L’adieu à l’enfance

Nue propriété est un premier film sobre et sincère du belge Joachim Lafosse sur la déshérence d’une famille avec grands enfants.

 

Un huis clos familial (infernal ?) sous haute tension qui témoigne de la difficulté pour de jeunes adultes à quitter le nid douillet de l’enfance.

Le réalisateur nous décrit par le menu la vie quotidienne d’une mère divorcée depuis longtemps et de ses deux fils jumeaux âgés de 20 ans et des poussières. Le père remarié vit un peu plus loin. Ses rares visites suscitent l’agacement de son ex-femme, Pascale, jouée par une Isabelle Huppert plus vraie que nature. Elle voudrait vendre la maison de famille estimant son devoir d’éducation accompli. Elle rêve de recommencer une autre vie avec son voisin et amant. Mais c’est sans compter les revendications de ses fils, adolescents attardés plongés dans une inertie au jour le jour sans perspective d’avenir, ni projet porteur. Thierry interprété par Jérémie Renier, toujours formidable, s’oppose violemment à sa mère tandis que son frère François (joué par Yannick Renier, le frère aîné de Jérémie) se montre plus tendre mais il exerce ainsi un chantage affectif plus pernicieux pour contrecarrer le désir d’émancipation de sa mère.

On comprend que le trio mère-fils vit en autarcie avec des rituels bien institués : télé-canapé, repas partagés dans la cuisine (seule exception : l’irruption de l’amant vu comme l’intrus par les deux frères lors d’une invitation surprise pour faire connaissance et qui tourne au vinaigre), parties de ping  pong dans le garage, salle de bain commune. Le désir de la mère de s’en extraire va heurter de plein fouet l’attachement viscéral des garçons à leur maison, leurs habitudes.

Les disputes vont aller crescendo. La mère à bout de nerf, finit par déserter non sans avoir jeté un appel au secours au père qui restera sourd, encore plein de rancœur. La relation entre les jumeaux vire à la haine jusqu’au drame final. La séparation qu’ils craignaient tous, ils devront la vivre comme malgré eux. La maison sera vendue et on le devine, la famille disloquée.

Le film nous assène une vérité immuable : décidé ou pas à voler de ses propres ailes, la vie se charge de nous pousser en avant quoiqu’il nous en coûte.