Il existe, au Brésil, quantité de carnavals, tous liés, au départ, à la religion, et dont les trois plus importants du pays sont ceux de Rio, de Salvador et de São Paulo (lesquels ont d’ailleurs lieu ces jours-ci cette année).
Les touristes européens qui se rendent au Brésil connaissent surtout le carnaval de Rio, bien que celui de Savaldor soit de plus en plus apprécié en raison du fait qu’il est plus populaire que celui de Rio, en ce sens que n’importe qui peut participer au carnaval, non seulement comme spectateur mais également comme acteur, en défilant avec les blocs.
Ceux-ci se composent, de nos jours, de camions haut de 4 mètres sur la plateforme ou le toit desquels ont pris place les chanteurs et les chanteuses les plus connus de Salvador, eux-mêmes étant accompagnés de tout un groupe de musiciens avec leurs instruments : trompettes, guitares, piano électrique, batterie, etc.
Le camion où se situe les artistes est suivi, à une vingtaine de mètres, d’un deuxième camion du même type, sur le toit duquel se sont installés les amis, parents, et supporters du groupe musical installé sur le premier camion, ainsi que les plus belles filles de Salvador appartenant au groupe en question, tous portant "la camisete" (ou tee-shirt) de celui-ci, et tous dansant et faisant la fête sur le deuxième camion.
ET les deux camions d’avancer à une vitesse de 3-4 km/heure, le long d’un parcours qui atteint 7 à 8 km; ce qui signifie donc que les camions vont défiler durant six heures environ dans les rues jalonnant le parcours.
Et autour des deux camions, des sécuritas, au nombre d’une centaine et attachés au groupe musical, portent tous ensemble une corde à la fois très lourde et très longue, disposée en rectangle autour des deux camions, et aussi large que la rue, et qui permet, une fois étalée dans toute sa longueur, aux accompagnateurs du groupe de danser, tout en avançant au même rythme que les deux camions, dans un espace qui peut aller, pour les principaux blocs, jusqu’à 100 mètres devant le premier camion, et jusqu’à 80 mètres derrière le deuxème camion.
C’est dire combien est impressionnante, et chatoyante aussi, vu les coloris des vêtements des participants (tous portant la camisete du groupe), la foule qui accompagne les blocs.
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Pour avoir le droit d’accompagner le groupe musical installé sur le premier camion, les participants doivent acheter le tee-shirt du groupe (lequel coûte très cher s’agissant des chanteurs ou des groupes de musiciens les plus fameux ou les plus connus de Salvador – comme, par exemple, Chiclete Banana), un tee-shirt qui s’achète avant le carnaval et sert de passeport ou de billet d’entrée à celles et ceux qui, une fois revêtus du tee-shirt, peuvent passer sous la corde des sécuritas et entrer dans le bloc.
Et toute cette assemblée d’avancer, dans la rue, au même rythme que les camions et de danser au son de la musique produite par le groupe.
Et comme elle mettra six heures à faire la fête de cette manière, ses membres auront besoin de se désaltérer en buvant de la bière ou des boissons sans alcool, et de se restaurer en mangeant tout un tas de choses vendues par des gens qui accompagnent le bloc – tout en se situant eux-mêmes à l’intérieur – avec leurs produits installés sur des supports ambulants.
ET pour diffuser sa musique, le groupe installé sur le premier camion dispose, sur ce camion, d’amplificateurs si puissants qu’on entend la musique à des kilomètres de là.
Quant à celui qui a le courage de se tenir à proximité immédiate du premier camion, il recevra dans les oreilles un nombre de décibels semblables à ceux produits par un avion au décollage.
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Quant au nombre de blocs qui défilent, chaque nuit, dans les rues de Salvador, j’ignore quel il est exactement. Je sais seulement que les chanteurs ou les groupes musicaux les plus fameux se produisent durant plusieurs jours au cours de ce carnaval de Salvador qui dure au total une semaine, lui qui débute le mercredi de la deuxième semaine de février, et se termine le mercredi suivant.
Il existe par ailleurs deux circuits pour les groupes musicaux qui se produisent durant le carnaval : le grand circuit, qui fait en gros 7 km; et le petit circuit, qui relie, le long de la mer, le phare de Barra au quartier d’Ondina situé au bout de la longue jetée que l’on peut observer à cet endroit.
Il arrive que certains groupes ou certains chanteurs ou chanteuses se produisent tel jour sur le petit circuit, et tel(s) autre(s) jour(s) sur les camions parcourant le grand grand circuit de 7 km.
J’ajoute que chaque chanteur (ou chanteuse) et chaque musicien se prépare très conscienceusement sur le plan physique, et ce durant des semaines, pour être en forme au moment de chanter ou jouer durant des heures (jusqu’à six ou sept), pratiquement sans interruption, performance qui n’est pas à la portée du premier venu.
Mais le jeu en vaut la chandelle si l’on sait les sommes faramineuses que gagnent les grandes stars de la musique ou de la chanson durant le carnaval de Salvador de Bahia.
Et c’est d’autant plus vrai que les cachets se sont multipliés par dix depuis la médiatisation à outrance de ce genre de spectacle.
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Au point qu’un carnaval comme celui de Rio est devenu un pur business contrôlé par les grandes familles mafieuses de Rio, lesquelles contrôlent également le jeu du bicho, sorte de loterie clandestine qui rapporte des millions de reais – vu sa popularité à travers tout le pays – à ses organisateurs.
Quant à la tradition populaire qui était la marque de fabrique des carnavals au moment de leur création, pour la trouver, il faut se rendre dans les petits carnavals du pays, organisés par des cités moins bien dotées, sur le plan budgétaire, que celles de Rio, Salvador ou São Paulo, mais où les gens prennent tout autant de plaisir à participer au carnaval, en raison de son caractère plus authentique, car moins tourné vers le fric, que les grands carnavals du pays.
Qui plus est, la violence y est moins grande qu’ailleurs, et notamment durant ce carnaval de Salvador qui, vu son ampleur et le nombre de touristes venus de partout (intérieur de l’Etat de Bahia, autres Etats du Brésil, pays étrangers) est une aubaine pour les voleurs et les bandits de grand chemin.
La violence est devenue telle, malgré un contrôle policier chaque année plus important (avec un nombre très important de patrouilles composées de dix unités et qui se répandent dans toutes les rues du carnaval), que de plus en plus de natifs de Salvador passent toute la période du carnaval sur l’île d’Itaparica, située de l’autre côté de la baie de Salvador, qui est plus tranquille que la cité elle-même de Salvador.
Quant aux touristes venus assister au carnaval de Salvador, au lieu de rester dans la rue, ou au lieu de défiler avec un bloc, ils participent au carnaval depuis les nombreux"camarote" qui ont été aménagés dans tel ou tel bâtiment attenant aux rues où défilent les blocs avec leurs groupes de musiciens et leurs chanteurs ou chanteuses.
Ces "camarote" sont des sortes de bars ou de clubs privés contrôlés par des sécuritas et auxquels on ne peut accéder qu’en possédant sa carte d’entrée.
Une fois à l’intérieur, le visiteur peut se restaurer et assister confortablement – vu l’espace dont il dispose, la sécurité qui existe au sein du club, et la vue qu’il a sur la rue depuis le 1er étage du bâtiment ou se tiennent en général les "camarote"- au spectacle produit par les blocs chaque fois que l’un d’entre eux passe devant le club, avec ses nombreux supporters et admirateurs en train de danser devant ou derrière les camions, au son des groupes musicaux.
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Dans la seconde partie de cet article sur le Carnaval de Salvador, je présenterai ses origines et son histoire, ainsi que d’autres informations susceptibles d’intéresser celles et ceux qui manifestent un intérêt pour ce genre de manifestation.
Claude Gétaz
PS. voici une image tirée du carnaval de salvador de bahia, édition 2012, montrant l’un des camions susmentionnés, avec, posé dessus, le chanteur Alexandre Peixe et son groupe de musiciens en train de parcourir le petit circuit (l’image est tirée du site http://diversao.terra.com.br/carnaval/2012/ultimasfotos/0,,EI19425,00.html, qui montre également le deuxième camion situé en arrière du premier).