On est bien peu de chose. Nous sommes une poussière dans l’existence de la planète, nous vivons grâce aux autres et des faits divers sordides sont là pour nous le rappeler. Tous les ans, des personnes décèdent dans le silence le plus complet. N’ayant plus de relation avec le monde extérieur, il suffit d’un incident anodin pour qu’on les découvre le souffle coupé depuis des années. A Lille, il y a quelques semaines, un homme a été retrouvé 15 ans après sa disparition. Une décennie et demie qu’il ne donnait plus de nouvelles, pourtant aucun proche ne s’est inquiété de ne plus recevoir d’appel ou de lettres, de ne plus le voir dans la rue chercher son pain ou son journal. Sa vie s’est arrêtée mais la Terre a continué à tourner, l’eau à couler sous les ponts et les années à s’enchaîner. 

Sa mort aurait pu rester secrète si, ce matin là, un fonctionnaire, travaillant pour la mairie n’avait pas pénétré de force dans la demeure. L’agent avait été mobilisé sur place car la maison, située rue Saint-Jacques, en plein centre du Vieux Lille, présentait des risques d’insalubrité et des travaux devaient avoir lieu. Le défunt a été découvert à l’état de squelette, revêtu d’un pyjama. Une tenue de soirée, non pas pour sortir mais pour dormir. Un élément qui permet de penser que la mort a été paisible, sans violence, la piste criminelle est officiellement écartée. 

Progressivement, des détails viennent éclairer l’identité de ce mystérieux cadavre. Il serait d’origine espagnole, né en 1921, se nommerait  Alberto Rodriguez et serait le propriétaire de la maison où il a été retrouvé. L’homme était discret, peu bavard, casanier, on disait même qu’il était parti dans le sud de la France. Rien de cela, il était parti dans l’au delà, sa maison se transformant en tombeau, les inspecteurs extrayant le corps pour qu’il subisse une autopsie, en explorateurs dignes de Lord Carnarvon. Les lettres les plus anciennes retrouvées dans sa boite aux lettres datent de 1996, ce qui laisse penser qu’il serait décédé à cette époque. 

Sa voisine avait bien tenté de le contacter depuis une décennie pour des questions d’infiltration dans les murs sans succès. Pourtant elle n’a jamais fait la démarche de joindre les services de sécurité. On lui aurait sans doute reproché de se mêler de ce qui ne la regardait pas … Plus étonnant encore, les services publics et les services dispensant l’eau, le gaz et l’électricité, ne se sont doutés de rien en voyant les factures rester impayées. A part couper ces commodités, rien n’avait été fait, même le Trésor Public n’ a pas franchit le seuil de ce mausolée urbain. Les enquêteurs s’affairent actuellement à lui retrouver une famille pour la prévenir de cette triste disparition. 

Un drame qui fait écho à un autre fait divers se déroulant à l’autre bout du monde, au Japon. Récemment,  l’administration a eu la surprise de voir certains de ses concitoyens âgés de plus de 150 ans. On connait la longévité des japonais, le pays recense le plus grands nombre de centenaires, mais à ce point ! Il y aurait plus de 250.000 individus . Vous l’aurez compris cela vient de petites manigances des proches faisant prolonger la vie de leurs aïeux décédés afin de pouvoir continuer à toucher les pensions de retraites. Ou tout simplement, ils sont morts sans crier gare. Bon nombre seraient morts durant la Seconde Guerre Mondiale ou bien auraient quitté le pays sans le signaler et seraient morts à l’étranger. Afin de remettre de l’ordre dans les listes d’état civil, les municipalités ont reçu l’ordre du ministère de la Justice, d’effacer illico le nom des centenaires âgés de plus de 120 ans. Le record lillois a été battu par un tokyoïte, retrouvé 30 ans après qu’il soit mort. 

Il est triste de mourir, c’est un fait. Il est d’autant plus pénible de passer l’arme à gauche sans que personne ne s’en soucie. Mourir loin de ses proches, dans l’indifférence alors que le monde actuel ne cesse d’être plus connecté que jamais. Avec les réseaux sociaux, on sait tout de tout le monde, ce que untel a mangé, ce que untel a bu, a vu, a aimé, etc. Bref que des fadaises inintéressantes. Paradoxalement, alors que nous avons nos yeux rivés sur des petits écrans de téléphones portables, des casques chaussés sur nos oreilles pour écouter en boucle nos musiques préférées, à côté de nous meurent des personnes isolées de tous.