Drôles de médiateurs que ces pays qui s’activent aujourd’hui si laborieusement autour de la tragédie se déroulant en Syrie sous couvert de volonté démocratique, en plus ! La Turquie sous l’influence des galénistes si zélés, est décrite par Dani Rodrik comme s’enfonçant de plus en plus vers l’autoritarisme avec une main mise du régime sur la presse, la police, le système judiciaire, la bureaucratie, les universités, etc. Sans oublier les monarchies arabes dont la plus emblématique incarnée par l’Arabie Saoudite et son monarque de 88 ans, le roi Abdallah lequel demeure sourd aux revendications des quelques deux millions de chiites marginalisés dans sa province orientale gorgée de pétrole. Sans même un brin de démocratie à la maison le souverain, sans complexe aucun, peut se targuer d’oeuvrer en faveur de la démocratie et même de tourner en personne ou presque, une page sombre de l’histoire dictatoriale du Yemen…

 En effet, Ali Abdallah Saleh, est le seul dictateur à sortir son épingle du jeu après avoir âprement négocié à Ryad «un partenariat avec l’opposition» à moindres frais car assorti d’une immunité s’élargissant à tous les membres de sa famille ! Pendant que Hosni Moubarak croupit derrière les barreaux, que Ben Ali et sa femme se terrent en Arabie, que Kadhafi sommeille sous le sable du désert et que Saïf al Islam attend le procès des justes de ce monde.

 Malheureusement Bachar el Assad n’ayant pas la chance de subir un tel traitement de faveur fait l’objet de pressions venant de tous azimuts, américaines, européennes, arabes, turques. D’ultimatum en ultimatum de sanctions en sanctions, la Syrie de plus en plus risque l’asphyxie avec une ligue arabe aux petits soins pour mieux la servir !

 

 En effet après avoir scrupuleusement planché sur ce projet qui lui tient à cœur, la Ligue vient de nous concocter un nouveau projet de sanctions économiques comprenant «le gel de toutes les transactions commerciales gouvernementales avec le gouvernement syrien à l’exception des produits vitaux, le gel des comptes bancaires du gouvernement syrien dans les pays arabes, le gel des transactions financières avec la Syrie et de toutes les transactions avec sa banque centrale. Aussi le gel des liaisons aériennes entre les pays arabes et la Syrie, le gel des projets financés par les pays arabes en Syrie, l’interdiction à des responsables de voyager dans les pays arabes". Il suffit désormais que ces sanctions soient approuvées par les 2/3 des membres de la Ligue pour être adoptées. La voie royalement pavée pour l’internationalisation du problème et le droit d’ingérence peut s’opérer en bonne et due forme.

 Non loin le Liban presque dans le coma continue piteusement de patiner encore et toujours autour du TSL qui lui a été imposé, au sujet de son financement ou de son non financement ce qui lui vaudra dans le second cas des sanctions internationales. S’ensuit un durcissement supplémentaire du clivage politique en attente de la date fatidique du 30 novembre durant laquelle cette question du financement sera débattue lors d’un conseil de ministres avec en toile de fond de lourdes menaces de démission de ministres et premier ministre.

 

Qu’adviendra-t-il de la Syrie, de cette région qui tangue pour s’être empêtrée dans des histoires abracadabrantesques et qui semble participer par ses multiples dérives à ouvrir largement la voie à tous ceux qui n’aspirent qu’à les pousser vers cette pente, sacrifiant la région sur l’autel de leurs stricts intérêts…

http://www.project-syndicate.org/commentary/rodrik64/French

 

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