Canailloux sans scrupules, égoïstes amoureux et intelligence informatisée : nous sommes la race des vainqueurs. Le principe, c’est de freiner la différence afin de la revendiquer d’une ataraxie faussement marginale par la suite (le nom approprié de ce fondement s’appelle l’art, ou quelque chose comme ça), et d’éradiquer le germe de la peur en cultivant la vertu capitale de ce bon vieux 21ème siècle : l’indifférence.

À ce stade, on est tous des vainqueurs. Au stade suivant, on l’est tellement tous que plus personne ne l’est.

FRY MY LITTLE BRAIN !

Bref, ma bouffée délirante aiguë m’a fait ouvrir les yeux sur l’âme des conquérants que nous sommes, et l’importance que nous nous accordons en tant que vedettes cardinales de notre propre film. Pour échapper à toutes les infortunes de notre structure sociale, la race des vainqueurs a dû se construire un personnage. Son but : préserver, assurer et défendre la survie de l’apparence externe… idée contagieuse.

Désormais, tout sert de prétexte pour sortir ses Ray-Ban Wayfarer édition 86, et le sourire a remplacé le rire comme les Marlboro light ont remplacé la pipe. Les étudiants étudient moins qu’avant, trop occupés à entretenir leur ténébreuse insensibilité et à vivre trop vite pour se blaser tôt. J’imagine que ça doit être le sujet de conversation majeur de la génération des baby-boomers à la sortie des messes du Père Denis Erazmus.

Quoiqu’il en soit, cette façade supérieure est une victoire de l’intellect sur l’émotion. Cacher sa jalousie, cacher son dégoût, cacher sa timidité, n’importe quoi, mais le cacher. Le paraître plutôt que l’être, valeur primordiale de notre ère. Qui l’a compris fait partie de la race des vainqueurs.