La Grotte de Gériols, creusée dans les calcaires dévoniens veinés de plomb argentifère des contreforts du Causse du Larzac et du plateau de l’Escandorgue, se niche, dans une reculée façonnée par l’Izarn, à 2 kilomètres à l’Est de la ville de Lodève. Entre margotins de cistes pourpres ou blancs des garrigues et immenses étendues sauvages du causse, elle gîte, au pied des pentes du plateau du Grézac, dans le vallon de Soulondres, où l’eau cristalline du cours d’eau anime le paysage idéaliste du domaine de Monplaisir serti d’un château, d’une manufacture de drap de laine, de ponts, de canaux, de fontaines et d’allées, et bouqueté de bosquets et de bois.
 

La grotte de Gériols, trésor secret des initiés.
 

En ces terres, l’eau a raviné les rebords en contrebas des corniches et a creusé des sillons profonds et étroits. L’érosion, favorisant les karsts, y est d’autant plus active que des bancs marneux s’intercalent dans les bancs carbonatés. Et la vallée-corridor de l’Isarn, comme celles de ses congénères venant de l’Escandorgue, au Nord-Est, le Laurounet et la Soulondre, ou celles de la Brèze, la Primelle et la Paumèle et le Soubrebe dévalant du Larzac, au Nord-Ouest, toutes gonflant de leurs flots la Lergue, recollent de merveilles karstiques gardées au secret par un groupuscule d’initiés qui se refusent, égoïstement, à en dévoiler leur beauté.



Autres que par les spéléologues du cru, de rares historiens locaux émérites ou de singuliers autochtones en mal de sensations fortes qui, un jour, ont eu l’audace d’escalader un éboulis qui obstrue une sorte d’entonnoir largement ouvert ; et autres que par d’antiques légendes qui étaient lues publiquement dans les monastères, pendant les repas et dans les églises, pour l’édification des fidèles et qui, depuis des décennies, croupissent dans les caves humides des archives épiscopales et départementales héraultaises et qui se transforment en gargantuesques repas pour les poissons d’argents, les vers des livres, les psoques, les dermestidés…; qui en ont révélé son existence et son riche passé historique, la grotte est totalement inconnue du grand public.

La grotte de Gériols redécouverte 20 siècles après sa dernière mise en exploitation.

Les époux Vallot, spéléologues lodévois, entre les années 1900 et 1904, en foulèrent les premiers ses sols, en explorèrent ses boyaux et en dressèrent le plan et la description. Et quelle n’avait pas été leur surprise en découvrant que la main de l’homme, ayant creusé des galeries de mine et d’assainissement, et agrandi, pour améliorer les commodités d’accès, plusieurs passages, dans les temps immémoriaux, les avaient devancés en ces lieux !



La tradition populaire très présente encore dans la transmission des connaissances, de génération en génération, qui s’est perpétrée jusqu’en première moitié du XX° Siècle, malheureusement par le truchement de l’évolution inverse des humains trop imbus de leur personnalité seulement des bribes informes en restant en ce début du XXI° Siècle, fait remonter une exploitation minière du site à l’époque romaine.


La grotte de Gériols, sanctuaire Paléolithique.


Dès au moins l’antiquité, des hommes œuvraient dans ses entrailles et y exploitaient les filons de plomb argentifère qui veinaient ses parois mais, ce qui ne filtre point, une omerta intransigeante faisant loi, il est d’évidence que la cavité était déjà connue, visitée et squattée au Paléolithique Supérieur, – entre 35 000 et 10 000 ans -. L’imagerie populaire, bien aidé en cela par les représentations scientifiques, même si les spécialistes en la matières donnent l’impression surannée d’en nuancer le cliché concessif et réductif, et, parfois, de le contredire, perçoit l’Homme préhistorique comme un simiiforme bestial et acrimonieux, stupide et agressif, « à forte pilosité, vêtu de peaux de bête, maîtrisant difficilement le feu, s’exprimant par grognements dénués de sens, chassant le mammouth à la lance, subissant un environnement hostile et s’appropriant une femme en l’assommant puis en la traînant par les cheveux.(2) »


D’après la parole de certains « anciens » attachés à la glèbe de leur terroir, la grotte de Gériols n’aurait pas été un lieu d’habitat, permanent ou temporaire, pour l’homo sapiens sapiens mais, de toute évidence et bien qu’elle ait subi un pillage en règle en des temps indéterminés, un lieu cultuel pour les hommes du Mésolithique et du Néolithique, voire du Chalcolithique. Pour d’autres, à la fin du Moyen Âge, la caverne servit de refuge à deux femmes de « Luteva » qui avaient été accusées de faire commerce avec le Diable et de sorcellerie. Enfin, il se laisse aussi entendre dire que des Cathares du Bittérois s’y seraient réfugiés pour y fuir les exactions commises par les troupes, de Simon de Montfort, subjuguées par la foi qui les transportaient durant la Croisade des Albigeois.

Raymond Matabosch

Notes.

(1) Simiiforme : Les Simiiformes, ou anthropoïdés, – Anthropoidea -, sont un groupe de primates, plus précisément le groupe des singes et des humains qui admet, pour groupe frère, les tarsiformes.

(2) Catalans illustres. L’Homme de Tautavel. 2007. Raymond Matabosch.