Récemment j’ai soumis un article à la rédaction traitant de la schizophrénie, article qui fut refusé car il s’agissait plus d’un «exposé» que d’un article,(ce que je comprend) il m’a été signalé qu’il fallait que je relates éventuellement une expérience personnelle… A travers cet article, je souhaitais mettre un terme aux idées reçues concernant cette maladie, je pensais qu’en expliquant la maladie de manière détaillée mais compréhensible cela aiderait les gens à mieux comprendre et arrêter de mettre tous ces gens malades et qui souffrent dans le même panier, arrêter d’assimiler cette maladie aux assassins, aux dédoublements de personnalité, cesser de penser que tous les schizophrènes sont dangereux, car lorsque dans les médias la schizophrénie est abordée c’est souvent suite à un drame.

Puisque cela me révolte, je ne souhaitais pas vraiment mettre en avant mon expérience personnelle, peut être justement à cause de tous ces gens qui voient cette pathologie négativement, mais afin de faire passer mon message via C4N, je vais vous raconter ma vie au côté de la schizophrénie.

 Il y a désormais un peu plus d’un an, mon compagnon fût diagnostiqué schizophrène, les premiers symptômes je n’y ai pas vraiment prêté attention… Ce furent d’abord des insomnies, puis un soir il s’est mit à rire, sans raison particulière, cela m’a d’abord amusé puis m’a inquiété, j’ai mis ce comportement surprenant sur le dos de la fatigue. Cependant le lendemain, les troubles se sont aggravés, il s’est mis à parler seul, à tenir des discours incompréhensibles, il devenait imperméable à tout ce que je pouvais lui dire, lui demander. Nous n’étions plus dans le même monde… L’apparition des troubles fût très rapide et très violente… Il était persuadé que des micros et des caméras étaient installés dans les téléviseurs, les ordinateurs, il fallait alors tout éteindre(sentiment de persécution). Le lendemain, il décida de faire les valises, il fallait quitter l’appartement, il fallait surtout penser à prendre tous les papiers afin qu’ils ne nous retrouvent pas… «Ils» je ne sus jamais de qui il s’agissait… Enfin, il s’était persuadé qu’il était Dieu ( et moi Marie…) (délire mystique). L’ambiance devenait de plus en plus angoissante, sachant que tous les moyens que je pouvais utiliser pour le « faire revenir » étaient vains.

Il m’a fallu me faire une raison et admettre que mon compagnon souffrait d’un trouble psychiatrique grave… Le 14 février (date plutôt marquante puisqu’il s’agit de la saint valentin), je me suis décidée à appeler les pompiers. Je ne pouvais le laisser ainsi, je n’avais pas peur pour moi mais pour lui, de plus je sentais l’angoisse qui l’envahissait. Le soir même, il fût emmené aux urgences, il rencontra un médecin afin d’être examiné rapidement (c’était un dimanche, l’hôpital manquait de personnel). Quelques minutes plus tard, ce médecin sortit de la salle, m’expliquant qu’en effet, il «paraissait un peu ailleurs» mais qu’il ne tenait pas de discours vraiment incohérent, et ne présentant pas un danger pour lui même ou pour les autres (diagnostic établi en à peine un quart d’heure…) il ne pouvait prendre l’initiative de le transférer dans un établissement spécialisé, en revanche, ils pouvaient le garder une nuit en observation jusqu’à la visite du psychiatre le lendemain. Il passa une nuit assez calme, sous demande on lui a prescrit des somnifères.

De mon côté j’attendais patiemment,passant la nuit sur un brancard, un peu décontenancée après avoir entendu le discours du médecin urgentiste. Le lendemain, aux alentours de 9H30, mon conjoint se réveilla, sa première réaction fût de sortir afin de fumer sa cigarette, je l’accompagnai et il m’affirma que les infirmiers venaient de lui dire qu’il pouvait quitter l’hôpital ce qu’il tenta de faire…Tant bien que mal je l’empêchai, puis deux infirmiers vinrent tenter de le raisonner, mais mon compagnon étant persuadé d’avoir entendu qu’il pouvait sortir librement fût déconcerté et prit le comportement des infirmiers pour une agression non justifiée et répliqua violemment. Ils voulaient une preuve qu’il pouvait être dangereux pour lui même ou pour les autres, ils l’avaient.

Soudainement, tout c’est alors accéléré, il rencontra rapidement la psychiatre qui diagnostiqua immédiatement, qu’en effet il n’ était « pas bien » et qu’il fallait l’hospitaliser en milieu adapté… Malheureusement l’hospitalisation en psychiatrie ne porta pas vraiment ses fruits, trois jours plus tard il rentrait, apparemment il n’y avait aucune raison de le garder ni même de le traiter car ils n’avaient rien signalé d’anormal… Notons qu’il n’eut que deux entretiens avec un psychiatre et qu’il passait les journées entières seul dans sa chambre. Mon conjoint regagna donc notre domicile, j’étais satisfaite dans un premier temps, mais on ne m’avait pas mise au courant qu’il sortait sans aucun traitement! Je me rendis vite compte qu’il n’y avait aucune amélioration, les délires occupaient entièrement son esprit, il disparaissait pendant des heures et je le retrouvais tranquillement installé sur un siège dans une pharmacie. Il me fallait encore agir, persévérer pour qu’il puisse être soigné, je craignais qu’il lui arrive quelque chose, étant donné qu’il se prenait pour Dieu et par conséquent il était immortel… C’est avec beaucoup de tristesse que je me décidais, quelques jours plus tard à appeler le médecin de famille afin d’envisager une hospitalisation. Le docteur arriva et il n’eut aucun mal à me croire lorsque je lui expliqua qu’il n’allait pas bien (notons qu’à ce moment là, je désespérais de pouvoir le faire soigner après de multiples appels à l’aide qui ne furent pas vraiment pris au sérieux..)étant donné que mon compagnon avait mis sur notre balcon une grande partie du mobilier sous prétexte qu’il «sentait mauvais». Le docteur tenta de lui expliquer, qu’il était malade et qu’il fallait qu’il aille se faire hospitaliser, mon ami refusa évidemment, persuadé qu’il allait très bien. Ce fût donc moi, qui dût remplir le formulaire afin de le faire interner, on appelle ça une hospitalisation à la demande d’un tiers (HDT). Il retourna donc dans le même hôpital qui l’avait laissé sortir prématurément, et enfin le diagnostic tomba: il était atteint d’une schizophrénie paranoïde. On lui administra un neuroleptique (risperdal). Pendant une semaine, il était impossible d’aller lui rendre visite, au risque de le perturber. Un mois et demi plus tard, il regagna la maison, sous traitement cette fois. Quelques symptômes persistaient toujours, mais je pouvais déjà remarquer une amélioration. En revanche, il était très fatigué. Plus les jours passèrent, plus son état s’améliora. Actuellement, il suit toujours son traitement, une injection tous les 14 jours, accompagné d’une visite par mois chez un psychiatre. Malgré les nombreux effets secondaires, fatigue, troubles de la libido, troubles de la concentration, de la mémoire…etc, il est désormais conscient qu’il est malade, que sa pathologie est chronique, et qu’il devra prendre son traitement toute sa vie. Au jour d’aujourd’hui mon conjoint a toujours un peu de mal à accepter sa schizophrénie, il éprouve une forme de honte, cette maladie étant très souvent perçue négativement, associée souvent aux termes dangereux, fou, voire assassin. Très fatigué, chaque geste du quotidien demande d’énormes efforts.

De mon côté désormais je suis toujours à l’affût du moindre comportement anormal et il faut avouer que malheureusement dans cette situation l’entourage de la personne malade finit, lui aussi par se couper du monde qui l’entoure, préférant rester présent afin de « protéger » la personne atteinte de schizophrénie…

Cette pathologie est encore méconnue, pourtant près d’ 1% de la population mondiale en souffre, environ 600 000 personnes en France.

La schizophrénie est une maladie dévastatrice dans les effets et chroniques dans la durée.

Contrairement aux croyances populaires,les personnes atteintes de schizophrénie ne sont pas « des personnalités dédoublées » ni dangereuses pour les autres, elles sont en fait beaucoup plus souvent victimes de violences et se sentent régulièrement isolées, stigmatisées, pouvant être réticentes ou incapables de parler de leur maladie.

Malgré l’apparition de nouveaux traitements, qui sont associés avec l’occurrence de moindres effets désagréables,amenant à une amélioration de la qualité de vie, seul un patient sur cinq pourra dire qu’il ne subira plus les effets de la maladie. Par ailleurs, ces avancées n’ont pas rendu possible la réduction du taux de suicide, qui reste d’une personne sur dix. L’entourage est également un soutient indispensable au traitement. La famille pouvant aussi souffrir de cette maladie au quotidien, sachez qu’il existe des associations qui sauront vous écouter, vous conseiller, vous informer. Pour que la famille puisse être utilement transformée en auxiliaire de soins, celle-ci doit être particulièrement bien informée des signes de la maladie, de son évolution possible, du rôle des médicaments et de leurs effets secondaires.