le reste à l’Assemblée c’est pour bientôt.

 

Il était effectivement inutile de prolonger les débats au Sénat dès lors que la majorité restait soudée. Autant en finir au plus vite, Sarkozy droit dans ses bottes ne cèdera pas. Ceux qui avaient cru le faire plier le connaissent mal. Qu’ils se rappellent son action à la maternelle de Neuilly-sur-Seine lorsqu’il était encore maire avant d’entrer au gouvernement. Ce fait de bravoure lui a conféré une notoriété, celle d’un homme courageux, mais risque tout, pouvant aller jusqu’à provoquer la mort. Le 13 mai 1993, Érick Schmitt chômeur armé d’un pistolet d’alarme et d’explosifs, alias «Human Bomb», retient en otage 21 enfants dans une classe de maternelle de Neuilly, et menace de faire sauter l’école s’il n’obtient pas une rançon de 100 millions de Francs, soit ~15 millions d’euros. Nicolas Sarkozy, négocie directement avec «HB», et obtient la libération d’un enfant en gage de bonne volonté. Bien que l’opportunité de l’intervention de Sarkozy soit disputée, elle lui vaut la médaille du RAID, et contribue à sa notoriété à l’échelle nationale.

Quand on a ce caractère on ne cède pas surtout avec une majorité aux deux chambres, de plus, qu’elle serait sa crédibilité en tant que chef d’État par ce que c’est lui, et lui seul, qui a voulu cette réforme. Cela n’était pas le cas au temps du CPE ou seul Dominique de Villepin s’était engagé, de même pour Alain Jupé sur l’extension des régimes de retraites publics ou il dût céder par suite de mouvements de grèves de novembre et décembre 1995. Dans les deux cas, Chirac était protégé.

Ces manifestations ne serviraient à rien, non bien sur, il était important de marquer son hostilité à ce projet conçu de cette façon, mais vouloir les continuer, avec ces grèves et blocages des dépôts de carburant, risquant la paralysie du pays ne sert à rien, sinon à donner à Sarkozy une auréole, celle de celui qui à su rester ferme contre une majorité de Français, à son projet. Ils étaient jusqu’à 72 % à le désapprouver, pour descendre à 69, puis à 62 %. Quand aux manifestations, on voit bien qu’elles ont atteint le nombre de manifestants maximal de ce qu’elles pouvaient mobiliser, eu égard à la perte de salaire qui en résulte. C’était un mouvement ambigu mi figue, mi raisin, entre deux, pas assez puissant, mais pas sans signification, et Sarkozy l’a bien senti puisqu’il n’a cessé de clamer qu’elles n’avaient pas le nombre de manifestants qui étaient annoncé par les syndicats, minimisant de ce fait leur portée. Dans ce jeu de menteurs, les syndicats auraient dû constater avec la mobilisation engagée, que le nombre de manifestants n’augmentait pas de manifestations en manifestations, et qu’il était préférable de laisser courir. Ils ont donc perdu. Ces Français ont compris que finalement ils avaient montré leur sentiment sur ce projet, et qu’ils attendraient 2012 pour exprimer, sans heurt, qu’ils ne veulent plus de Sarkozy.

L’engagement des lycéens et étudiants, si l’on veut comprendre leur sentiment sur la crainte de leur avenir, ils sont plus majeurs que d’aucuns ne le prétendent en disant qu’ils feraient mieux de se consacrer à leur études, ce qui est vrai, mais leur engagement est nécessaire et responsable pour des jeunes aujourd’hui. Quand on entend les propos de François de Closets sur France 2 dans «Ce soir ou jamais» du jeudi 21/10/10, clamer haut et fort que nous les vieux avons fait le malheur de nos enfants, nous leur laissons une ardoise lourde, ce qui est vrai, mais complètement démagogique, comme si ma génération et les suivantes avaient voulu faire le malheur de nos jeunes ! De tels propos très orientés sont inadmissibles. Ce sont les circonstances de la vie qui conditionnent l’État de notre situation économique. Si la politique menée depuis maintenant plus de 7 années n’avait pas été orientée dans le sens de favoriser les «riches» pour raison dogmatique, sans que les pertes financières correspondantes soient compensées par des recettes, nous n’aurions pas besoin de cette réforme actuellement, d’autant plus que le régime par répartition est assuré jusqu’en 2015, voire 2020. Le graphique, donnant le coût futur des retraites en fonction du PIB, présenté dans mon article «Il ne lâchera pas», montre que c’est à partir de 2020 qu’il convient d’agir, et ceci dans la situation actuelle de nos finances. En d’autres termes, si, la politique menée aurait été différente vers plus d’équité, notre régime de retraite serait pérenne pour encore plusieurs années. La redistribution souhaitée ne s’est pas effectuée et l’envol des capitaux s’est accentué. Cela étant, nos lycéens méritent d’être écoutés et leur inquiétude prise en compte. Quand Valérie Pécresse, dans cette même émission, déclare que si les séniors travaillent plus longtemps, cela n’a aucune conséquence sur leur travail, il y a de quoi étouffer devant une telle méconnaissance du monde salarié.

Ce mouvement de protestation, non contre la réforme, tous l’acceptent, mais une réforme discutée, et ce passage en force au Sénat montre bien l’objectif d’en finir au plus vite contre l’obstruction de l’opposition qui, il faut le reconnaître, était aussi stupide qu’inutile. Au blocage des raffineries privant d’essence notre pays, Nicolas Sarkozy fait le pari d’incarner le parti de l’ordre. Avec le recours à la force pour dégager dépôts et raffineries et des paroles de grande fermeté envers les casseurs, le chef de l’État pense toucher une large part de l’opinion exaspérée par les débordements du mouvement social. Il a raison dans la mesure ou ce mouvement reste peu suivit. Il est bien évident que ce blocage va à l’encontre de la vie déjà difficile des Français pour ceux qui doivent se déplacer pendant ces jours de Toussaint. C’est donc, en plus, une contrainte qui n’a aucune raison, et qui ne peut que conduire à désapprouver les fauteurs de ce mouvement. L’opinion va finir par se retourner et donner à Sarkozy l’auréole qui lui manquait.

Dans le fond Sarkozy a-t-il gagné pour autant, non pas du tout, il a divisé un peu plus les Français, provoqué une révolte interne contenue certes, mais vraie. Un récent sondage donne pour Sarkozy et François Fillon une perte de popularité de 2 et 3 points en octobre et sont passées à respectivement 29 % et 47 % d’opinions favorables, Sarkozy descendant sous les 30 % pour la première fois depuis mai 2007, selon le baromètre mensuel Ifop-JDD. Dans le détail, 29 % des personnes interrogées se déclarent satisfaites de Nicolas Sarkozy (24 % plutôt satisfaites et 5 % très satisfaites), contre 32 % en septembre. Le niveau de mécontents passe à 70 % (contre 67 % en septembre), avec 38 % (+ 5 %) de «très mécontents» et 32 % (- 2 %) de «plutôt mécontents». 1 % (+1 %) ne se prononce pas.

C’est par 177 voix contre 153 que le groupe UMP et l’Union centriste ont voté la réforme. Que dit-elle finalement que l’âge légal sera porté de 60 ans à 62 ans à l’horizon de 2018, et que l’âge de départ permettant de toucher une retraite à taux plein, donc sans décote, c’est à dire même si la durée de cotisation nécessaire n’est pas atteinte, sera de 67 ans au lieu de 65 ans. La progression prévue est ,

– 2011 : 65 ans et et 4 mois ;
– 2012 : 65 ans et 8 mois ;
– 2013 : 66 ans ;
– 2014 : 66 ans et 4 mois ;
– 2015 : 66 ans et 8 mois ;
– 2016 : 67 ans.

Le droit à la retraite à 60 ans sera maintenu pour les salariés justifiant d’une incapacité permanente de 20 % constatée à l’âge du départ à la retraite ou d’une incapacité entre 10 % et 20 % s’il est établi qu’elle est directement liée à l’exposition à des facteurs de risques professionnels. Le dispositif de carrière longue est maintenu pour les personnes ayant commencé leur carrière très jeunes et étendu à celles ayant commencé à travailler à 17 ans.

Rapprochement des régimes de retraite de la fonction publique et du secteur privé. Le taux de cotisation d’assurance-vieillesse acquitté par les fonctionnaires, 7,85 % va être aligné en dix ans sur celui des salariés du privé, 10,55 %. Le dispositif spécifique de départ anticipé pour les parents de trois enfants ayant atteint 15 années de service va être arrêté. Le minimum garanti applicable dans la fonction publique sera soumis aux mêmes conditions que le minimum de pension applicable aux salariés du privé.

Pénibilité et médecine du travail, un carnet de santé au travail est constitué par le médecin du travail. Le texte redéfinit les missions des services de santé au travail exercées par les médecins du travail en lien avec les employeurs et les salariés désignés.

Les entreprises de plus de 50 salariés pouvant être exposés à des risques professionnels qui ne sont pas couvertes par un accord ou un plan de prévention de la pénibilité peuvent être soumises à une pénalité représentant au maximum 1 % des rémunérations ou des gains.

Égalité, les entreprises de plus de 50 salariés qui ne sont pas couvertes par un accord fixant des objectifs d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes peuvent être soumises à une pénalité fixée au maximum à 1 % des rémunérations et des gains. Les indemnités journalières de maternité seront désormais assimilées à des salaires pour le calcul de la retraite.

Le Sénat a adopté deux amendements dont deux du gouvernement, qui maintiennent à 65 ans l’âge pour obtenir une retraite à taux plein pour certains parents. L’un d’entre eux permet cette possibilité pour les parents de trois enfants nés avant 1955 ayant interrompu ou réduit leur activité professionnelle pour se consacrer à l’éducation de leurs enfants, l’autre pour les parents d’enfants handicapés. Un troisième amendement présenté par les groupes de la majorité a été voté, qui propose que le Comité d’Orientation des Retraites organise en 2013 une «réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d’une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse». Cela montre finalement que cette réforme est loin d’être une réforme pensée mais faite sous l’exigence du prince poussé par les agences de notation pour ne pas avoir des taux d’emprunts élevés, puisqu’il faut la revoir en 2013 et probablement en 2018.

Un projet de révision du système des retraites par un régime universel par point ou en comptes optionnels est une réflexion des centristes. Cette initiative et habile puisqu’elle est soutenue par le syndicat CFDT favorable au système à la Suédoise. 

«Dans les régimes en comptes notionnels, en vigueur en Suède, en Italie, en Pologne et en Lettonie, chaque assuré est titulaire d’un compte individuel et les cotisations versées alimentent un capital virtuel. On le qualifie de virtuel, parce qu’il n’est pas placé, comme dans les systèmes par capitalisation, mais fait l’objet d’une revalorisation annuelle, selon un indice basé sur la masse salariale ou le PIB fixé par les gestionnaires du régime. Le montant de la pension est égal au montant du capital virtuel multiplié par un coefficient de conversion, qui fait que la pension est d’autant plus faible que l’âge du départ en retraite est précoce. Dans un tel système, le principe est que le montant des cotisations versées par une génération doit être égal au total des prestations qu’elle percevra, (ce qui évite la dérive du financement). On tient compte de l’espérance de vie de la génération à laquelle appartient l’assuré. Il n’est fait aucune distinction en fonction de l’espérance de vie de chaque catégorie professionnelle. Les systèmes en points ou en comptes notionnels, fondés sur une logique de contributivité, sont associés à des régimes «à contribution définie», par opposition aux régimes «à prestation définie». Le système en comptes notionnels est vanté pour sa capacité d’autorégulation, puisqu’il implique une égalité actuarielle entre le montant des cotisations d’une génération et celui des prestations. Même si l’équilibre financier instantané n’est pas assuré à tout moment, il arrive que ceux qui cotisent ne soient pas aussi nombreux que ceux qui partent à la retraite, le système tend à l’équilibre sur le long terme. Au sein du COR, Conseil d’Organisation des Retraites, certaines organisations syndicales y sont plutôt favorables, d’autres y sont hostiles. Elles ont, de concert avec les organisations patronales, loué de façon unanime le sérieux et la qualité de notre travail, ce qui ne les empêche pas d’en tirer des conclusions divergentes»,

extrait du rapport d’information par la commission des affaires sociales présenté par Pierre Méhaignerie en séance de 3 février 2010.

Il faut comprendre que le système en comptes optionnels revient à financer les retraites qu’avec l’argent des salariés sur une génération de sorte la solidarité entre les générations ne joue plus, c’est la fin à terme du régime par répartition.