Les sénateurs brésiliens ont une fois de plus postposé leur vote concernant l’adhésion du Venezuela au Mercosur. On se souvient que ce vote qui devait avoir lieu mercredi passé avait déjà été reporté à ce mercredi 18 novembre (voir article : Chavez courbe l’échine), mais finalement les sénateurs ont décidé de ne pas se prononcer avant mardi prochain.

Le Mercosur, marché commun d’Amérique du Sud, est en raison de son importance le troisième marché intégré au monde, derrière l’Union européenne et l’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain).

Les quatre pays fondateurs du Mercosur sont le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay. Depuis décembre 2004, le Mercosur compte également trois nouveaux membres-associés qui sont l’Équateur, la Colombie et le Venezuela.

En juillet 2006, le Venezuela avait fait sa demande de pleine adhésion qui fut approuvée par les membres fondateurs, mais attendait depuis cette date la ratification du traité d’adhésion par les parlements du Brésil et du Paraguay. Le Paraguay n’avait pas signé le traité à cette époque car l’opposition, majoritaire au sénat, s’y opposait, tandis que le Brésil avait bloqué le processus en 2007 après que Chavez eut affirmé que les législateurs brésiliens étaient à la botte des États-Unis.

Cette année, Hugo Chavez était optimiste puisque, après d’intenses discussions, notamment en raison de sa forte personnalité et de ses discours belliqueux envers son confrère colombien, la commission des relations extérieures du sénat brésilien avait finalement approuvé l’adhésion du Venezuela au Mercosur le 29 octobre 2009, tout en restant prudente notamment en raison des carences démocratiques constatées dans ce pays.

Souvenons-nous des déclarations du sénateur Jarbas Vasconcelos (PMDB-PE : Parti du mouvement démocratique du Brésil – proche du gouvernement puisque 6 ministres sont membres de ce parti) qui avait expliqué son opposition à l’entrée du Venezuela dans le Mercosur : « Chavez a deux idées fixes, celle de se perpétuer à la présidence du Venezuela et celle d’imposer sa vision de monde à tous les pays d’Amérique latine. Je ne veux pas avoir sur la conscience le poids d’avoir aidé un "protodictateur" à gagner une tribune pour faire naître la désunion et l’autoritarisme en Amérique latine. »

Toujours selon ce sénateur, « Hugo Chávez veut éliminer l’opposition et restreindre la liberté de presse, en conduisant le Venezuela vers une dictature. De plus, les raisons économiques pour ne pas accepter le Venezuela dans le Mercosud sont nombreuses. »

Le sénateur Jarbas Vasconcelos relève en effet que « La Confédération nationale de l’industrie (CNI) ne voit aucun avantage dans l’inclusion du pays au Mercosur et craint l’influence négative de Chavez dans les négociations avec les autres nations. »

Le sénateur a conclu en disant « qu’il ne fallait pas oublier que si le Venezuela entrait pleinement dans le Mercosur, Hugo Chávez aurait un droit de veto sur les décisions de l’ensemble du groupe… Or personne n’ignore les sautes d’humeur du président vénézuélien. »

Une autre opinion négative est celle du sénateur Mão Saint (PSC-PI : Parti social-chrétien) qui critique le président Hugo Chávez, en l’accusant d’ignorer les principes de base de la démocratie, pourtant défendus par le chef révolutionnaire vénézuélien Simon Bolivar lui-même.

En fait, assure Mão Saint, si Chavez se prétend d’un quelconque mouvement bolivarien et fait sans cesse référence à l’illustre homme d’État, il ne connaît rien à Simon Bolivar. Pour le prouver, le sénateur a cité plusieurs phrases célèbres du Libertador; phrases qui, selon lui, sont ignorées par Chavez ou devraient être méditée par le mandataire vénézuélien : « La première de toutes les forces c’est l’avis du peuple ; cette affaire de gauche et de droite est une bouffonnerie ; l’ignorance est audacieuse ».

Ainsi, le sénateur brésilien refuse l’adhésion de Chavez parce que, d’après lui, il se dit bolivarien et ignore la philosophie de Simon Bolivar. « C’est comme si moi qui suis membre du Parti social-chrétien je ne connaissais pas la philosophie de Christ, et que je refusais de donner à manger aux affamés, à boire à ceux qui ont soif, d’habiller les pauvres, d’assister les malades, ou de visiter les prisonniers. » (Source : Agência Senado Brasil).

Il semblerait donc que, malgré l’optimisme de Hugo Chavez et le fait que les spécialistes estimaient que ce votre n’était plus qu’une simple formalité, rien n’était gagné, d’autant que les sénateurs favorables à son adhésion étaient plus discrets et ne commentaient pas leur future décision, si l’on excepte le sénateur Francisco Dornelles (PP : Parti progressiste) qui estime que « l’entrée du Venezuela au sein de l’organisation donnera au Brésil et aux autres États du Mercosur davantage de poids pour exiger du président vénézuélien qu’il garantisse le respect des principes démocratiques ».

Hélas, le mandataire vénézuélien n’aura pas su attendre le vote fatidique puisqu’il s’en est pris une fois encore à son voisin colombien, ordonnant la mobilisation dans son pays suite à la découverte d’un plan supposé d’invasion du Venezuela par les États-Unis qui allaient attaquer à partir de bases militaires colombiennes.

Arthur Virgilio, un sénateur social démocrate brésilien, a affirmé : « Qui parle de guerre en Amérique du Sud est au minimum une personne dangereuse. Les sénateurs doivent méditer les déclarations du colonel Chavez » et le vote a été postposé.

Ainsi, deux fois de suite, les déclarations agressives et belliqueuses du président vénézuélien lui ont fermé les portes du Mercosur. Espérons pour les travailleurs et les entreprises de ce pays socialiste que leur président baissera le ton et modifiera le thème de sa harangue au moins jusqu’au vote des sénateurs brésiliens.

Cela lui sera peut-être difficile puisqu’il risque de devoir affronter le président colombien Alvaro Uribe au sommet des pays amazoniens qui se tiendra à Manaus le 26 de ce mois et que Bogotá a déjà souligné que Uribe en profiterait pour rencontrer Hugo Chavez qui refuse obstinément de lui parler… ce qui n’aide pas à régler le différend qui les oppose.

Une décision négative serait regrettable, car le Mercosur représente une option viable et surtout concurrente de l’ALENA promu par les États-Unis, ce qui devrait permettre aux pays sud-américains d’enfin battre les Nord-Américains sur leur propre terrain mercantile. Et cette concurrence loyale ne pourrait que profiter à l’ensemble des peuples d’Amérique latine.

Il est regrettable également que Hugo Chavez, malgré le charisme politique que certains lui prêtent, soit victime de ses sautes d’humeur et n’arrive pas à contrôler son discours pour paraître plus respectable. Envoyez le président Obama et son homologue Uribe se laver le cul, sont des choses qui se pensent peut-être, mais qui ne se disent pas devant des caméras de télévision. Les insultes et les grossièretés n’ont jamais aidé personne en politique, et ne font sûrement pas avancer la cause des peuples.

Note du rédacteur : Cet article a été rédigé sur base de faits réels et de déclarations authentiques aisément vérifiables qui n’engagent que ceux qui les ont prononcées et ne représentent pas forcément l’opinion du rédacteur. L’opinion de ce dernier se trouve dans les textes non rapportés.

Sources :

Comissão do Senado aprova entrada da Venezuela no Mercosul, BBC Brasil, 29 octobre 2009.

Agência Senado Brasil (Les déclarations des sénateurs sont reproduites avec l’autorisation de cette agence de presse du sénat brésilien)