La rémunération pour copie privée

Si le droit d’auteur constitue pour le créateur un monopole d’autorisation de la reproduction et de la représentation de ses créations, l’exception de copie privée est admise compte tenu de son caractère résiduel dans l’atteinte à l’exploitation et à l’utilisation normale des œuvres.

Avec l’émergence du numérique, la création de copies se caractérise par une très grande facilité et une très grande rapidité sans perte de qualité entre l’original et ses reproductions.

La copie privée prévue en 1985 n’est plus adaptée à cette ère numérique…

Conscientes des nouvelles exigences engendrées par le numérique, les institutions européennes sont intervenues avec la directive 2001/29/CE pour fixer un cadre général avec un haut niveau harmonisé de protection du droit d’auteur.

21 des 27 Etats européens ont adopté le système de rémunération pour copie privée.

 

 

 

En France, ce sont les articles L.311-1 et suivants du Code de propriété intellectuelle qui organisent la rémunération pour copie privée.

La rémunération est versée par les fabricants et les importateurs de supports d’enregistrement utilisables pour la reproduction lors de leur mise en circulation en France. Selon le SIMAVELEC (syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques), ces derniers versent environ chaque année 185 millions d’euros au titre de la taxe pour copie privée aux représentants des ayants droit, la SACEM et la SACD.

75% des sommes collectées au titre de la copie privée sont reversées directement aux ayants droit, et 25% participent à la vitalité artistique du pays en finançant des manifestations culturelles.

A l’origine créée pour les VHS et les cassettes, la taxe n’a cessé de s’étendre à de nombreux supports : d’abord les CD et DVD vierges, puis les baladeurs, ensuite les GPS, autoradios, dès lors qu’ils ont une mémoire interne, enfin les décodeurs et les box internet, munies d’un disque dur ou de stockage.

Seuls les ordinateurs échappent à cette taxe.

L’annulation d’une décision de la commission pour copie privée par le Conseil d’Etat:

  • Le 17 décembre 2010, le Conseil d’Etat a annulé la décision n°8 du 9 juillet 2007 de la Commission, décision qui portait sur le mode de calcul de la redevance.
  • Le recours devant le Conseil d’Etat avait été porté par les associations UFC QUE CHOISIR, la CLCV et l’association FAMILLES DE FRANCE.

    « si les sociétés Sorecop et Copie France soutiennent que, par sa décision n° 11 du 17 décembre 2008 abrogeant la décision attaquée à compter du 1er janvier 2009, postérieure à la date d’introduction des requêtes, la commission a, tout en ayant exclu les copies de source illicite de son appréciation, fixé les taux de rémunération pourcopie privée à des niveaux identiques à ceux de la décision attaquée, dès lors que la prise en compte de l’utilisation des nouvelles capacités d’enregistrement et de stockage qu’offrent les techniques de compression de fichiers pour réaliser des copies licites, qui avait été sous-estimée, compense l’exclusion de la prise en compte des copies illicites, cette circonstance, qui n’est en tout état de cause pas établie par les pièces du dossier, est sans influence sur la légalité de la décision attaquée ; que, dès lors, le SFIB, l’ASSOCIATION UFC QUE CHOISIR, l’ASSOCIATION CLCV et la SA RUE DU COMMERCE sont fondés à demander, pour ce motif, l’annulation de la décision attaquée ».

    Malgré l’annulation du Conseil d’Etat, il n’y aura pas d’impact sur les montants acquittés par les consommateurs ; les associations estimaient que, puisque les copies privées illicites n’étaient plus prises en compte, car n’entrant pas dans le cadre de la copie privée1, la taxe aurait du diminuer de 40 à 50% ; mais au lieu d’appliquer cette baisse, la Commission a augmenté ses barèmes de 15%, et la baisse attendue a alors été compensée par l’augmentation générale.

    • La nouveauté : la taxation des tablettes

    Depuis le 12 janvier 2011, date du vote de la Commission pour la copie privée, la taxe concerne également les « tablettes tactiles multimédias avec fonction baladeur, munies d’un système d’exploitation propre », soit les tablettes de type iPad et celles de Samsung, Archos, ou Toshiba.

    Ces appareils sont concernés par cette taxe du fait de leur capacité de stockage d’œuvres.

    Le barème s’étend de 1 euro (pour les modèles comprenant une mémoire inférieure à 128 Mo), à 12 euros pour ceux ayant une mémoire d’au moins 40 Go.

    A noter que ce n’est qu’à partir de la publication au Journal Officiel, qui pourra avoir lieu à partir du 1er février 2011, que les tablettes pourront être soumises à cette ponction.

    • L’annonce d’un recours devant le Conseil d’Etat contre cette taxation par le SIMAVELEC

    Bernard Heger, délégué général du SIMAVELEC, a déclaré que ce dernier prévoit de saisir le Conseil d’Etat une fois que le texte concernant la nouvelle taxe privée sera publié au Journal Officiel, aux fins d’annulation.

    Le SIMAVELEC conteste cette nouvelle taxe qu’il juge « injuste et mal adaptée », prenant exemple sur la position privilégiée de Microsoft, qui a jusqu’ici réussi à soustraire ses produits à la taxe.

    En effet, les tablettes ou téléphones tournant sous Windows ne sont pas taxés, contrairement aux produits des concurrents de Microsoft.

    La raison, bien que discutable, est simple: il est estimé que Windows n’est pas un système d’exploitation propre, ayant été conçu à la base pour des ordinateurs.

    Toujours selon SIMAVELEC, ce texte remet en cause le principe d’égalité, et il souhaite son remplacement par un dispositif qui reposerait sur le « préjudice subi ».

    Les cartes mémoires font également l’objet d’une taxation différente selon qu’elles sont achetée nues ou dans un pack, et selon l’objet acheté dans le pack : la taxe pour copie privée sera donc élevée si la carte mémoire a été achetée avec un lecteur MP3, et nulle si c’est pour un appareil photo.

    En bref, une taxe pleine de curiosités.

    En outre, le texte concernant la nouvelle taxe risque de pousser à acheter via internet à l’étranger, afin d’échapper à la taxe. Rien qu’en Allemagne, les disques durs ont été vendus en cette fin d’année 20% moins chers, juste à cause des taxes.

    Mais le SIMAVELEC n’est pas le seul à militer contre le nouveau texte : le fabricant français Archos, veut également déposer un recours devant le Conseil d’Etat contre l’assujettissement des tablettes à la rémunération pour la copie privée.

    Il estime que ses propres tablettes sont elles aussi assimilables à des PC car Linux est leur système d’exploitation, et qu’il n’y a pas de raison justifiée à ce que seul Microsoft soit exonéré de la taxe.

    Le groupe Archos a payé, selon son pdg Henri Crohas, 3 millions d’euros en 2009 pour honorer cette redevance, sur un chiffre d’affaires total de 58 millions d’euros. Le prix de ses tablettes étant bien inférieur à ceux pratiqués par Apple pour l’iPad, la taxe le pénalise alors plus durement.

    Le fournisseur d’accès à internet Free, lui, a plutôt décidé de trouver une faille au système, dans le même but : échapper à cette taxe.

    La taxe étant proportionnelle à la capacité de stockage, la Freebox devrait être imposée à hauteur de 30 euros (son disque dur étant de 250 Go).

    Mais les « systèmes de stockage qualifiés et certifiés pour pouvoir fonctionner simultanément avec au moins trois systèmes d’exploitation » sont exemptés de taxe. Free se sert alors de cette exception pour se dire exempté de la taxe, son offre étant selon le FAI compatible avec plusieurs systèmes d’exploitation.

    La Société Civile des Producteurs Phonographiques a d’ores et déjà annoncé que si Free ne paie pas cette taxe, « ça se terminera au tribunal » ; le principal concurrent de Free, SFR, ne prend guère mieux la nouvelle.

    1 CE, 11 juillet 2008, annulation de la décision n°7 du 20 juillet 2006, cf. Flash 17 décembre 2008

     

     

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