Le chat de Schrödinger, enfermé dans une boîte, est à la fois vivant et mort. Jusqu’à ce qu’on ouvre la boîte : alors, on constatera qu’il est soit vivant, soit mort. C’est l’action de mesurer qui projetterait le chat vers un état ou l’autre.


La mesure aurait donc un effet sur l’objet mesuré, selon les principes de la physique quantique auxquels je ne comprends pas grand chose, mais dont la vulgarisation est très intéressante. Je propose ici une explication, peut-être erronée, peut-être grossière, je ne sais pas c’est juste une idée : vous me direz.

 Admettons d’abord que chaque phénomène est la conséquence d’une cause, comme la physique le pense traditionnellement. Alors, chaque phénomène qui compose notre univers est nécessaire. Pour des phénomènes simples et immédiats, le rapport de causalité semble évident. Vous lisez cet article. La cause en est que vous l’avez vu sur C4N, et que vous avez décidé de cliquer dessus.

Mais pour des phénomènes étendus dans le temps, ou plus compliqués, la succession de causes et effets qui mène à un résultat est si complexe que souvent il est impossible de la saisir. En fait, le fait que vous lisiez cet article est le résultat d’un enchaînement de causes et de conséquences, qui remonte sans doute aux débuts de l’univers. J’écris n’importe quoi pour donner un exemple compréhensible : il a d’abord fallu que je l’écrive, et donc que j’en aie l’idée. Cette idée, c’est peut-être quelque chose de banal qui me l’a donnée : par exemple, une discussion avec un ami. Pour cela, il a fallu que mon ami aie envie de parler du sujet avec moi. Qu’est-ce qui lui en a donné envie? Peut-être l’éducation qu’il a reçue de ses parents, qui l’ont très tôt initié à la science. On pourrait remonter ainsi, d’effets en causes, jusqu’aux débuts, mais ça serait sûrement ennuyeux. Ce que j’essaie de montrer, c’est que chaque petit événement prend donc place au sein d’un gigantesque ensemble de déterminismes, et que pour comprendre cet ensemble il ne faut laisser aucun événement de côté.
Un schéma analogue de déterminismes successifs vous a conduit à cliquer sur cet article, et a "croisé" nos deux chemins, de manière nécessaire. Et le même enchaînement de causes et de conséquences continuera de régir l’univers après la lecture de cet article.
Donc je ne pense pas trop exagérer en écrivant qu’en lisant cet article, vous influez sur les événements historiques qui se dérouleront dans des milliers (millions? milliards?) d’années. De ce point de vue, l’Histoire telle qu’elle est enseignée n’a aucun sens. La victoire de Jules César à Alésia, la défaite de Napoléon à Waterloo ou la chute de l’URSS en 1991 ne sont pas plus importants que chaque événement du quotidien pour comprendre l’Histoire. Le fait que vous buviez votre café à 8h59 ou à 9h a des répercussions historiques aussi importantes que la traversée du Rubicon de César. C’est Hegel, qui dans sa théorie de l’Histoire propose un tout global : c’est la Raison dans l’histoire, chaque événement arrivant par nécessité et non par choix. Cette thèse consiste à considérer notre conscience comme un gros tas de réactions chimiques interagissant avec son milieu – le monde.
Cette théorie a des implications philosophiques profondes et plutôt atroces si l’on considère des êtres doués de conscience. : le libre-arbitre n’existerait pas. Ce n’est pas mon sujet ici, mais juste pour le plaisir :  « Les hommes se croient libres pour la seule raison qu’ils sont conscients de leurs actions, et ignorants des causes par quoi elles sont déterminées. » – Spinoza, au XVIIe siècle, appelle les hommes à la lucidité.

Il nous est possible de comprendre certains de ces rapports de causalité, isolés du reste du tableau, à condition qu’ils soient assez simple. C’est ce qu’on fait en écrivant par exemple que telles ou telles conditions réunies entraînent une combustion. Mais en procédant ainsi, on reste aveugle aux rapports d’inter-dépendance et aux interactions entre les déterminismes.
Donc pour comprendre l’univers, dans toute sa complexité, il faudrait le modéliser, le simuler, non pas partie par partie, mais dans son ensemble. Toutes les matières, économie, physique, biologie, psychologie, littérature, etc. sont des aspects de la réalité, et les relier permettrait de former un tout cohérent. C’est la fameuse équation de Schrödinger Hψ=Εψ, où H est une sorte de matrice de dimensions infinies, comprenant toutes les règles de l’univers, et permettant de le modéliser dans son ensemble pour prévoir les résultats futurs.

Maintenant, admettons que l’humanité fabrique un jour un ordinateur assez puissant pour modéliser le fonctionnement de l’univers dans son ensemble. En fait ce serait un paradoxe, un tel ordinateur n’est pas concevable, car il fait partie de l’ensemble. Pour que la partie simule le tout, la partie étant un élément du tout, il faut qu’elle se simule elle-même. Or, comme nous l’avons vu, tout phénomène influe sur les autres : à chaque calcul de notre ordinateur, la situation de l’univers sera changée, et il faudra tout recommencer. Et combien même notre ordinateur arriverait à une conclusion, cette conclusion aurait un impact sur le reste de l’univers, et ne serait déjà plus valable.

C’est peut-être ce qui se passe lorsqu’on effectue une mesure. Lorsque l’on prend conscience d’une situation, cette situation change, car la prise de conscience est un phénomène à part entière qui influe sur la situation.

Ainsi on ne pourra jamais comprendre notre monde dans toute sa complexité, car nous en faisons partie. Pour comprendre une chose, il faut ne pas interagir avec cette chose, en d’autres termes il faut en être extérieur. Mais d’un autre côté, pour comprendre il faut observer, et donc ne pas être extérieur. En observant quelque chose, quoi que ce soit, j’agis sur l’ensemble de l’univers – et donc sur cette chose aussi.

Donc un rapport de causalité unie tous les phénomènes qui composent notre univers. Comme nous faisons partie de ces phénomènes, et que nous interagissons avec eux, nous ne pouvons par les observer sans les changer : à chaque conclusion que l’on tirera, notre univers sera déjà différent.
Alors, en effet, persiste une question : si, comme nous l’avons admis dans notre postulat de départ, chaque événement est le résultat d’une cause, et s’il y a eu un début à notre univers, s’il n’a pas toujours existé, de quoi est né ce début, quelle est la cause qui a provoqué son existence, puisque avant il n’y avait rien? « Mais cette question nous emmènerait trop loin… »

Je serais heureux de lire vos remarques et impressions.