Quelques jours après les commémorations du  14 juillet, où le chef des armées se plaît, comme le veut la tradition, à travers les "pas cadencés" au millimètre, les armes étincelantes et les coupes de cheveux ajustées au sabot de 2, à rassurer les millions de téléspectateurs sur la sécurité du pays (regardant défiler une partie des 11% du budget  de l'Etat), il est bon de se (re)demander "au fait à quoi ça sert d'avoir une armée ?" (à l'opposé des pays comme le Japon ou la Suisse qui en sont dépourvus). Profitons en aussi pour faire un petit détour du côté des 15 pays les plus militarisés. Dossier.

Il peut paraitre paradoxal, doux euphémisme, alors que les inégalités riches / pauvres, nord / sud, pays développés / émergents ne font que s’aggraver, et que les laissés pour compte de la crise financière viennent s’agglutiner derrière la queue des demandeurs d’emploi, de voir le budget militaire sur les 10 dernières années doubler dans le monde. Une progression de plus de deux fois supérieure à la production de richesse sur la planète. Lorsque qu’on aligne les milliards de dollars les uns derrière les autres (1 464 000 000 000 de dollars), on ne peut s’empêcher de transférer cet argent en « équivalent social » : lutte contre la crise économique, contre le SIDA, contre la faim dans le monde… Mais, cette vision, bien que tentante, est évidemment réductrice. La réalité géopolitique est plus complexe que cela. Posons-nous brièvement la question suivante :

Pourquoi investir dans le « petit commerce » (pour reprendre ne nom de la célèbre chanson de Boris Vian)?

Le principe de dissuasion

La formule naquit lors de la « guerre froide », au lendemain de la 2nde guerre mondiale, alors que les pays industrialisés, après le « succès » des 2 bombes nucléaires lancées sur les villes japonaises de Hiroshima et Nagasaki, se décidaient à acquérir LA bombe dite « H » (bombe à hydrogène, ou bombe thermonucléaire). La fameuse course au nucléaire aboutit ainsi aujourd’hui à 8 pays détenteurs de « l’arme nucléaire » : 5 pays signataires du Traite de Non Prolifération Nucléaire (Russie, Etats Unis, France, Royaume Uni, Corée du Nord –qui ne l’a jamais respecté) et 3 pays non signataires du TNP (Inde, Pakistan, Israël).

Le poids économique

Que ce soit pour se défendre ou pour vendre à des pays qui veulent eux, attaquer, la manne financière de cette activité, à travers le monde, est colossale : en termes d’emplois (même si là encore Boris Vian nous dit que si le « petit commerce » marche trop bien, il n’y aura plus de clients… pour en acheter : « canons en solde ») ou de retombées économiques en aval des ventes d’armes.

Le poids diplomatique

Le fait d’avoir une armée dont la réputation est incontestable permets d’avoir plus de poids lorsqu’il y a une divergence quelconque avec un pays, de surcroît lorsque le langage des armes est un mode de communication connu et utilisé par le dit pays. Parallèlement, lorsqu’il s’agit de reconstruire sur les cendres encore brûlantes d’un Etat qui vient d’être ravagé par la guerre, les pays qui sont intervenus soit pour assurer la sécurité de la population, soit pour protéger les convois humanitaires, sont souvent en tête de liste de contrats de reconstruction… juteux (cf. Irak).

Comment analyser l’explosion du budget militaire par pays ?

En dehors des aspects généraux vus plus haut, on remarque des spécificités locales. Arrêtons nous sur certaines d’entre elles en analysant en particulier la progression (cf. graphique ci-dessous).

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Etats-Unis

Avec un budget de 607 Mds, une part mondiale de 42%, est une croissance décennale de 242 Mds (+66,5%), les USA sont les champions de monde toutes catégories et loin devant le 2nd (en l’occurrence la Chine dont le budget ne représente « que » 5,8% de la part mondiale). La forte progression s’explique par son intervention, faisant suite aux attentas du 11 septembre 2001, en Afghanistan et surtout sa présence en Irak (130000 soldats actuellement et 30 à 50 000 prévus à court-terme au bénéfice d’une présence plus « fine » prévue en Afghanistan pour davantage prévenir les risques d’attentats terroristes).

Chine

Le rapport de force USA, Chine est un peu le même que celui de l’après-guerre USA, URSS, sauf que ce dernier était idéologique alors que les démonstrations de force entre l’oncle Tome et l’Empire du Milieu sont davantage économiques. La progression de 194% de 99 à 2008 peut paraître fantastique, mais est à mettre en corrélation avec la croissance générale du pays de plus de 100% sur la même période.

France

La troisième place de la France est finalement plus ou moins en relation avec son poids économique avec un budget global (65,7 Mds) très proche de l’Angleterre et qui serait certainement comparable à celui de l’Allemagne si notre voisin outre Rhin n’avait pas été démilitarisé après la 2nde guerre mondiale. Quant à la progression de 3,5%, elle est plutôt un signe de sagesse en la matière lorsque l’on la compare aux 15 pays les plus gourmands en matière de dépenses militaires. La France fait en effet partie des 4 pays ayant le moins progressé sur 10 ans.

Russie

A l’instar de la Chine, la Russie, avec 59 Mds de dollars a augmenté son budget de 173%. Cependant, même si elle faisait pâlir d’envie la veille Europe, la croissance a été tout de même largement en deçà de la courbe exponentielle chinoise. Il faut donc trouver ailleurs les raisons de ce développement militaire : l’éclatement des anciennes « colonies » de l’URSS qui veulent se défaire de l’hégémonie de Moscou : Ukraine, Slovénie, Tchétchénie… et plus récemment Géorgie. La Russie a donc intérêt à assoir sa puissance militaire pour faire peur aux Etats qui auraient des idées d’indépendance et pour faire taire ceux qui les ont mis en pratique.

Arabie Saoudite

L’Arabie Saoudite, avec des dépenses s’élevant à 38 Mds en 2008 et une progression de 82% de 1999 à 2008, a un double intérêt à avoir un force de frappe digne de ce nom. Le 1er est économique. Au milieu des pays arabes toujours autant allergique au fameux « impérialisme américain », c’est le premier fournisseur d’armes fort logiquement. Le 2nd est diplomatique. L’Arabie Saoudite ne dispose certes pas de l’arme nucléaire, mais est suffisamment puissante pour appeler le respect des pays du nord.

Aujourd’hui, les grandes puissances ne s’arment plus réellement pour éviter une troisième guerre mondiale, grâce à une certaine sagesse en la matière, mais pour fournir des armes aux guerres sporadiques qui sévissent sur la planète. Vu la nette progression des conflits armés dans le monde (Afrique, pays arabes) et les défies lancés par des pays ne brillant pas pour leur vertu démocratique (Corée du Nord, Iran,..), ce n’est malheureusement pas pour demain que l’on va voir le budget militaire fondre au profit de la lutte contre la fin dans le monde…