Il y a de cela plusieurs années, en regardant une émission sur Arte je crois, ou la 5ème ?, je suis tombée par hasard sur Boris Cyrulnik.

Ce total inconnu a ouvert en quelques minutes une brèche énorme dans mon cœur et mon âme. Dans cette émission, Boris Cyrulnik se trouvait dans un orphelinat / maison d’accueil pour enfants très jeunes et bébés : difficile de connaître débuts plus ingrats dans la vie quand, à quelques mois ou quelques années, on se retrouve seul, privé de l’amour et du soutien d’un papa et d’une maman, quand ceux-ci nous ont abandonnés si tôt, ou négligés.

On serait tenté de penser que ces petits êtres déjà si maltraités par la vie étaient bien mal partis pour la réussir ; et déjà mon nez me picotait, étant très sensible au malheur, et que dire quand il s’agit d’enfants. Mais Boris Cyrulnik était là, il déambulait dans les dortoirs, entre les berceaux, s’arrêtait ici et là pour prendre un enfant dans les bras, s’asseoir avec lui, lui sourire, lui dispenser une caresse et surtout lui PARLER. Oui, ce grand psychanalyste avait avec ces petits bébés une conversation, une discussion, un message, sans pathos ni langage « bébé », mais avec une langue et un visage empreint de bonté et d’espoir ; Boris Cyrulnik expliquait à ces petits bouts d’hommes que, malgré tout, ils pouvaient s’en sortir.


Boris Cyrulnik a changé ma vie ce jour-là en me faisant découvrir quelque chose qui m’était alors totalement étranger : la notion de résilience. Depuis lors, j’ai lu, je me suis documentée sur ce thème et, même si je n’arrive pas encore à m’ouvrir à quiconque en face, son discours a pénétré mon âme et a ouvert une fenêtre de lumière dans ma vie. C’est grâce à lui, je le dis sans sourciller, que j’ai pris ma vie en main, une vie qui stagnait complètement il y a 5 ans, une vie qui s’enfonçait dans la médiocrité et la lassitude, une vie qui commençait à m’indifférer ; c’est grâce à lui que j’ai déménagé en Israël, trouvé ma voie, repris goût à la vie, rencontré l’amour de ma vie et que je m’apprête à me marier dans quelques mois ; oui, je suis plus forte grâce à Boris Cyrulnik, oui j’ai appris à aimer la vie par le truchement de ses écrits et de sa pensée, oui je regarde devant moi.

La résilience est une théorie très simple ; pour que ce soit très clair, je vais vous citer ici l’extrait d’une encyclopédie : je cite « La résilience est un phénomène psychologique qui consiste, pour quelqu’un touché par un traumatisme, à prendre acte de son traumatisme pour ne plus vivre dans la dépression et le poison que ce traumatisme peut causer. C’est « vivre avec », dans le sens où cela fait partie de la vie de cet individu, ne le diminue pas mais au contraire lui permet de revivre. La résilience est rendue possible grâce à la réflexion, à la parole, et dans le meilleur des cas grâce à l’encadrement médical d’une thérapie, d’une analyse. Une phrase célèbre qui permet de résumer la notion de résilience est de Nietzsche : « Ce qui ne tue pas rend plus fort. »
En France et après John Bowlby qui avait introduit le terme dans ses écrits sur l’attachement, c’est l’éthologue Boris Cyrulnik qui développe le concept de résilience en psychologie, en partant de l’observation des survivants des camps de concentration, puis dans divers groupes d’individus, dont les enfants des orphelinats roumains et des enfants des rues boliviens. Auparavant, l’on parlait d’« invulnérabilité », mais la résistance absolue n’existe pas. Actuellement des groupes de travail l’étendent à d’autres situations difficiles comme par exemple celles que vivent les aidants des malades d’Alzheimer.
Dans le domaine de l’assistance aux collectivités en cas de catastrophe (naturelle ou causée par l’homme) on parle également de communautés résilientes. La démarche d’assistance post-immédiate aux personnes touchées par un évènement critique a généralement une dimension psychosociale. » fin de citation.
Quelle découverte extraordinaire que de se dire qu’on peut toujours s’en sortir, apprendre à vivre avec ses malheurs ! Car quand le malheur survient, quand le deuil frappe, on se sent anéanti, on a l’impression que la vie ne peut pas continuer, et c’est une réaction normale. Mais grâce à la résilience, on comprend qu’il est certes impossible d’oublier sa souffrance, de l’enfouir jusqu’à ce qu’elle n’ait plus d’incidence sur notre quotidien : ceci n’est pas bon, car c’est un pansement sur une jambe de bois, et la douleur risque de nous revenir en pleine figure à un moment donné, lors d’une naissance ou un nouveau deuil, ou une simple réminiscence. Non, on ne peut pas oublier ce qui nous a vraiment fait mal, mais on peut, et c’est merveilleux, renaître de ses souffrances.
Malheur/ merveilleux ? Ces deux mots semblent si antinomiques que le titre de l’ouvrage de Boris Cyrulnik dont il s’agit ici, et qui traite de la résilience, paraît presque choquant. « Un merveilleux malheur », c’est un oxymoron… bien sûr, l’auteur ne dit pas qu’un malheur peut-être merveilleux, d’ailleurs il précise d’emblée que ce n’est pas son propos, qu’aucun malheur n’est merveilleux, mais il explique que son intention est de nous faire comprendre que personne ne doit se soumettre à l’épreuve, que tout le monde a des armes pour la combattre, en étant aidé, et que tout le monde peut ainsi renaître et continuer à vivre.
Boris Cyrulnik sait fortement de quoi il parle ; né le 26 juillet 1937 à Bordeaux, juif, ses deux parents sont déportés vers un camp de concentration dont ils ne reviendront pas ; lui-même échappera de justesse à ce sort funeste en 1944 grâce au courage d’une institutrice, une Juste… Pas terrible comme départ dans la vie, n’est-ce pas ? On se dit que de telles épreuves doivent anéantir, décourager… mais Cyrulnik va se battre, se réfugier dans les études, le sport (c’est un rugbyman de talent), abattre tous les murs pour devenir éthologue, neurologue, psychologue, écrivain… faire sa vie et la réussir, et poursuivre son but : le décodage de la machine la plus compliquée de la galaxie : l’être humain.

« Un merveilleux malheur », c’est cela ; l’étude de plusieurs cas cliniques, étude qui tente de démontrer que l’homme se construit dans l’adversité, qu’il progresse et grandit dans les épreuves voire les malheurs. C’est volontairement que je ne vais pas vous donner d’exemples concrets car, n’ayant pas de formation en psychologie, je m’en voudrais de déformer la pensée de l’auteur et de dire des bêtises ; il faut lire le livre avec sa propre sensibilité et ses propres expériences. Mais je peux juste vous dire que l’auteur développe des théories sur notre capacité à lutter et à renaître, en associant le rêve, l’intellectualisation, et aussi l’humour ! Pensez ici au merveilleux film de Roberto Benigni « La vie est belle » : pour moi, il illustre très bien le thème de la résilience.

L’ouvrage est rédigé en une langue certes spécialisée, car nous sommes dans un domaine pointu, mais jamais illisible ; je l’ai lu moi-même assez aisément, alors que, je me répète, ce n’est pas mon domaine.
Boris Cyrulnik, par sa pensée, sa force, son regard, a changé ma vision de la vie ; peut-être pourra-t-il influencer la vôtre si vous en ressentez le besoin. Un conseil, essayez, ce n’est que du bonheur… du merveilleux bonheur.