Chaque année, tel un éternel rituel, l’Europe célèbre la Chanson, ou du moins ce qui lui ressemble. L’Eurovision se déroulera cette année dans le pays des lauréats de l’année dernière, comme le veut la coutume, c’est-à-dire l’Azerbaïdjan. Une destination exotique pour un concours européen et qui ne laisse pas de marbre les différents concurrents.

Dans quelques jours, à Bakou, la capitale, des dizaines de chanteurs pousseront la chansonnette. Il colle à l’image de l’Eurovision, un aspect kitch, cependant la France ne l’a plus remporté depuis Marie Myriam dans les années 1970. A cette époque, il été considéré comme une réelle institution médiatique mais avec les années, il  est devenu un bal folklorique aux chansons insipides où les artistes vêtus de paillettes se disputent le prix du plus ridicule.

La compétition se déroulera le dernier week-end de mai, présentée par des animateurs remplissant la tâche comme si cela était une pénitence. Une punition de la chaîne de télévision, ce sentiment se ressent dans leurs commentaires moqueurs à chaque fois qu’une formation est en représentation.

Alors pourquoi tant de controverses vis-à-vis de l’Azerbaïdjan ? Tout simplement car  le pays n’est pas connu pour être un des états les plus démocratiques. Cette ancienne république soviétique pétrolifère est même réputée pour être dictatoriale, raciste et antisémite. Les plus optimistes voient une occasion d’adoucir les mœurs  et  que le grand public puisse jeter une œil sur ce qui se passe dans ces terres méconnues.

Le pays est un état policier, corrompu et liberticide, le « président » Ilham Aliev y règne tel un monarque tout puissant. Jouant son atout sur l’évènement, la salle de concert, où doivent se dérouler les festivités, a été construite en expropriant de force des dizaines de familles. Il y a proscrit tous les chanteurs gays, comme signe d’homophobie on ne fait pas mieux.

Ne partageant pas une grande sympathie envers les arméniens, il leur a instauré un couvre-feu contraignant depuis la guerre du Haut Karabakh dans les années 1990. Malheur à celui qui leur apporte son soutien, on risque la garde à vue et  d’être suspecté d’être un élément dissident. Le népotisme et le copinage est une règle de vie. On ne réussit que si on fait partie du parti, les avantages sociaux ne s’octroient aux personnes ayant leur nom dans les petits papiers des puissants.

Déjà des manœuvres de protestation ont été orchestrées. L’Arménie a refusé de participer et ne sera donc pas présente. A l’inverse, 29 ONG seront là, unies par un message «  Chanter pour la Démocratie », elles enverront, à chacun des participant, un texte à parapher, qui devra atterrir sur le bureau du président. Il lui demandera la libération de 60 prisonniers politiques retenus dans des geôles insalubres.  

Car oui, l’Eurovision a eu, par le passé, des impacts géopolitiques et a permis de délivrer des messages diplomatiques. En 1969, l’Espagne franquiste organise le concours, l’Autriche en signe de protestation le boycotte. Dans les années 1970, on parle de faire participer certains pays arabes, une idée vite abandonnée quand ils ont su qu’Israël concourrait également.   

Toujours dans les années 1970, en Grèce, le groupe national entonne un chant patriotique pour manifester leur mécontentement face à l’invasion turque sur l’île de Chypre. Le groupe allemand Dschinghis Khan, tout vêtu à l’image de cosaques, caricaturent les soviétiques en disant qu’ils sèment la terreur dans tous les pays. Ou bien plus récemment, en 2009, alors que la Russie et la Géorgie se disputent, les artistes géorgiens composent une chanson caricaturale à l’adresse de Vladimir Poutine.

L’Eurovision a été instaurée après la Seconde Guerre Mondiale pour apaiser les tensions internationales. Un but noble inscrit dans celui des Lumières. L’espoir est de mise, l’Azerbaïdjan connaitra-t-il un vent de libérations inspiré par les vertus démocratiques de la Musique et de sa muse Euterpe à la flute enchanteresse ?