Nicolas Sarkozy aura, lors de son mandat, créé 25 taxes nouvelles. 24 jusqu’à présent, faisant passer les prélèvements obligatoires de 43,3 % du PIB à 44,5 % (prévisions 2012) et donc à… on ne sait combien vers mars 2012. Valérie Pécresse vient de confirmer les dires de Xavier Bertrand, une TVA sociale (belle appellation) sera instaurée avant les présidentielles. Plus quelques « mesurettes » passées en douce ? Les ministres grecs pourront dire à leurs mécontents : « va donc te faire voir chez les Français ! », à ce train-là…

C’est confirmé. Valérie Pécresse, ministre du Budget (ou en tenant lieu, car elle décide de peu) ne l’a pas dit : « La TVA sociale pour créer des surendettés en France et reporter les achats aux soldes 2013, nous allons la faire (…) avant l’élection présidentielle. ».
Car elle dit « pour créer de l’emploi en France et pour éviter que des produits chinois importés ne soient vendus chez nous à bas coûts… ».

Les soldes d’hiver sont ouverts en Lorraine, le seront demain en Belgique, vont l’être à Paris le 11. Pas sûr qu’ils fassent mieux que les soldes britanniques…

Les soldes britanniques de Noël, c’était jusqu’à -80 %, rarement moins de 40 %, ce dès le premier jour, et non pas, comme en France, des soldes parfois bidons, avec des habits faits pour, passant à moins 60 ou 70 quand il ne reste presque plus rien). Plusieurs chaînes britanniques vont carrément fermer et à la suite de ces soldes pas trop réussis, des enseignes vont baisser le rideau.
Au fait, les soldes en ligne sont permanents ou presque en Grande-Bretagne et les règles de l’Union européenne étant ce qu’elles sont… suivez mon regard vers le large…

Beau prétexte… bidon

Ce serait donc pour « faire baisser les charges du travail » que la TVA sociale va être instaurée. Fort bien. Question travail dans ce qu’il reste du textile (quelques trucs très spéciaux, car même les bérets basques du Pays Basque, c’est fini…) et du cuir et du prêt-à-porter (Hermès, Vuitton étant une multinationale), c’est une bonne nouvelle. Encore faudra-t-il voir à l’usage. Mais admettons que le coût du travail des dirigeants des banques baisse… Qu’en feront-ils ?

De combien serons-nous taxés ? « De plusieurs points ». Et de quoi sont les pieds ? L’objet de soins constants, galéjais Fernand Raynaud. Ce seront donc les importations qui financeront la protection sociale, nous dit Xavier Bertrand.
La viande australienne, les fruits et légumes marocains ou espagnols, le riz indien ? Les machines outils allemandes, coréennes, norvégiennes ? Quoi donc au juste ? Voilà en tout cas qui fera plaisir aux ménagères et commerçants qui vont approuver cette partie du programme du Front national : mieux taxer les importations (lequel FN voudrait par ailleurs instaurer une TVA majorée pour les produits de luxe, dont les cosmétiques… il faudrait aller plus loin : sur les sportifs de luxe, aussi… soit dit en passant).

Car ce ne sont pas « les importations » qui abonderont mais bel et bien les consommateurs. De plus, il n’est pas du tout sûr que la taxe soit réellement affectée à la protection sociale. Enfin si… Peut-être à une nième modernisation des systèmes informatiques, par exemple, histoire de donner du boulot à des sociétés de conseil qui ne sont pas capables, par exemple, de gérer correctement les soldes des militaires.

Du social, ne galvaudons pas le nom

Nous subissons déjà un récent relèvement de la TVA sur de nombreux produits. Qui s’applique indifféremment aux berlines allemandes, aux Lexus de grand luxe asiatiques, et des hausses de tarifs font automatiquement relever la part de l’État. Nous disposons déjà de la CSG qui s’applique sur l’ensemble des revenus (et non pas tout à fait ceux du seul travail), une Contribution sociale sur les revenus du patrimoine… N’en fallait-il pas relever les taux plutôt que d’imposer une TVA dite faussement « sociale » ?

 

Que la rigueur et l’austérité se renforcent, soit. Mais que produisons-nous encore en France ? De fait, en quoi cette taxe rendra-t-elle les produits français plus avantageux que les importés ?
Zineb Drief s’est livrée à une enquête pour Rue89 : « j’ai essayé d’acheter français, je suis presque ruinée ». En fait, souvent, l’étiquette est française. Mais elle a réussi à acquérir des punaises « fabriquées par la clouterie française ». Elle a donc présumé que la matière première, le façonnage, étaient français. En fait, il s’agit de la société de commerce de gros Trefilaction, qui importe ce qu’elle veut d’où elle veut. Mais les marques Vynex et Rocket sont effectivement françaises, avec quatre sites.

 

Que pouvons nous acheter français ? Des céréales, sans doute. Des haricots cocos de Pamiers, sans doute des mojettes niortaises, et des fromages de terroir, des poulets et des cochons.

Guillaume Atchouel et Gérald Camier, de La Dépêche, se sont aussi livrés à une enquête sur Toulouse, Blagnac et quelques autres villes. L’ex-française Comptoir des cotonniers est japonaise, importe un peu en Roumanie pour faire transformer, mais le gros de la production est chinoise. Aubade, c’est tunisien. Michelin, c’est certes français, mais pas vraiment le caoutchouc.

Hormis quelques rares produits, la TVA sur les importations, de matières premières notamment, sera répercutée sur le consommateur. En matière d’alimentation par exemple, cela vaudra aussi pour les conditionnements (généraux, pas que les emballages de l’utilisateur final).

Effets pervers

Un des effets pervers pourrait être que la tentation de faire fabriquer en Europe, hors France, se renforce. Arnaud Montebourg, du PS, avance qu’une taxe aux frontières européennes serait plus efficace. Cela ne reviendrait pas tout à fait au même : elle serait évidemment répercutée sur les consommateurs, mais, au moins, cela pourrait favoriser les exportations françaises en Europe, cela développerait le marché intérieur européen.

Dites-vous bien qu’à l’instar du cassoulet de Castelnaudary, la plupart des produits du terroir (peut-être pas le sucre de la betterave picarde, des vins locaux), sont de fait importés. Il n’y a évidemment pas assez de porcs en Corse pour produire autant de charcuterie. Pas assez d’oies et de canards dans tout le sud-est de la France. Mais au moins, la transformation des importations créent des emplois en France si… l’étiquette n’est pas apposée à l’étranger.

 

François Bayrou, et d’autres, ont certainement raison : une réindustrialisation est nécessaire. Il n’est pas du tout sûr que la TVA sociale y contribue.

 

Il faut tenter de décrypter les discours, les fausses-bonnes raisons invoquées. Voyez un peu, par exemple, la dissection des propos de Pierre Lellouche (secrétaire de l’État UMP au commerce extérieur) par Philippe Murer.

 

Pipeau
La façon de présenter les choses « dans le poste » (les radio-télés) est de plus fallacieuse. Les importations ne pourront pas être taxées : la réglementation européenne exige que les biens importés soient frappés du même taux que les biens produits dans l’UE. C’est sur les droits de douane hors Europe qu’il faudrait pouvoir agir. Ce qui supposerait une concertation européenne.

La seule qui acclame la TVA sociale, c’est Laurence Parisot, du (gros et très gros) patronat français. Car on ne sait trop à qui profitera le plus cette TVA « sociale » : aux entreprises ou à la protection sociale. Va-t-elle d’ailleurs frapper aussi les mutuelles ?

Mélanchon cite une étude de 2004, produite par Bercy, sur le sujet : « elle concluait à un effet nul sur l’emploi à long terme et même à une légère baisse de PIB comme résultat d’une éventuelle « TVA sociale », en raison du choc négatif produit sur la demande. C’est également la conclusion à laquelle aboutit le chef économiste de la banque Natixis Patrick Artus, quand il affirme qu’"en France, la consommation est le principal moteur de la croissance. Il est risqué de la pénaliser." ». Christine Lagarde affirmait d’ailleurs que ce type de TVA n’était pas adapté à la situation française. Qu’en pense-t-elle donc à présent ?

Il rappelle aussi que les 10 % des ménages les plus riches consacrent 3,4 % de leur revenu à la TVA, les 10 % les plus pauvres 8,1 %. Demain, ce sera quoi, pour les plus pauvres, 12 ou 15 ?
Les président des riches a tranché. L’UMP, y compris les plus opposés à la TVA sociale dans leur for intérieur, va se coucher. Et on va nous seriner que le président protecteur veut protéger ceux qui produisent français (dans les services ? tiens, donc, pendant qu’il y est…) et les plus faibles, les malades, les handicapés, voire les SDF… Une fois de plus, ou plutôt, une fois de pire…