Le britannique Daily Mail (titre de David Derbyshire : « Ce n’est pas tout blanc : un cocktail de vingt produits chimiques dans un verre de lait ») ne vise pas du tout Lactalis en particulier…
Il fait simplement état d’une nouvelle méthode d’analyse des produits alimentaires élaborée par le dr Evaristo Ballesteros et des équipes de l’université andalouse de Jaen.
Des analyses de lait prélevé dans des rayons ou auprès de laiteries en Espagne continentale ou « marocaine », il résulte que des antibiotiques, des hormones de croissance, des analgésiques ou anti-inflammatoires, laissent des traces dans les laits proposés aux consommateurs.
Hormis l’estrone, hormone naturelle, on trouve tout une gamme de produits de synthèse, dont un fongicide et une substance contre la malaria dans le lait de vache. Ils ont des noms comme 17beta estradiol (une hormone du type œstrogène) ou triclosan, naproxen, florfenicol… Bien évidemment, des traces de certains produits se retrouvent aussi dans le lait maternel. En France, où les produits laitiers emplissent des rayons réfrigérants entiers, les mères de famille les affectionnent particulièrement.
Les dilutions rendraient inoffensives toutes ces substances, assure-t-on. Peut-être. De même que la radioactivité naturelle semble toujours plus concentrée que celle provenant de l’énergie nucléaire dans les communiqués des autorités de surveillance (enfin, presque…), il faut donc croire que, même à long terme, boire du lait serait fort bon pour la santé. En tout cas, pas plus dangereux que tout le reste de l’alimentation (exemple : du Prozac a été détecté dans du poisson à l’étal par l’université de Plymouth).
On pourra peut-être se régaler bientôt de caviar ou d’œufs de lump de poissons mâles : certaines espèces, absorbant les résidus de pilules contraceptives non éliminés par les stations d’épuration, se « femellisent ».
Or donc, pour le lait, les anti-inflammatoires dominent, en compagnie des bêtabloqueurs, des antiseptiques, des antibiotiques. L’université Abdelmalek Essaadi (Maroc) s’est aussi livrée à des analyses confirmant les espagnoles. Les substances 17-alfa-etinlestradiol, 17-beta-estradiol et d’autres se retrouvent dans le lait maternel.
C’est un « système continu d’extraction en phase solide » qui a permis d’arriver à ces conclusions. Il est détaillé par les chercheurs Azzouz, Jurado-Sanchez, Souhail et Ballesteros dans le Journal of Agricultural and Food Chemistry (« Simultaneous Determination of 20 Pharmacologically Active Substances in Cow’s Milk, Goat’s Milk, and Human Breast Milk by Gas Chromatography-Mass Spectrometry »).
30 minutes suffisent pour obtenir des résultats sur divers types de laits (frais, entier, écrémé, en poudre, de femmes allaitantes). Commode, et donc pouvant être utilisé par Lactalis ou Parmalat pour… quoi au juste ? Éliminer ces substances, s’assurer que leur concentration est sans danger pour la santé des nourrissons, enfants et adultes ? Mais cela peut-il aussi conduire à financer d’autres études qui assureront que la concentration de ces produits est encore moins dangereuse qu’on l’imaginait ? Le problème de la concentration du capital, c’est que plus un groupe est puissant, mieux il dispose de moyens pour influer sur des décisions nationales ou communautaires.
Pour le moment, la presse francophone belge a repris l’information. « Nous sommes convaincus que cette nouvelle méthode est un moyen efficace de déceler efficacement ce type de composants dans d’autres denrées que le lait », a indiqué le dr Ballesteros cité par 7 sur 7 (.be). D’autres « surprises » sont donc à venir.
Si ces méthodes d’analyse étaient appliquées, les professionnels de l’agro-alimentaire pourraient les mettre à profit pour éliminer ces médicaments. Totalement ? Ainsi, ajoute le dr Balleteros « les consommateurs seraient mieux informés et prendraient conscience que la nourriture est inoffensive, pure, authentique, bénéfique pour la santé et exempte de résidus toxiques… ». Un label « certifié exempt de produits dangereux pour la santé » en gros. En tout petit les dosages des produits au millionième près sur toutes les étiquettes de produits alimentaires ? Ou l’estimera-t-on superflu ?
Mendès France, le ministre qui avait introduit la « goutte de lait » (distribution gratuite de lait) dans les écoles françaises, n’avait pas pensé à faire afficher ou communiquer aux parents les menus des cantines scolaires. Au recto le menu, au verso la liste complète des composants chimiques ou résidus de médicaments vétérinaires : produit par produit, cela permettrait aux parents de se sensibiliser aux études de chimie de leurs chères têtes blondes.
« Milk and Smile » (du lait, du sourire), tel est l’intitulé de la campagne « Moving people by Parmalat ». « Le lait, une ressource essentielle », nous assure Lactalis. Pour résorber le déficit de la Sécurité sociale en recyclant les substances et concocter des médicaments génériques ?
« Le lait est un aliment d’une richesse exceptionnelle », énonce Lactalis. À ce point, on pouvait à peine l’imaginer. C’est une « matière noble » nous assure le site enviedebienmanger (en fait, sans doute, un site de l’industrie agro-alimentaire pour faire « découvrir l’actu des marques »).
Le Lactopôle (groupe André Besnier, filiale Lactalis-Nestlé), « Musée conservatoire mondial des métiers du lait », à Laval, n’a pas encore fait entrer dans ses « principales curiosités » les résultats des recherches espagnoles et marocaines. Le Lactopôle nous convie au « bal des saveurs ». Le Bal des damnés au fond du verre de lait ? Jaques Higelin, dans sa chanson Tête en l’air, voyait « des pots de yaourt dans la vinaigrette » : c’est plutôt une sacrée vinaigrette médicamenteuse qui pédale dans le yaourt !
Pour mon 600e article sur [i]Come4News[/i], j’avais pensé à traiter de la Libye (et des actions contre l’Otan ou Al-Jazeera menées par Me Coutant-Peyre). Et puis, rapprochant ma lecture du [i]Daily Mail [/i](étude espagnole sur la composition du lait) et celle de la [i]Tribune[/i] sur Lactalis, je me suis demandé si je n’allais pas célébrer cette six-centième contribution en levant un verre… de lait. J’imagine que la Russie fourgue du lait en poudre à Tripoli et le Qatar d’autres laits à Benghazi. C’est mieux que de délivrer des bombes.
Celles à retardement semblent être beaucoup plus largement répandues, dans nos verres et nos assiettes.
Un article 600 pas tout blanc, mais j’espère quand même pas tout noir.
Bravo Jef,
Lactalis, par cette nouvelle acquisition, est devenue le numéro un mondial du lait…. Quand à lever un verre oui, mais évitons le lait, y compris dans de nombreuses fermes…Car selon l’adage « Les chiens ne font pas des chats », si ruminer permet à ces bêtes de nous abreuver sainement, l’absorbtion massive d’antibiotiques et/ou de médicaments ne doit pas produire un lait biologique