même d’un plat traditionnel paysan à l’époque moyenâgeuse, jour après jour répétitif, fait de restes, de viandes disponibles dans le garde-manger et de féculents,fèves, fèves blanches, doliques ou haricots d’abord noirs puis, au fil des siècles, blancs -, de surcroît très énergétique.

De nombreux plats, ragoûts ou pot au feu, à base de viandes, – du porc, du bœuf ou du veau, du mouton ou de l’agneau, de la volaille… -, et de fèves ou de haricots, – ou encore de carottes, de navets, de céleris, d’oignons, de pommes de terre -, sont recensés tout autour du monde et les livres de cuisine n’ont cesse d’en répertorier les recettes. Tout d’abord, l’ancêtre du cassoulet moderne, « l’estofat », « le févoulet » ou « le cacolet », un ragoût aux fèves ou aux fèves-haricots blancs, d’origine moyenâgeuse, – mais la fève est l’un des légumes les plus anciennement cultivés, les premières mentions archéologiques remontant à l’Épipaléolithique et au Mésolithique -, que les serfs et les paysans cuisinaient en Gascogne, en Aquitaine, en Toulousain et en Lauragais, entre autres régions du Sud-Ouest de la France.


Le cassoulet, très populaire au Brésil et au Portugal, à base de haricots noirs, – feijão, le haricot en portugais -, de riz et de palette de porc salé, d’abats, de bœuf séché et de piment, a nom, la « feijoada. » Les diverses viandes, ainsi que diverses autres parties du porc, – queue, oreilles, couennes, pattes, os… -, sont cuisinées ensemble et les haricots noirs, eux, sont cuits à part. Puis le tout est mélangé dans un grand bouillon avec des herbes afin qu’un échange de saveurs s’effectue. Les viandes et les haricots sont, ou non, séparés avant d’être servis.


 

En Asturies, au Nord-Ouest de l’Espagne, la « fabada asturiana », autre forme de ragoût ou cassoulet des Asturies est réalisée, depuis les temps pré-romains Celte-ibèriques, avec des haricots blancs, – les fabas blancas, plante herbacée annuelle de la famille des Fabacées comprenant les fèves, les haricots, les pois, etc… -, authentiquement cultivés dans la région asturienne. Selon les canons universitaires français, ce ne serait qu’un ragoût de fèves ou de haricots au lard avec un simple rajout de saucisses. Mais, pour l’autochtone, « Le cassoulet asturien authentique, est plus goûteux que la cassoulet de Castelnaudary, plus riche et plus abondant en ingrédients : haricots, bacon, saucisse, boudin noir, chorizo, jambon, côtes, poitrine et épaule de porc, oreilles, couennes et Rabadal(2). »


 

En Catalogne, les « faves ofegades », – en occitan, le caçolet ou cassoulet, en français le sauté de fèves -, sont un ragoût à base de fèves ou de haricots « sautés », de lard entrelardé, de boudin blanc, de boudin noir, de jambon, de bacon et de la poitrine et de l’épaule de porc, aromatisé d’ail, de marjolaine, de thym, de laurier et de menthe. Un autre ragoût, actuellement s’apparentant beaucoup plus à un pot au feu par ajout de pommes de terre et chou vert, « l’ollada », est une autre forme de cassoulet. Il se cuisinait, déjà au Moyen-Âge, dans un pot en terre ou en métal, de forme arrondie, avec deux anses, « l’olla », qui a donné le nom au plat. La viande de porc, – jambon ranci, couennes, oreilles, queue, pieds, côtes et échine, ventrêche ou poitrine salée, lard -, préalablement cuite à part, mijotait, de longues heures, avec des légumineuses, – haricots, fèves et pois chiche -, auxquels ingrédients pouvaient se rajouter de l’andouillette, du boudin noir et de la saucisse, et était servi, le lendemain, « réchauffé » à la braise de ceps de vigne.


 

Mais les ragoûts ne sont pas apanage de la seule Europe de l’Ouest. Ils sont aussi des plats typiques de tout le bassin méditerranéen aux viandes de mouton et volailles, de la galaxie russe, des Antilles et ses pois savons secs, etcDans les temps anciens, ils mijotaient, posé au coin du feu ou suspendu dans la cheminée au dessus de la braise, toute la journée, dans un grand récipient, en terre ou en métal,, – la cassole, la marmite, le pot, l’olla, etc…– de forme arrondie, à l’ouverture large, pouvant avoir une ou deux anses. Ils étaient consommés, par les gens du peuple, au repas du soir. Mais consommés…, avec une nuance d’importance…, car la pauvreté était ancrée dans la populace et la viande était denrée rare. Aussi, excepté le dimanche où les ingrédients carnés étaient partagés entre tous les membres de la famille, en semaine le repas ne se composait, exclusivement, que d’une soupe aux haricots ou aux fèves, prélevée dans la marmite, et épaissie avec un quignon de pain généralement rassi.


Note


(2) Le « Rabadal » est le met du Roi : confit de porc, de canard ou d’oie.