Emmanuelle Mignon, la directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy a donné ce samedi un entretien  remarqué au JDD. Elle aurait selon le journal joué un grand rôle dans la "genèse" de la décision du chef de l'Etat de faire porter la mémoire  d'enfants juifs morts durant les déportations de la dernière guerre à des élèves de CM2, et y revient dans cet entretien, laissant comprendre que l'idée, loin d'être abandonnée, sera développée, même si un aménagement reste possible avec les enseignants, comme par exemple de confier la mémoire d'un enfant à une classe entière plutôt qu'à un élève.
Le développement de cette idée ne daterait pas d'hier, Nicolas Sarkozy selon Emmanuelle Mignon y travaillait déjà lorsqu'il était ministre de l'intérieur. Elle revient sur les difficultés à enseigner la shoah pour les enseignants et sur le fait que "certains actes antisémites sont commis par des enfants de 10 ans contre des enfants de 10 ans". "Des comparaisons avec d'autres conflits surgissent" explique-t-elle, ajoutant plus loin que, pour exemple, "Les enfants palestiniens, vietnamiens, d'autres encore ont été victimes de conflits politiques".

C'est donc presque un aveu : les "actes" antisémites entre enfants de dix ans sont aussi le fait de problèmes de politique extérieur, ainsi que le révèlait le rapport Obin  sur l'école, rapport qui date de l'année 2004, mais qui pourait être encore d'actualité. L'extrait suivant est très révélateur :
Au sujet de l'antisémitisme : "Nous ne pouvons hélas que confirmer l'ampleur et la gravité d'un phénomène qui prend deux formes principales. D'une part on observe la banalisation, parfois dès le plus jeune âge, des insultes à caractère antisémite. Le mot « juif » lui-même et son équivalent « feuj » semblent être devenus chez nombre d'enfants et d'adolescents une insulte indifférenciée

Les insultes, les menaces, les agressions, bien ciblées cette fois-ci, se multiplient à l'encontre d'élèves juifs ou présumés tels, à l'intérieur comme à l'extérieur des établissements ; elles sont généralement le fait de condisciples d'origine maghrébine.

Les événements du Proche-Orient ainsi qu'une sourate du Coran sont fréquemment invoqués par les élèves pour légitimer leurs propos et leurs agressions. Ces justifications peuvent aller jusqu'à assumer les persécutions ou l'extermination des Juifs.

L'apologie du nazisme et de Hitler n'est pas exceptionnelle : elle apparaît massivement dans d'innombrables graffitis, notamment de croix gammées, et même parfois dans des propos ouvertement tenus à des instituteurs, professeurs et personnels d'éducation."

Ceci explique-t-il la volonté du chef de l'Etat de confier ainsi la mémoire des enfants juifs morts déportés aux élèves de CM2? Peut-être, car il serait surprenant que le chef de l'Etat ne soit pas informé de ce rapport. Toutefois il est inquiétant que le vrai problème ne soit pas pointé du doigt : c'est bien en partie une situation politique extérieure qui anime un antisémitisme virulent si l'on en croit ce rapport (et si l'on peut parler d'antisémitisme dans ce cas précis, le terme étant impropre) jusque dans les cours d'école.

Le journaliste qui dirige l'entretien demande à la directrice de cabinet pour quelle raison d'autres exemples de discrimination n'ont pas été choisis, citant les enfants arméniens durant le génocide en Turquie ou encore les enfants d'africains durant l'esclavage et s'entend répondre que "tout le monde reconnaît que la Shoah est le crime raciste absolu". Plus loin elle ajoutera "Les discriminations dont sont victimes aujourd'hui les personnes issues de l'immigration ont la même origine que les crimes dont les juifs ont été victimes: la bête immonde du racisme."

Le racisme doit être bien sûr condamné mais cette hiérarchisation du faît raciste est terrible : elle nie les racismes qui subsistent entre les différentes cultures autres que celle des européens "chrétiens". Elle nie le racisme qui existe dans des pays africains  où des descendants de colonisateurs arabes traitent comme des bêtes les descendants des noirs chrétiens ou animistes. Elle nie les problèmes de racisme qui existent entre personnes issues de pays étrangers, ce qui revient à nier le racisme lui-même… Plus grave encore : elle se contente de définir le racisme comme une pensée typiquement et uniquement européenne.