L’affaire Cassez ou la subjectivité médiatique


Hourra ! Youpi ! Lançons les flonflons, jetons les cotillons, faisons sauter les bouchons de champagne par un brusque coup de sabre. Florence Cassez est enfin libre ! Ce fut la nouvelle qui anima toute la presse ces dernières semaines, parallèlement avec l’épilogue d’une course maritime en solitaire. Mme Cassez est devenue la coqueluche des médias français. A grand coup d’articles élogieux et de reportages au discours dirigés, les journalistes français ont fait d’elle une victime héroisée d’un système judiciaire archaïque et arbitraire, tout au moins, jugé comme tel par nos yeux hexagonaux. 

 

Il est intéressant de voir comment le sujet a été traité par les médias mexicains et comment l’opinion publique a perçu cette libération. Au Mexique, peu de personnes se sont passionnées pour le cas de cette française d’une trentaine d’années, accusée d’avoir participé à l’enlèvement de 3 personnes, détenue depuis décembre 2005 derrière les barreaux. En effet, peu de mobilisation tellement les histoires de rapts sont nombreuses au Mexique. Alors pourquoi s’emballer pour une française, alors que des milliers de concitoyens mexicains croupissent en prison pour des affaires similaires ? 

 

Le cas Cassez a surtout déplu aux mexicains. En devenant une pomme de discorde diplomatique entre la France et le Mexique, par sa montée en épingle causée politiquement, il a accolé une très mauvaise image du système judiciaire mexicain. Les déboires de Florence Cassez auraient pu rester un cas mineur parmi tant d’autres si, à un moment donné elle n’avait pas mis en doute une quelconque responsabilité du Ministre de la Sécurité Publique, en charge de la lutte contre les enlèvements crapuleux, Genaro Garcia Luna. En faisant cela, elle a aussi attaqué le président Caldéron et sa gestion basée sur la tolérance 0, elle clame avoir été prise  comme exemple montrant que l’impunité ne peut être tolérée, le tout sans preuve. 

 

Après sept années passées à la prison de Tepepan, dans le sud de Mexico, dans des conditions somme toute difficiles mais pas infernales, elle a été libérée. Elle pouvait par exemple prendre des cours de sport, de peinture, donner des cours de français, elle était acceptée par ses codétenues, elle avait droit à des visites et elle se mêlait de la vie des prisonniers en organisant des réunions d’informations sur leurs droits. Elle vivait malgré tout avec une épée de Damoclès au dessus de la tête, en permanence elle pouvait être transférée dans un lieu de détention nettement plus hostile. Une règle à tenir, ne pas parler aux journalistes et ne pas aborder des questions sensibles. Les personnes un peu trop curieuses ont eu la désagréable surprise de voir leurs affaires perquisitionnées et fouillées en leur absence. Quelle agréable surprise que de retrouver sa chambre d’hôtel retournée !

 

Florence Cassez a donc été sortie de sa cellule, sous les huées de mexicains massés aux portes du pénitencier. Elle est repartie vers la France pour devenir une « sainte », devant faire la tournée des palaces et dîner avec les plus grands représentants de l’Etat français. Pour en arriver là, il a fallu l’intervention de la Cour Suprême, la seule à pouvoir  prononcer sa libération. Une liberté accordée car il y eut des irrégularités lors de son arrestation. Notamment, une reproduction style show américain de la scène où les forces de l’ordre ont mis les menottes à la française, accusée d’appartenir au gang du Zodiac, dirigé par son compagnon de 15 ans. En tournant devant les caméras cette pâle copie, à peine quelques heures après la véritable scène, la police mexicaine a fait fi de la présomption d’innocence et c’est là que ça coince. 

 

Au Mexique, Florence Cassez est toujours considérée comme coupable, du moins son innocence n’est pas avérée. Le journal Reforma a publié un sondage relevant à quel point l’affaire résonne d’une autre façon, selon les personnes interrogées, 83% pensent qu’elle n’est pas toute blanche et exempte de tout soupçon. Le verdict de la Cour Suprême va dans le même sens, elle l’a libérée mais pas innocentée. Une manipulation  lexicale aux nuances totalement différentes. Le problème donnant des cheveux blancs aux juges mexicains, c’est l’éventualité que l’affaire Cassez fasse jurisprudence et ainsi, que des détenus jouent sur des irrégularités lors de leur arrestation afin que l’on leur ôte les fers. C’est un coup dur porté au système judiciaire mexicain, jugé corrompu, à faire croire que la Cour Suprême soit la seule instance à donner un verdict impartial. 

 

L’évènement politico-judico-médiatique est le parfait exemple de la cloche aux multiples résonances. En France, ses sons nous donnent le sentiment que Florence Cassez est une pauvre victime d’une police et d’une justice sans vertu et violente, tandis qu’au Mexique, sa musique revêt un aspect plus dramatique. Il laisse une impression que dorénavant,  des coupables non reconnus mais des innocents non avérés puissent être relâchés dans la nature. En outre, il ne faudrait pas que le cas Cassez casse la relation étroite entre les deux pays, d’autant plus que le Mexique est une grande puissance en devenir et par conséquent un partenaire avec qui il faudra compter dans le futur. 

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