Chantal Sébire, dont tout un chacun a pu voir le visage déformé par la maladie, maladie rare, tumeur incurable qui l'a tenu huit ans durant dans des souffrances qu'elle ne tolérait plus, au point de demander une aide au suicide, a été retrouvée morte à son domicile ce mercredi 19 mars, d'une mort non encore identifiée comme étant naturelle ou provoquée. Les journaux ont abondamment relaté son histoire, notamment lorsqu'elle a demandé à la justice le droit au suicide, retranscrit par l'association ADMD en "droit de mourir dans la dignité". Elle-même employait ce terme.


Les journaux citoyens ne sont pas en reste. C'est tout juste si l'on ne lisait pas, à coté de sa photo, "Voyez braves gens, voyez cet oeil de travers et qui vous regarde, voyez comme elle souffre! Ne faut-il pas abréger ses souffrances et trouver par la même occasion un chemin juridique pour le suicide assisté?" Le lecteur me pardonne, le terme impropre d'euthanasie ne retraduisant pas la réalité, je ne l''emploierai pas.
Ainsi donc tous les journaux nous ont montré ce visage déformé par la tumeur, un visage tuméfié, l'oeil gonflé et rouge. On y devine parfaitement la douleur atroce que ressentait Mme Sebire et personne ne saurait rester insensible à cela. Dans les discours associatifs revenaient toujours la même revendication : "mourir dans la dignité". Le terme est largement impropre. Meurt-on sans dignité lorsqu'on souffre, et partant vit-on sans dignité? Est-il indigne de souffrir? La naissance est alors indigne, la maladie aussi. Cela ne signifie donc rien.
Ces termes cachent la réalité du droit en France pour les malades. La loi Leonetti autorise les médecins à donner aux malades incurables de quoi soulager leur douleur dans des doses qui potentiellement peuvent être mortelles, si toutefois la dose normale ne soulage pas.  En clair cela signifie que le médecin soigne la douleur, mais ne cherchera jamais à tuer son patient, ce qui parait tout à fait logique et cohérent par rapport à sa fonction. Devant une douleur insupportable il pourra aller un tout petit peu plus loin, dans certaines limites. Les soins risqueront de limiter la vie malgré tout… légalement.
Les pires choses sont dites en commentaires par les "défenseurs" de la mort assistée : il faudrait par exemple débrancher les malades… Débrancher? Un malade n'est pas une lampe électrique dont on enlève la prise. Débrancher semble signifier tantôt ôter le boire et le manger en perfusion, dans ce cas c'est une mort de faim et de soif, ou encore débrancher l'assistance respiratoire, dans ce cas c'est une mort par asphyxie. On voit mal ce que la dignité de l'homme vient faire là-dedans… Cette façon de voir est à la limite admissible pour le malade en coma depuis longtemps, maintenu artificiellement en vie.
Voici des extraits de la loi Leonetti qui semble parfaitement équilibrée :
"Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10."
(…)
 "Si le médecin constate qu'il ne peut soulager la souffrance d'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, qu'en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d'abréger sa vie, il doit en informer le malade, sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 1111-2, la personne de confiance visée à l'article L. 1111-6, la famille ou, à défaut, un des proches. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical."
Est-il vraiment digne de se servir d'une femme malade, qui n'en peut légitimement plus de ses souffrances? D'afficher sa photo et sa douleur dans toute la presse, et à longueur de page internet? Une description de sa maladie n'aurait-elle pas suffit? Cette façon de faire est regrettable, car elle traite à chaud d'un sujet délicat de manière sensationnelle. Des personnalités se sont élevées pour réclamer une loi autorisant le suicide assisté dans les cas exceptionnels, mais n'ont peut-être pas songé aux conséquences ni même peut-être pris connaissance de la loi Leonetti dont elles demandent la révision. Or il ne serait pas sérieux de décider d'une loi à chaud, dans l'émotion encore du décès et de la douleur de Mme Sébire. 
La photo qui illustre cet article est celle de Mme Sébire alors qu'elle était en bonne santé. Volontairement j'ai décidé de l'afficher sous son meilleur jour. Une  pensée pour sa famille, particulièrement pour ses trois enfants, avec le souhait qu'ils pourront faire tranquillement leur deuil.