« Ça, c’est de la balle qui déchire, Coco ! Si, tu sais, la fille qui appelle à réjouir de la mort de Maggie, eh ben, elle ses fait poser des implants PIP aux frais de la Sécu et elle se demandait si cela n’allait pas lui valoir une fausse couche ! » Et hop, le Mail Online te monte « l’info » en haut de la page d’accueil. Contrairement à la controversée page 3 du Sun, le Daily Mail floute le moindre bout de téton, mais pour le reste…
En plein débat sur la moralisation et la transparence de la vie publique en France, Jean-Luc Mélenchon réclame de connaître les revenus des patrons et des chef·f·es de service des dirigeants des chaînes, radios et principaux journaux. D’autres reviennent sur le modèle suédois : tous les revenus et patrimoines, les déclarations au fisc sont en ligne…
Au Royaume-Uni, les notes de frais et allocations ou autres avantages des parlementaires sont passés au crible, tout abus apparent finit dans la presse, de même que les avantages divers des agriculteurs français découlant des subventions européennes (au fait, comme le signale Étienne Liébig dans ses Nouveaux cons, Saison 2, chez Michalon, au lieu de s’offusquer des assistés du RSA, si on s’inquiétait du train de vie de prétendus « paysans » ?).
Mais quand même… Jusqu’où doit aller la « transparence » ? J’avoue, en dépit d’une lecture quotidienne assidue de longue date de la presse d’outre-Manche, être resté scotché devant le titre du Mail Online.
Une animatrice d’ateliers d’expression théâtrale a lancé une page Facebook appelant à se rassembler pour célébrer la mort de Margaret Thatcher (au Ritz, dans une suite à 4 000 euros la nuit qu’elle occupait depuis fort longtemps, en toute transparence), en se réjouissant de sa disparition. Du coup, la presse nous révèle qu’elle a l’outrecuidance d’appeler ainsi à manifester alors qu’elle a bénéficié d’implants mammaires (français, des PIP) aux frais du National Health Service. Même que, depuis la révélation du scandale des implants PIP, elle s’est vraiment demandée s’ils ne sont pas responsables de sa fausse couche.
Le lien entre ce qui relève de son intimité et le fait qu’elle a déclaré qu’à la mort d’Hitler des gens dansaient aussi dans les rues ? Eh bien, c’est aux lectrices et au visitorat de se faire une idée. L’organisatrice – impromptue, ce ne fut qu’une suggestion lancée sur Facebook – des divers rassemblements festifs sur le thème de « La Sorcière est morte » voit largement ses arguments popularisés : « Mrs Thatcher fréquentait Pinochet, qui se ressemble, s’assemble », indique-t-elle en substance au Brighton Argus.
Mais, tout comme une autre enseignante ou un prof ayant appelé à protester contre les funérailles d’État (et non « nationales », légère nuance) de l’ex-Dame de la privatisation des chemins de fer, il s’agit d’une quasi-fonctionnaire, une « privilégiée » en quelque sorte.
C’est en raison de réels problèmes à la poitrine (une « malformation ») nous apprend le Daily Mail, qu’elle s’est fait poser, en 2000, des implants PIP et elle aurait par la suite exprimé sa crainte qu’une fausse-couche en aurait découlé. Cela change tout, faut-il croire.
Bref, la « gauche caviar » (hein, des profs !) s’amuse et traîne sainte Maggie dans la boue. Sainte et martyre de surcroît car ses « assassins » (si !) soit « les nains » de son parti, ralliés autour d’un « alcoolique incompétent » l’avaient chassée de Downing Street.
Même Johnny Rotten, ancien du groupe punk des Sex Pistols, s’est offusqué que la mort de Maggie donne lieu à des réjouissances. Comme quoi les royalties adoucissent les mœurs (même les salauds de pauvres peuvent évoluer, un Pygmalion, ou un label musical peuvent y suffire).
Je crains que la suggestion de Jean-Luc Mélenchon soit une FBI (fausse bonne idée). Le Daily Mail s’étend beaucoup sur les rémunérations des dirigeants de la BBC et ne fait guère mystère de celles de ses cadres. Ce qui ne les empêche nullement de ne pas laisser la moindre pierre, dans le jardin des puissants comme dans celui des plus anonymes à l’occasion, reposer sans être retournée.
Mais les Inshore Leaks (fuites territoriales) poussent un peu loin : a-t-on vraiment besoin de savoir si les implants PIP de l’organisatrice des « danses de la Sorcière » résistent ou non ? Au vu des photos, ils tiennent le choc. C’est peut-être d’ailleurs pourquoi la dame de chair fait la une du Mail, et non d’autres, encore plus critiques à l’endroit de l’ex-Dame de fer.