Laïcité dilemme entre la neutralité passive et le pluralisme actif

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La laïcité, une valeur si chère et si précieuse pour la république française. Qu’est ce qu’elle renferme comme sens ? Peut-on la considérer comme principe intransgressible qui ne tient pas compte de la notion de l’espace-temps ? Ou peut-on l’assimiler à un état d’esprit mutant qui accepte mieux le changement? Le fait qu’elle est, à la fois, un règlement juridique et un art de vivre ensemble, nous ne devrions pas l’adapter aux nouvelles valeurs sociétales ?


Pour ma part oui, j’opte pour la deuxième proposition tout en considérant la mutation dans le sens d’acceptation d’un nouvel ordre et non un changement caméléonesque qui change de visage au regard du moindre effet. Par principe, j’ai horreur de l’assimilation et je refoule catégoriquement l’idée qui préconise la non-mutation de tel ou tel principe. Aujourd’hui, la laïcité est confrontée au développement de revendications culturelles et religieuses, souvent d’ordre identitaire. Laïcité telle qu’elle a été conçue depuis le début du siècle se voit, désormais,  interpeller pour actualiser son contenu. Avant de creuser en profondeur la question de la révision du principe de la laïcité, j’aimerais donner sa définition telle qu’elle est dans « le petit robert »; le temple qui veille sur la langue française :

 

« Conception politique impliquant la séparation de la société civile et de la société religieuse, l'État n'exerçant aucun pouvoir religieux et les Églises aucun pouvoir politique »

Si je me tiens au règlement juridique, la laïcité me paraît constituée de trois principes essentiels: le respect de la liberté de conscience et de culte; la lutte contre toute domination de la religion sur l’État et sur la société civile ; l’égalité des religions et des convictions les «convictions» incluant le droit de ne pas croire. Il faut arriver à tenir ensemble ces trois préceptes si l’on veut éviter toute position arrogante et péremptoire. Mais évidemment, dans la pratique, les acteurs ont tendance à privilégier l’un ou l’autre de ces trois principes : les croyants se réfèrent surtout à la liberté de culte; les agnostiques (et les anticléricaux) s’appuient plutôt sur la lutte contre la domination des religions; quant aux minoritaires, ils insistent sur l’égalité des religions et des convictions.

Donc, la laïcité stipule la séparation des Eglises et de l’Etat. En d’autre terme, la laïcité  est un principe essentiel qui représente la récolte bénéfique d’une longue histoire conflictuelle opposant pendant longtemps deux visions antagonistes, celle de ceux qui défend l’idée que la société redevienne «la fille aînée de l’Église» à celle de ceux qui pensent que la société moderne doit être la fille de la « Révolution de 1789 », jusqu’à la loi de séparation qui permet une pacification de ce «conflit des deux antagoniste» et la construction de ce que j’appelle «le pacte laïque ». Cette définition relate tacitement le non ostentation des signes religieux dans les lieux publics, c'est-à-dire la mise en valeur indiscrète d'un avantage religieux quelconque. Cette définition tient compte des paramètres socioculturels de l’époque lorsque les conflits entre la classe prolétaire et féodale font rage dans un contexte religieux plus au moins homogène, c'est-à-dire le conflit qui oppose des acteurs issus majoritairement de la même religion «christianisme ».  Malgré les différences qu’on peut observer au sein de cette même communauté, les non-religieux s’efforcent tant bien que mal d’écarter les religieux de la vie civile afin de les empêcher d’avoir une emprise sur le pouvoir politique ainsi ils les écartent de toute intrusion dans les affaires de la société contre et toue atteinte à la liberté au sens universel.

Forcément, la promulgation des règles de la laïcité ne jouît de sens que dans des sociétés issues de même entité religieuse qui partage les mêmes niches conceptuelles et conventionnelles.  Les sociétés occidentales ou d’autres sociétés moins développées qui partagent les mêmes valeurs chrétiennes, rendent facilement assimilable les règles de la laïcité qui consistent à refouler toutes formes d’exhibition ou d’affichage d’un signe religieux par contre elle tolère d’autres formes d’exhibitionnisme. Le pacte laïc est contradictoire dans ce sens car il ne tient pas compte du changement de la société civile qui devient de plus en plus hétéroclite. Prenons par exemple, la religion musulmane est devenue la deuxième religion de France voire même partout et on assiste aussi à l’émergence d’autres croyances comme les bouddhistes et j’en passe.  Ces populations accordent une importance majeure à leurs tenus vestimentaires qui, en fait, les distinguent et les singularisent des autres. Les français, les américains, les italiens etc… fils des émigrés de la troisième génération ont d’autres soucis que se plier au pacte laïque de la république. Ce sont les soucis de l’intégration dans la société civile qui les tracassent et cherchent à jouir d’une reconnaissance qui met en valeur leurs êtres. Il est bien clair que l’individu peu importe son origine a tendance à se replier sur lui-même dès qu’il ne ressente pas une gratification à sa personne. Donc le seul lieu de refuge pour lui, c’est de se vêtir de quelque chose qui le distingue de ceux qu’il les considère les mêmes. Dans ce métaphore lui appartient aux autres.

Tout pour les mêmes et rien pour les autres

[Adam Smith]

Prenons le port de hijab comme autre exemple de signe ostentatoire d’après le pacte laïc. Le pourquoi le port de hijab a une double réponse, celle de forme qui permet de sa porteuse un signe qui la différencie des autres et celle de fond qui est à mon sens la plus plausible, c’est pour marquer la supériorité masculine. Je rappelle qu’il y plus de 15 siècle en arrière les tributs de moyens orients et de l’Asie mineur, les hommes enterraient les filles vivantes à leurs naissances parce qu’elles sont des filles. Ce n’est qu’à l’arrivé de l’Islam que cette pratique a été abolie « Cf sourate Takwir n° 81 ». On a changé la tuerie collective par un emballage qui s’appelle le hijab. Ceux-ci me ramènent à affirmer que le port de hijab ainsi que d’autres signes ostentatoires tirent leurs essences depuis le registre conventionnel qui appartient à des normes ancestrales qui existaient bien avant l’arrivé de la société religieuse « Islam ». D’ailleurs, je vous fais observer qu’il y a une différence flagrante de la forme de hijab d’une société à l’autre : Le port de « hijab » chez les femmes afghanes, qui ressemble plutôt à une prison ambulante de couleur bleu, n’a pas la même signification que chez les femmes africaines ou orientales malgré le fait qu’elles appartiennent à la même entité religieuse.  

A mon sens, je pense que la laïcité est plurielle et je peux imaginer plusieurs seuils de laïcisation suivant la société et le pays en question. Par exemple en France, Le premier seuil s’est construit au moment de la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » Le deuxième seuil s’est construit en 1905 « la loi de séparation des Églises et de l’État ».

Quelles frontières de la laïcité ?

Il me semble que c’est très difficile de tracer les frontières de la laïcité et du surcroit varient selon les pays. Par exemple dans un pays comme le Canada qui se veut une société multiculturelle. Ce multiculturalisme n’était pas un relativisme culturel, qu’il fonctionnait sous l’hégémonie d’une anthropologie des droits de l’homme. C’est à partir de cette anthropologie que l’on peut définir le «non négociable». De ce point de vue des pratiques telles que, la polygamie, l’excision, le mariage forcé font partie du domaine de «non négociable». En revanche, je reviens sur la question du port du hijab dans les pays comme l’Amérique du Nord (USA, Canada), cette question apparaît, relativement anodine, en tout cas gérable. L’important, c’est de déterminer où l’on met le curseur. On a intérêt à le mettre à un endroit qui permette aux gens de faire une démarche sans avoir l’impression de devoir renier leur culture. En sachant aussi faire la distinction entre ce qui est réversible et ce qui ne l’est pas  sur ce qui est irréversible, il y a urgence, et il faut être ferme ; alors que sur ce qui est réversible, il peut y avoir négociation, dialogue, compromis, processus. L’excision, c’est tout un destin, on ne peut tergiverser. Le hijab, on peut discuter.

En se gardant bien de chercher à établir une définition précise du concept de laïcité, le rapport s'efforce d'appréhender son contenu, sous les angles suivant:

  • La laïcité ne se résume pas à la neutralité de l'Etat, ni à la tolérance. Elle ne peut ignorer le fait religieux et implique l'égalité entre les cultes.
  • Laïcité et pluralisme: hormis le fait qu’en 1905, la catégorie des cultes reconnus a disparue, et si l'Etat ne doit donc reconnaître aucune religion, il ne doit en méconnaître aucune.

Parmi les acquis de la laïcité apparaissent l'affirmation que toutes les religions ont droit de s’exprimer librement et, en contrepartie il ne doit pas y avoir une ou plusieurs d'entre elles qui nient des principes fondamentaux sur lesquels repose l’Etat de droit.

Faut-il reconsidérer la définition de la laïcité comme elle a été promulgué 1905?

A mon sens oui parce que le seuil de la laïcisation de 1905 repose sur des données propres à cette époque. Plusieurs paramètres ont été modifiés ou introduits à l’aube de XXI siècles qui nécessitent une révision de cette valeur pour assurer sa continuité. Si les grands principes laïcs ne sont pas remis en question, les modes organisationnels des cultes prévues par la loi de 1905 sont parfois discutés par exemple comment inscrire l’Islam dans la société française. Cette question a été invoqué par La revue Regards sur l’actualité, dans le numéro «Etat, laïcité, religions» qui propose deux points de vue différents sur la question de la révision de la loi de 1905 : celui de Jean-Arnold de Clermont, président de la Fédération protestante, qui se prononce pour une révision de cette loi, et celui de Henri Pena-Ruiz, philosophe, qui défend un point de vue inverse.

Conclusion

Au début du siècle passé, le principe de la laïcité prône plutôt la notion de la "neutralité passive", c’est pour cette raison que la loi de 1905 doit être revue dans la perspective de l’actualiser à la lumière des changements observés. La laïcité telle qu'elle a été promulguée au début du siècle passé avait une raison d'être, et avait été comprise par la majorité des sujets qui croient à la même entité religieuse. En plus, les mêmes sujets avaient le ferme désir d'instaurer d’autres jeux de règles pour rendre le système plus viable, plus cohérent et surtout plus neutre. Dans le contexte historique du début de siècle passé, le principe de la laïcité était compréhenssible, car il traduit exactement une attitude passive vis- à-vis des valeurs socioculturelles homogènes, c’est laïcité qui traduit une neutralité passive. Tandis qu’aujourd’hui, le monde a changé et le socle sociétal a par conséquent a changé lui aussi dans le sens de diversité et de pluralité des croyances. La neutralité passive a été fondée sur des valeurs socioculturelles propres à l’époque qui valorisaient tacitement les percepts religieux plus au moins homogènes « judéo-chrétiennes » Tandis qu’aujourd’hui, nous vivons dans des structures hétéroclites avec un métissage culturel, identitaire, et religieux sous l’effet de la globalisation. 

Au regard de ces changements sociétaux, il est grand temps de substituer la vieille notion de laïcité qui prône la neutralité passive par une laïcité plus globale et diversifiée qui tient compte de la diversité des cultures, des croyances et  de tout simplement de la singularité des sujets qui forment  la société. Dans ce cas de figure, la laïcité qui était, autrefois une neutralité passive devient une laïcité plus universelle qui défendra des valeurs plurielles et objectives de « pluralisme actif».

Karim El Idrissi

Une réflexion sur « Laïcité dilemme entre la neutralité passive et le pluralisme actif »

  1. @ Karim_64
    Karim, bonjour… qu’il me soit permis, également en tant qu’Auteur sur ce site, de vous souhaiter la bienvenue sur Come4News…
    Avec votre premier article, vous avez frappé fort en vous en prenant à la Laïcité de l’Etat…

    En ce qui me concerne, je suis un fervent partisan de la Laïcité de l’Etat !

    Dans son Préambule, l’Article 1er de la Constitution de la Vè République stipule : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales »…

    De ce fait,
    1°) – Les religions –toutes les religions sans exception- doivent s’adapter aux évolution du monde qui nous entoure, aux progrès techniques, philosophiques et culturels qui sont réalisés, au métissage des populations, ainsi qu’à leurs attentes quant aux respects de leurs athéismes ou de leurs déismes !
    2°) – L’Etat –en l’occurrence : la République Française- doit s’adapter aux évolutions du monde qui nous entoure, aux progrès techniques, philosophiques et culturels qui sont réalisés, au métissage des populations, ainsi qu’à leurs attentes quant aux respects de leurs croyances philosophiques et religieuses !

    Partant de ce constat, j’estime
    1°) – Que la Religion ne doit pas se mêler des affaires politiques et économiques !
    2°) – Que la Politique ne doit pas se mêler des affaires religieuses et philosophiques.

    Il est bien évident que le monde évolue, que les mentalités évoluent.
    Mais, pour éviter les communautarismes divers, il faut
    – que les Lois de la Républiques soient prioritaires à toutes les lois philosophiques et religieuses,
    – que le port de tous signes ostentatoires religieux ou philosophiques –sans exception- soit, comme c’est actuellement le cas, formellement interdit dans l’enceinte de l’Ecole, des Administrations,
    – que les Citoyens soient tous égaux ce, quels que soient leur sexe, leur origine raciale, leur religion, leur conception philosophique, leur déisme, leur athéisme, selon le concept qui dit que « La République est une est indivisible » !

    Pour conclure, je dirais que la Laïcité de l’Etat permet le respect, dans les Lois de la République, de toutes les croyances philosophiques et religieuses, de tous les athéismes, de tous les déismes…

    Dominique

    PS : bonne visite et bons commentaires sur mes articles (en cliquant sur ma photo).

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