Victoire indiscutable pour l’USL, la coalition du Premier ministre sortant Victor Ponta, à l’issue des élections législatives roumaines. Même si des accusations de fraude peuvent intervenir, avec près de 57 % des suffrages – et une faible participation, mais en progression à 42 % –, il est d’autant plus clairement vainqueur qu’une coalition parlementaire élargie à l’UDMR (l’Union démocratique magyare de Roumanie, qui obtient 5 %) est fortement envisagée. Cette coalition élargie pourrait être en mesure de modifier la constitution pour réduire les pouvoirs présidentiels, ceux de Traian Basescu, dont le mandat court jusqu’en 2014. Mais ce dernier peut fort bien, comme il l’a laissé entendre, ne pas reconduire Victor Ponta à son poste de Premier ministre et lui préférer une personnalité qu’il estimerait plus consensuelle.
Est-ce la fin de la crise politique permanente que vivaient, pour certains de loin (les Roumaines et les Roumains n’ont été que 42 % à se déplacer aux urnes pour les élections législatives d’hier dimanche, mais c’est mieux que précédemment), des électeurs las des querelles opposant Victor Ponta et Crin Antonescu, de la coalition USL, et le président Traian Basescu ?
Ce dernier, ainsi que Vasilu Blaga (PDL), et la coalition des droites (ARD, Alliance roumaine de droite), ne peuvent que constater le rejet déjà manifesté lors du référendum de destitution du président, remporté en voix par l’USL au gouvernement, mais invalidé faute de quorum. L’ARD ne dépasse guère 18 % des suffrages.
Quant au trublion, le très controversé populiste Dan Diaconescu, du Parti populaire, un ultra-nationaliste fortement droitier, il marque certes des points, à 13 %, mais n’est guère en mesure d’influer sur la suite des événements. D’autant que Victor Ponta se montre enclin à se concilier les instances européennes et faire peut-être de pédagogie après avoir soufflé le chaud et le froid sur les relations avec Bruxelles. Milliardaire, exubérant, promettant la lune, Diaconescu ne peut être assuré que ses députés lui resteront fidèles et formeront un groupe parlementaire pérenne. D’autant que toutes les formations jouent sur des thèmes populistes, à des degrés divers.
Traian Basescu a fait savoir tout le bien qu’il pensait de Victor Ponta, « valet de la Russie », mettant en danger l’appartenance à l’Union européenne et à l’Otan. C’est vrai qu’en sept mois à la tête du gouvernement, Ponta a fortement échaudé les chefs d’État européens et la Commission. Mais Basescu n’est plus du tout vu tel un rempart institutionnel crédible.
La faible participation marque une désaffection pour la classe politique en général, mais si l’on considère que les températures et les tempêtes de neige n’étaient guère propices à des votes massifs, et qu’elle marque une légère progression (+2 points), le désaveu, ou le désintérêt pour le sort du président Basescu semble établi.
« Le futur de la Roumanie est aux côtés de la famille européenne », avait proclamé Ponta. Il a aussi réussi à se concilier les Hongrois de Roumanie du parti UMDR. Cette formation ne rassemble pas tous les magyarophones, mais elle n’a guère intérêt à chercher à se rapprocher de la coalition des droites. Elle a vu émerger une dissidence formée autour de Laszlo Tokes qui conteste le rôle du chef de file de l’UMDR, Kelemen Humor.
Le choix de Basescu
De par la constitution, le président Basescu est tenu de nommer un Premier ministre issu de la formation ayant remporté les élections législatives. Mais le choix de la personne lui revient. L’USL étant une coalition, formée de deux partis autrefois antagonistes (« socialiste » et « libéral »), il peut tenter une manœuvre de division. Elle risque cependant fortement d’échouer. Si l’USL insiste pour que Ponta soit reconduit, elle peut de nouveau désigner un président intérimaire (ce fut le cas jusqu’au dernier référendum présidentiel) qui, lui, peut imposer Ponta. Autant donc s’orienter vers une paix armée, une cohabitation beaucoup moins tendue qu’au cours des sept derniers mois.
Ponta avait admis que Basescu, et non lui-même, comme il l’avait d’abord réclamé, représente la Roumanie au Conseil européen, puis laisser entendre qu’une cohabitation était vivable.
Crin Antonescu, son allié du PNL (Parti national libéral), qui fut président intérimaire, a laissé entendre que Ponta lui semblait naturellement devoir rester Premier ministre. Le PSD de Ponta et le PNL n’ont pas déjà tenu de conférence de presse commune, mais leurs déclarations séparées, à la sortie des urnes et dès les premiers résultats fiables proclamés, ont été cohérentes, rapporte Hotnews (.ro), le site trilingue (roumain, espagnol, anglais) d’informations générales à destination des Roumaines et Roumains de la diaspora.
Toutefois, la presse avance des noms de potentiels primoministrables : Mircea Geoana,George Maior, Ioan Rusou Calin Popescu Tariceanu.
Il faudra attendre la soirée pour savoir qui sera au juste élu et siègera au Parlement. Certaines personnalités, notamment de l’ARD (droites), du fait du mode de scrutin, pourraient se voir privés de sièges. Dan Dianconescu, qui affrontait Ponta dans la circonscription de Targu Jiu, ne siègera vraisemblablement pas.
Ce jour, Traian Basescu sera à Oslo pour la cérémonie du Prix Nobel de la Paix. Il semble peu évident qu’il se prononce dès ce lundi.
La Roumanie se retrouve-t-elle dans l’attente d’un (nouveau, ancien ?) Premier ministre ou, à terme, d’un futur président intérimaire ?
La commission électorale roumaine a confirmé les sondages de sortie des bureaux de vote. L’USL a obtenu 58,6 % des suffrages pour les élections des députés, et 60 % pour celles des sénateurs. L’ARD, pour les deux chambres, resterait sous la barre des 20 %.