Chapitre II – La prostitution au Moyen-âge 





 

L’ARGENT EST LE MEILLEUR BOUILLON DE CULTURE OU PUISSENT PULLULER LA MAUVAISE FOI, LA MUFLERIE ET LA PROSTITUTION  (Francis Picabia) .


 

Le Vè siècle sonne le glas de l’Empire Romain d’Occident.  

Le VIè siècle  voit la toute puissance de l’Empire Byzantin.  L’Empereur Justinien Ier  (483-565), fervent catholique orthodoxe,  décide de prendre  des mesures sévères à l’encontre des proxénètes.

L’histoire laisse entendre que l’empereur a pu être influencé en ce sens par son épouse Théodora  (décédée en 548)  qui était hétaïre avant son mariage,  et qu’il associa à son règne.

 

 

Quand bien même cette catégorie de prostituée,  instruite et éduquée, n’était fréquentée que par des gens puissants ou érudits, il semble tout de même que cette ancienne fonction  ait jeté quelque trouble sinon fait obstacle lors de la préparation de leur mariage.      

Toujours est-il  que Justinien ordonna la fermeture des bordels.  Qu’il s’agisse de souteneur ou de maquerelle,  les proxénètes étaient punis très sévèrement.

D’autre part, les lois qui interdisaient aux anciennes prostituées de se marier, furent abolies. 

 

Dans la Gaule du VIè siècle, la prostitution était considérée  comme un mal qu’il fallait combattre.

Le roi Théodoric  Ier  aurait usé de méthodes violentes pour anéantir les proxénètes.  

Le  Bréviaire d’ Alaric, publié en 506 dans l’Aquitaine et dans lequel  il faut trouver les origines de notre  Code civil, se substitua au Code théodosien, Code romain alors applicable. 

Il  étendit les effets répressifs jusqu’alors réservés aux proxénètes, à toutes les prostituées puisqu’elles aussi étaient passibles de fouet, en plus de voir leur chevelure coupée.  

 

L’Eglise qui considère la sodomie comme un péché mortel, encourage l’honnête homme à aller vers une prostituée, plutôt de que sodomiser son épouse.

 

Petit détail : Alaric II , roi Wisigoth d’Hispanie, ne s’était pas converti au catholicisme comme Clovis.  Selon certains historiens,  ce roi arien aurait cherché par le biais de cet ouvrage (Bréviaire) une légitimité, voire un appui, auprès des populations et notables gallo-romains. 

Néanmoins ce code fit autorité jusqu’au XIè siècle.

 

 

Le VIIè siècle voit l’émergence de  l’Islam.  Pour cette doctrine, la prostitution est un péché et le prophète Mohamed l’interdit.

Nonobstant, l’esclavage sexuel a été pratiqué à grande échelle pendant tout le Moyen-âge, notamment lors de la traite arabe.

De l’Europe au Caucase, en passant par l’Afrique et l’Asie centrale, les filles et les femmes étaient  enlevées pour servir de concubines dans les harems.

 

Mais  au VIIIè siècle, Charlemagne fut le premier à adopter une loi sur la prostitution, et malgré le fait que tous les chefs Francs possédaient des gynécées où vivaient leurs concubines,  la prostitution n’était pas tolérée pour les autres.  

L’impérissable formule « faites ce que je dis, pas ce que je fais »  se voit parfaitement illustrée et notre époque n’a donc rien inventé dans ce domaine.

 

 

Charlemagne

 

 

 

Les « capitulaires » stipulaient que toute personne qui racolait ou tenait des bordels était passible de flagellation.

Après sanctions, en cas de récidive d’activité de la prostituée, la loi durcissait le sort de cette dernière et prévoyait qu’elle soit vendue au marché aux esclaves, mesures qui ne mirent pas pour autant un frein à la pratique de la prostitution.

 

 

Le XIè siècle voit l’ouverture des croisades qui vont s’étaler sur deux cents ans.

 

 

 

 

 

Les troupes qui partaient combattre en Terre Sainte, n’étaient pas seulement accompagnées d’armes et de vivres. Les prostituées suivaient les croisés. 

  

Bien avant l’arrivée à destination ; attaques, pillages, fatigue et épuisement des voyageurs et  animaux,  assortis bien souvent de privations d’eau souvent fatales, provoquaient des pertes considérables. Les maladies venaient ponctuer le sinistre tableau.

 

 

Au XIIIè siècle, par l’édit de 1254, Saint Louis durcit considérablement cette pratique.

La prostitution clandestine se développe, et les hommes se plaignirent  à leur « bon roi » de leur impossibilité à pouvoir protéger efficacement épouse et filles face à la recrudescence de la violence inhérente à la fermeture des maisons closes.  

Malgré les textes qui l’interdisent, elle sera également l’une des causes de la disparition des étuves publiques à cette époque. 

 

 

Etuves publiques

 

 

 

Saint Louis se laissa fléchir et révoqua l’édit de 1254. La prostitution se vit alors attribuer un statut plus souple et elle fut à nouveau tolérée. Les rues où cette pratique était tolérée à Paris portaient des noms curieux tels : rue gratte-cul, rue trace-putain, rue tire-putain,  rue tire-boudin, rue brise-miches, rue taille-pain, rue Pute y Musse….toutes disparues ou rebaptisées aujourd’hui.

 

 

S’il était permis de penser la pratique de la prostitution canalisée, c’était sans compter sur les croisades et leurs cortèges de prostituées qu’elles déplaçaient.

 

 

 

 

 

Les chevaliers devaient emprunter des sommes considérables pour les financer, sommes  qu’ils sollicitaient auprès de juifs fortunés. Selon quelques sources, certains juifs usuriers en auraient profité pour leur extorquer des sommes bien au-delà de celles empruntées,  en contraignant  des chrétiennes à la prostitution.

 

Sous la huitième croisade,  dirigée par Saint Louis, les livres de comptes royaux font état de sommes considérables versées par l’état pour salaires de plus de 10 000 prostituées nécessaires au voyage, afin d’encourager les croisés, privés d’épouse,  à poursuivre la route jusqu’à destination.

 

 

Sacre de Saint-Louis à Reims (XIIIè siècle)

 

 

 

Alors que l’Eglise catholique considère la prostitution comme un péché mortel, Saint Thomas d’Aquin la considère comme un mal nécessaire. Il précise toutefois que la femme qui s’y prête étant plus coupable que l’homme, elle devra se soumettre à une pénitence de 6 ans. 

Dans un même temps, l’heureux partenaire sera puni de 10 jours de jeûne.

Je n’ai cependant pas trouvé s’il s’agissait d’abstinence sexuelle ou alimentaire. 

 

Sauf erreur de ma part, il a arbitré sa décision d’une phrase explicite qui traduit bien son état d’esprit:

« La prostitution dans les villes, c’est comme une fosse d’aisance dans un palais. Enlever la fosse d’aisance et le palais deviendra un lieu impur et nauséabond ».


 

Afin de renflouer les caisses du Royaume, le XIVè siècle voit, à l’initiative de Jeanne, Reine des Deux Siciles, un suivi sanitaire des prostituées dans une maison close d’Avignon.

 

 

 

Toutefois,  il ne s’agit pas à proprement parler d’une mesure d’hygiène à l’encontre des conditions de vie peu réjouissantes des prostituées, mais seulement de tirer profit d’une activité commerciale dégradante. 

Quant à l’Eglise, elle considère les bordels comme nécessaires, et pour cause.  C’est le clergé qui va ainsi imposer des règles strictes à cette pratique qui se veut un garde-fou à l’homosexualité des hommes.

Animé de bonnes intentions sans doute, ce même clergé invitera aussi les prostituées trop âgées et boudées par la clientèle masculine, à faire acte de contrition tout en leur suggérant de terminer pieusement leur vie.

 

Il n’empêche que gratins locaux, municipalités et clergé en tireront rapidement de copieux profits en vertu d’un adage silencieux bien connu : « il n’y a pas de petits profits, il n’y a que de grandes pertes ».

 

 

Les prostituées voient leur activité limitée à un périmètre restreint. Certaines sont riches mais leur tenue vestimentaire ne doit jamais permettre de les confondre avec les gens considérés comme honnêtes. En tout état de cause, les couleurs rouge et verte sont réservées à la noblesse.

Elles étaient donc contraintes de porter une tenue vestimentaire adéquate qui permettait de les reconnaître, mais aussi de les sanctionner si dérapage il y avait.

Leurs robes devaient découvrir leurs chevilles. Leurs corsages devaient être équivoques sinon généreux.

 

 

Au Moyen-âge, les prostituées étaient obligatoirement des femmes et si cette activité n’était pas systématiquement considérée comme malhonnête, elle était néanmoins reconnue comme dégradante. Il s’agissait souvent de femmes rejetées par leur famille à la suite de viols ou autres grossesses clandestines.

Toutefois, si un homme osait s’y prêter, il était émasculé, pendu puis brûlé…parfois vif. 

 

Le XVè siècle sonne la fin du Moyen-âge avec sans doute le dernier épisode de la guerre de Cent ans en Gironde (Castillon la Bataille – 1453).

Parallèlement, cette même année voit la fin des croisades par la prise de Constantinople par les Turcs.

 

Pendant 1 000 ans, l’Europe a été façonnée par un brassage considérable de populations, mais avec la chute de l’Empire romain d’Orient, tout un monde bascule.

     

Prochain chapitre : La prostitution de la femme du XVIè au XXIè siècle.