En voilà une fête populaire ! A côté de celle-ci, le pèlerinage à Lourdes fait pâle figure, la faisant passer pour une réunion d’hypocondriaques légèrement crédules pensant qu’ils pourront être guéris de maux imaginaires par de l’eau soit disant miraculeuse. Idem pour les pèlerins musulmans se rendant à la Mecque pour tourner et prier autour de la Kaaba. La plus importante célébration religieuse du monde se déroule en Inde, une terre de croyances, où la spiritualité est omniprésente et les dieux ancrés dans le folklore local. Depuis le 14 janvier, les indiens vivent au rythme de la Kumbha Mela, quand ce ne sont pas les faits divers de viols sur mineures qui défrayent la chronique. 

 

Prévue pour durer 55 jours, près de 100 millions de fidèles sont attendus à Allahabad, anciennement appelée Prayag, au nord du pays, en Uttar Pradesh, pour faire preuve de leur foi sur les bords du Gange, lors d’une fête hindouiste dans une ville au consonance islamique. L’importance de cette fête est certaine due à sa fréquence, une fois tous les 12 ans. A la base de cette de commémoration un récit mythologique. Il y a des milliers de cela, à une époque immémoriale, les dieux et les démons avaient fait une trêve afin de composer un nectar rendant immortel, l’amrita. Ce lait issu de la Mer Primordiale, elle même composée d’un liquide lacté, était contenu dans une cruche, la Kumbah. Il ne faut jamais se fier aux démons, toujours en train de tramer de vils projets, ainsi ils volèrent la cruche au nez et aux yeux des dieux. 

 

S’engage alors une terrible course poursuite, une bataille épique dans les cieux de 12 jours et 12 nuits divins, c’est à dire 12 ans pour nous pauvres mortels. Lors des assauts et des joutes titanesques, où un flot de puissance incommensurable s’est déversé, 4 gouttes tombèrent de la cruche, 4 gouttes qui allèrent tomber sur 4 villes désormais sacrées : Allahabad, Nasik, Ujjain et Haridwar. Dans les 3 dernières villes, des fêtes ont également lieu, tous les 3 ans mais de moindre envergure. Le clou du spectacle reste celle d’Allahabad. La ville a la particularité d’être à la jonction de 3 rivières, la Gange, la Yamuna et la Saraswati, se déversant dans le fleuve Gange. Il est plus symboliquement le point de liaison entre le monde des morts et celui des vivants. La Kumbha Mela est l’occasion à tous ceux qui affluent sur les rives, de dire adieu à leurs proches disparus, en rependant leurs cendres. 

 

L’ouverture de la Kumbha Mela a lieu tôt, dès l’aube, on y voit des prêtres hindous, des gourous, des hommes de foi, nus et recouverts de cendres, les cheveux hirsutes, des tignasses entremêlées et entassées sur le sommet du crâne, courir droit vers l’eau pour se plonger dedans. Certains ont à la main des épées ou des tridents. Puis ce sont les pèlerins qui ont fait de même, dans la joie et la bonne humeur. L’effervescence religieuse qui se dégage de ce moment casse, le temps de quelques jours, les différences sociales tellement prégnantes dans le pays. Tout le monde est autorisé, c’est l’occasion pour beaucoup de partager un moment de détente et de piété en famille. 

 

Le pic se déroulera le 15 février, une date savamment choisie par des calculs très complexes provenant d’astrologues érudits observateurs des étoiles. Cette journée est prévue pour être la plus mystique, celle où une profusion de karma inondera tout ceux qui seront présents. Bien évidemment pour encadrer cette foule, un brin hystérique, une quantité impressionnante d’agents de police est mobilisée, plus de 12.000. Leur mission principale est d’empêcher les bousculades pouvant être mortelles. Outre les policiers, d’importants moyens sont mis en oeuvre pour acheminer les croyants, 7000 bus et des centaines de trains spécialement réservés pour l’occasion. Il se dégage un aspect financier de cet évènement liturgique.

 

Les hôtels, les restaurants, les stands en tout genre ou encore les compagnies de transports voient la Kumbah Mela comme une véritable mine de profits durant une période éphémère. Cependant, un autre problème passe à la trappe alors qu’il est au coeur des festivités, celui du Gange. Bien que sacré, le fleuve est souvent considéré comme une poubelle à ciel ouvert, utilisé par les entreprises polluantes peu scrupuleuses et des riverains peu avertis des risques sanitaires. Il serait temps que les consciences s’éveillent et que le Gange soit choyé comme il se doit, il a beau avoir reçu une goutte d’immortalité, il ne vivra pas éternellement à cette allure.