A l’heure où chutent froidement des régimes corrompus, à l’heure où même un pharaon peut comparaître en civière aux yeux de tous, le tableau qu’offre la belle Syrie est terrifiant. "Wala al bél, wala al khater", ce soulèvement inattendu des Syriens qui feignaient hiberner allègrement dans un univers plutôt douillet au délicieux parfum d’abricots gorgés de soleil, au délicieux goût des figues de barbarie. Mais le son assourdissant de la liberté est venu frapper vigoureusement à leurs portes, les réveillant en sursaut pour les emporter dans un tourbillon écumeux dit salutaire. D’aucuns se sont rués sur le rêve étoilé l’étreignant bien fort et d’autres bien indécis se sont synchronisés au mouvement par empathie pour leurs frères juste dans l’espoir d’y renifler des senteurs venues d’ailleurs. Faute de mieux… Aussi dit-on, un bon nombre d’entre eux toujours engourdis sous l’effet déshinibiteur des geôles mentales s’est vu manipulé par une opposition exogène récupératrice du mouvement.

Le temps du Baas est révolu, le temps du culte des tyrans aussi, de Maher el Assad, de Rami Makhlouf champions de la corruption et c’est le temps de la transition. Et malgré tout cela Bachar el Assad s’aventurerait-il à poursuivre impunément sa politique en déliquessence sous peine de se voir exhibé devant un tribunal intransigeant sous le regard implacable de son peuple, de la communauté terrienne sans être pour le moins inconscient et pour le pire suicidaire ? N’étant sans doute ni l’un, ni l’autre le raïs à la tête d’un régime en voie d’expiration se cramponne désespérément au pouvoir comme par amour démesuré de son pays et comme habité par une sorte de remords sur ses erreurs de parcours. Et tout à son élan d’ouverture, le Lion de Damas ne lésine pas sur les gestes en faveur d’un apaisement faisant fi de la rigidité passée si assassine pour desserrer progressivement l’étau avec le démantèlement de l’état d’urgence, le lancement du processus de réformes politiques, économiques, le fameux décret phare rendant applicable le multipartisme sans passage préalable par le parlement pour vote. Aussi la tenue d’élections législatives avant la fin de l’année représente à elle seule une belle avancée.

 En dépit de cette main tendue, Homs, Hama, Deir ez Zor et tant d’autres villes continuent de saigner et les brèches enflammées refusent de se laisser colmater, les récalcitrants s’endurcissant de plus belle. Ils semblent autistes s’adossant sur le soutien d’une opinion publique encline à de bons sentiments pour lesquels elle a été soigneusement formatée à coups de désinformation. Pourtant aucune partie ne peut prétendre détenir à elle seule le monopole de l’humanisme, nulle ne pouvant souffrir ce type de violence née de la collision entre deux forces légitimes, antagonistes. 
Tous ceux qui ont vocation à jouer les gendarmes du monde ont démontré par leurs multiples droits et devoirs d’ingérence antérieurs, leurs énormes failles découlant en partie d’une profonde absence d’impartialité au cours de leurs interventions semeuses de mort et de chaos. Devant l’attitude positive du président, les formules stériles de circonstances fusant de toutes parts sous forme de menaces, de chantages ou presque d’ultimatum, seraient-elles la véritable attitude à avoir pour stopper "la machine de la mort, l’effusion de sang" et n’y aurait-il pas d’autres nouvelles alternatives plus efficaces susceptibles de rapprocher concrètement les camps adverses en aidant à amorcer véritablement le dialogue ? Seulement au vu de cette odieuse escalade vertigineuse, les méthodes verbales auraient comme pour effet d’exacerber davantage les divergences. Et aussi longtemps que les postures des uns et des autres se figeront dans la rancoeur, les hostilités ne feront qu’empirer démunissant encore plus les populations face à un embrasement croissant.
 D’ailleurs suffit-il de s’écarter des sentiers battus par la bien-pensance pour s’attirer les foudres du monde : Il n’aura pas fallu plus à la diplomatie libanaise que de se désolidariser de la déclaration onusienne par profond amour de la Syrie pour se faire conspuer. Et pourtant l’amour ne rendrait -il pas plus audibles à un amoureux certaines souffrances bien subtiles lesquelles demeurent froidement imperceptibles pour un théoricien car tout simplement  le coeur a ses raisons que la raison ne peut nullement connaître. A moins que le Liban ou du moins une partie du pays ne soit frappée du syndrome de Stockholm au point de perdre toute lucidité !  
Mais là où le bât blesse, où le scepticisme l’emporte, comme pour le CNT libyen, c’est le parrainage suspect de l’opposition syrienne qui a eu l’occasion de se réunir à Paris à l’initiative de "l’arabophile"BHL et des frères musulmans toujours prompts à encourager l’usage de la force mais aux abonnés absents dès lors qu’il s’agit de penser de nouvelles méthodes transitoires un peu moins barbares, un peu plus fructueuses que leurs aînées, juste histoire d’épargner des vies, histoire de sauver une région risquant de sombrer dans le pire des chaos pour avoir cru que l’accès à la liberté se cueillait à tout prix d’un seul coup…

Même le "rossignol" de Hama assoiffé de liberté est mort au cours de cette contestation. Ibrahim Qachouch. Lui qui de son flot de paroles imprégnées d’amertume enflammait des marées humaines venues lors des manifestations, entonner en choeur le refrain de sa célèbre chansonnette incendiaire "yalla irhal ya Bachar", "dégage Bachar". Des témoins racontent qu’en un jour ensoleillé de juillet, alors qu’il se rendait au centre ville, des hommes l’embarquèrent furtivement dans un véhicule avant de s’éclipser à vive allure, l’emportant à jamais. Le lendemain, dans le fleuve Oronte, son corps mutilé fut retrouvé. En temps de guerre, d’anonymes mains sales instrumentalisent même les cadavres pour mettre un petit peu plus d’huile sur le feu…

 

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