Selon la définition attribuée par les encyclopédies et dictionnaires, il ressort que la prostitution est une activité consistant à accepter ou obtenir des relations sexuelles en échange de rémunérations. 

A ce titre c’est une activité commerciale universelle, et sans conteste la plus ancienne pratiquée sur Terre.  L’abondante actualité nationale ou internationale qui nous occupe, ne va pas dans le sens d’un tarissement de cette pratique humaine, la plus pathétique qui soit. Effrayante et funeste aussi.   Pratiquée par l’homme et par la femme, il est reconnu qu’elle est le plus souvent le fait de la femme.  Je vous propose de parcourir l’humanité à travers ces traditions, comportements  et usages qui ont fait et défait des puissants de ce monde.

 

Dans son livre « Mésopotamie – L’écriture, la raison et les dieux » publié chez Gallimard en 1997,  l’historien et écrivain français Jean Bottero , situe l’origine de la prostitution en Mésopotamie.

Selon lui, les premières femmes qui se sont consacrées à la prostitution étaient des femmes stériles. Dans la mesure où elles ne pouvaient assurer de descendance à leur époux, elles ont été amenées par la force des choses  à jouer un autre rôle dans la société. 

Toutefois cette activité revêtait un aspect sacré dans la mesure où elles honoraient par leurs actes sans risque de procréation,  la déesse de la fertilité.   

Le code de Hammurabi,  texte babylonien en caractères cunéiformes, datant de 1750 av.JC, gravé dans un bloc de basalte, est sans doute  le plus ancien texte de loi entier dont nous disposons aujourd’hui.  

Entre autres articles articulés autour de la loi du Talion, ce code fait aussi état du statut de la femme. Nous devons une excellente traduction à André FINET,  professeur et archéologue de l’université Libre de Bruxelles (Belgique).  

 

Stèle d’Hammurabi


 

Dans l’Egypte Ancienne

 

La khénémèt ou fille de joie, exerce essentiellement dans les cabarets ou maisons closes appelées « Maisons de bière ». Elles étaient souvent chanteuses et/ou danseuses. 

Il semble qu’elles étaient esclaves natives de Babylone, déportées ensuite en Egypte par des marchands syriens. 

Les « maisons de bière » étaient des établissements  mal réputés où on venait s’enivrer et fréquenter les prostituées. La bière était une boisson très populaire en Egypte et toutes les catégories sociales en consommaient sans modération. Elle était connue sous le nom de Zythum. 

Il n’empêche que la société égyptienne reste remarquable en ce qui concerne la place qu’elle réserve à la femme. 

Elle la considère l’égale de l’homme.  Son organisation sociale et sa législation en vigueur feraient sans doute pâlir bien des sociétés modernes,  même si la littérature égyptienne de l’époque présente la femme comme peu fiable, frivole et bien évidemment coupable de nombreux malheurs. A contrario, des artistes tels que peintres ou sculpteurs entre autres, préfèrent célébrer sa sérénité à travers leurs oeuvres.

Il est intéressant de savoir que l’Egypte antique pratiquait des méthodes de contraception et avait même conçu un test de grossesse ! 

La femme suspectée d’être enceinte humectait de ses urines un échantillon d’orge mêlé d’amidonnier (céréale proche du blé). Selon leurs croyances, si l’orge germait c’était un garçon, si l’amidonnier germait c’était une fille. 

La science moderne rapporte que l’urine d’une femme qui n’est pas enceinte empêche l’orge de germer.  

 

Préparation du zythum

 

Egypte ancienne – dieux ityphalliques

 

La très belle et très cultivée Cléopâtre (dynastie des Lagides), Reine d’Egypte de 51 à 30 av J.C, n’était pas égyptienne comme on est souvent tenté de le croire. Elle était grecque et précisément originaire de Macédoine. Polyglotte avertie, elle n’éprouva pas vraiment de difficultés à apprendre le latin en compagnie de Jules César.  

Des scientifiques allemands de l’université de Trèves suggèrent aujourd’hui qu’elle ne serait pas décédée de morsure du redoutable aspic, mais de surdose médicamenteuse.   


Cléopâtre – relief du temple de Kôm Ombo



 

Le Deutéronome (livre de la Genèse)   

Tamar, demi-sœur d’Amnon, laisse supposer l’existence de la pratique de la prostitution.   

Il fallut la colère de Josias (640/609 av J.C), roi de Juda,  pour faire détruire le « pavillon » des prostituées  « sacrées » installé dans le temple de Jahvé, et bannir les faux prêtres qui  y campaient, intronisés par ses prédécesseurs.      

 

Josias – Roi de Juda  

 

La Grèce Antique  

 

Dans l’Antiquité, la Grèce n’aurait pas connu la « prostitution sacrée » telle qu’elle était pratiquée au Proche-Orient. Au  IVè siècle av J.C, apparaissent des catégories de prostituées dont les moins bien loties restent les esclaves.   

Il en est même fait état au tribunal devant les citoyens présents :  «Nous avons les courtisanes en vue du plaisir, les concubines pour nous fournir les soins journaliers, les épouses pour qu’elles nous donnent des enfants légitimes et soient les gardiennes fidèles de notre intérieur ».    

 

Les lois grecques de l’époque interdisaient les relations hors mariage. L’adultère et le viol étaient sévèrement punis. Toutefois, l’âge moyen du mariage pour les jeunes Athéniens étant de 30 ans, ces derniers n’avaient pas vraiment d’autre choix que de se tourner vers les prostituées voire les esclaves pour calmer leurs ardeurs. 

Les bordels d’état à Athènes, où les prestations étaient payantes, amenaient les proxénètes à acquitter une taxe sur les revenus générés par cette activité.   

Les maisons closes s’étaient installées dans des quartiers connus à proximité des affluences de marins et voyageurs. Sans éprouver le moindre scrupule,  des pères citoyens y exposaient leurs petites filles, jolies de préférence, qu’ils finissaient par abandonner ensuite aux proxénètes, puis oublier.  

Il y avait aussi une catégorie supérieure de prostituées indépendantes, anciennes esclaves ayant acquis leur liberté. 

Leurs origines sont diverses et les tarifs qu’elles pratiquaient restent difficiles à estimer. Elles pouvaient fort bien officier dans des banquets masculins en tant que chanteuses et danseuses, mais les services sexuels faisaient partie de leurs prestations.   


Ensuite venaient les prostituées de luxe : les Hétaïres. 

Indépendantes, d’éducation soignée, elles étaient généralement cultivées. Elles prenaient part aux conversations lors des banquets réservés aux gens érudits. Elles étaient considérées comme « concubines » et pouvaient recevoir des dons de leur "compagnon ou ami". 

Habilitées à gérer leurs biens, elles étaient parfois très riches.   

Sophocle, Socrate et Alexandre le Grand, pour ne citer que ceux-là, furent de célèbres « clients » d’Hétaïres.

 

 

Dans la Rome Antique  

 

Une tradition accordait la possibilité à un époux de laisser à disposition d’un visiteur, sa femme et/ou sa fille.  

Cette « coutume » aurait permis de constituer ainsi  la dot en vue du mariage de la fille.  Parallèlement à cette formule, existait la prostitution sacrée ou religieuse.  

Dans ce cas de figure, des prêtresses offraient leur corps aux désirs des hommes en échange de pièces de monnaie déposées par ces derniers sur l’autel.   


Rome fêtait ses prostituées. La plus légendaire est sans conteste Acca Laurentia,  louve qui allaita Romulus et Rémus. Sa maison ne prit-elle pas le nom de Lupanar ? 

Par extension,  le nom de « louve » fut attribué aux courtisanes.   

D’abord réservée aux femmes adultères qui étaient alors frappées d’état de «  mort civil », les prostituées étaient mises à disposition des hommes  et soumises à leur bon vouloir.  

Pour ne pas être confondues avec une citoyenne libre, elles étaient tenues de porter une perruque blonde, sauf dans les lupanars où elles semblaient libres de se vêtir comme elles l’entendaient.


C’est sous le règne d’Auguste (- 63/+14) que la prostitution se voit réglementée à Rome . 

Sa pratique est alors réservée aux veuves, esclaves et affranchies mais le principe de « mort civil » restait applicable. 

Nonobstant la pudeur toute relative de l’époque, elles se rassemblaient les jours de fêtes dans le Circus Maximus à hauteur du Palatin et y organisaient des orgies crapuleuses. 

Les autorités fermaient les yeux sur ces débordements dans la mesure où les revenus des prostituées constituaient des dons non négligeables qui finançaient en partie la construction ou la reconstruction de temples.    

 

Fresque banqueteur et une prostituée – Herculanum

 

Les prostituées vénéraient Vénus. 

Toutefois les temples restaient interdits à l’exercice de pratiques sexuelles. 
Les courtisanes vouaient un culte à Bacchus, dieu des débordements, notamment sexuels. Aguicheuses, maquillées et parfois travesties, elles ne se privaient pas de s’enivrer en compagnie de leurs « clients ».    

 

La jeunesse de Bacchus – oeuvre de William-Adolphe Bouguereau (XIXe s)

 

Les mérétrices étaient celles qui officiaient seulement la nuit. 

Assorties du statut de « mort civil » elles étaient toutefois bien considérées. 

Elles pouvaient choisir leurs clients parmi lesquels elles préféraient les plus fortunés.


Les lupae étaient les plus enviées. Elles se réclamaient héritières de Acca Laurentia et avaient pour particularité d’imiter l’aboiement du loup pour attirer leurs clients. 

Elles semblaient plaire beaucoup à la gent masculine consommatrice.


Les prostibulae exerçaient leur art de jour, toujours sous le statut de « mort civil ». Elles étaient considérées comme vulgaires, ne respectaient pas la loi, n’honoraient pas l’impôt, ce qui rendait leur situation assez délicate.   


Danseuses et musiciennes constituaient une catégorie de prostituées érudites.  L’activité sexuelle n’était pas à proprement parler leur activité principale, qu’on qualifierait aujourd’hui de « fonds de commerce ».  Mais l’une n’allait pas sans l’autre. 

Leurs talents étaient réservés lors de soirées mondaines et elles bénéficiaient de la surveillance d’édiles. Bien que magistrats municipaux, les véritables fonctions de ces derniers ont rapidement évolué dans le temps. 

Parmi les plus célèbres édiles on peut citer Vespasien, Cicéron, Jules César.


C’est à l’aube du premier millénaire, sous le règne de Tibère (-42/+37), qu’il sera interdit d’utiliser une monnaie frappée à l’effigie de l’empereur pour rétribuer ces dames. 

La spintriae sera alors émise. Frappée de positions sexuelles sur une face et de valeur monétaire sur l’autre, elle ne rétribuait que le commerce du sexe.  Cette monnaie,  étroitement contrôlée, avait également pour objectif de réduire la fraude fiscale liée à cette activité.   

L’infortunée Messaline, née  en  +/- 25 et décédée en 48, issue de la haute noblesse romaine,  libertine impénitente et 3ème épouse de l’empereur Claude, hérita du sobriquet  de « pute impériale ».   

Mariée à l’âge de 13 ans à l’empereur Claude, elle vécut semble-t-il heureuse les premières années de son mariage. Très vite les choses se gâtèrent et sa fin précoce fut tragique.

 

Messaline et ses deux enfants .

 

Les mœurs délitées virent les lois se multiplier alors que l’Empire Romain, embourbé dans une succession de guerres, meurtres, débauche et corruption, courrait inexorablement à sa perte.

 

 

 

Chapitre II – La prostitution au Moyen-Age (à suivre)