Le ministre grec des Finances, Evangelos Venizelos, a estimé samedi soir que son pays était « sur le fil du rasoir » avec un écart très faible « entre le succès et l’échec ». Pour lui, les négociations avec la « troika » (BCE, FMI, Commission européenne) et les créanciers privés doivent déboucher ou définitivement achopper demain, dimanche, au soir ou dans la nuit. Toutefois, on ne voit pas ce qui pourrait être décidé si ce n’est un accord de principe. Au cœur de la négociation, la BCE, qui pourrait profiter des concessions des créanciers privés sans contrepartie, ce à quoi ils se refusent, et de nouvelles mesures d’austérité portant notamment sur un nouveau recul du salaire minimum, voulu par l’Allemagne et d’autres à environ 750 euros.

Personne ne souhaite officiellement la faillite de la Grèce et son expulsion de la zone euro, si ce ne sont quelques fonds d’investissements internationaux, moins sensibles aux conséquences que, par exemple, le patron de la Deutsche Bank, Josef Ackermann, qui estime qu’une telle issue reviendrait à « ouvrir la boîte de Pandore ».

Mais par ailleurs, le ministre allemand des finances s’est refusé à « combler un puits sans fonds », Wolfgang Schaeuble et d’autres ministres européens insistant pour qu’un nouvel effort soit fait sur les salaires minimaux et les congés payés annuels.

Mais de nouvelles mesures d’austérité sont ressenties intenables, tant par les partis grecs que le Premier ministre Papademos ou encore Heronymos II, le patriarche que l’église orthodoxe grecque qui s’est exprimé sur le site de l’archidiocèse d’Athènes.
Nous nous voyons imposer « d’ingurgiter de plus fortes doses d’un médicament qui s’est révélé mortel, » a poursuivi le patriarche, évoquant une « explosion sociale ».

L’Italie, presque « voisine » reflète l’étendue des dégâts : de petits patrons qui ne peuvent recouvrir auprès de l’État ou des collectivités les montants de leurs factures se suicident. En Grèce, c’est désormais le parti de centre-droit Nouvelle Démocratie, en pointe dans les sondages pour les élections d’avril, qui s’oppose fermement aux réductions des salaires et des retraites dans le secteur privé.

Les salaires, avec l’assentiment renfrogné des syndicats majoritaires ont déjà baissé de 14 %. Le patronat propose un gel des rémunérations, que les syndicats refusent d’envisager. Le Premier ministre, les organisations patronales et syndicales ne veulent plus envisager des mesures encore plus drastiques. La troika voudrait que les retraites et les salaires baissent encore d’un quart.

Un autre point de désaccord divise les États européens en coulisses. La Grèce doit-elle honorer à tout prix ses contrats portant sur les Eurofighters (des chasseurs), des frégates françaises et des sous-marins allemands ? France et Allemagne insistent pour que la Grèce honore sa signature. Il n’y devrait pas avoir de mises à pied de militaires grecs, mais le gouvernement veut réduire les crédits des trois armes de 400 millions d’euros.

Samedi, un conseil des ministres a décrété qu’il n’y aurait plus de licenciements dans le secteur de la santé publique mais que la ligne budgétaire d’achats de médicaments sera réduite d’un milliard d’euros.

Le gouvernement suscite aussi des critiques tant internes qu’externes et internationales en raison du peu d’efficacité des mesures décrétées pour faire face à l’évasion fiscale. Elles ont été largement contournées, estiment les observateurs… Dans un entretien à paraître dans Der Spiegel, Jean-Claude Junker, de l’Eurogroupe, Premier ministre du Luxembourg, a dénoncé l’existence d’éléments corrompus « à tous les niveaux administratifs ». L’Eurogroupe, qui devait se réunir lundi prochain, a reporté cette concertation jusqu’à la conclusion d’un accord sur la Grèce. 

C’est le second plan de sauvetage de la Grèce. Le premier a servi à 80 % au remboursement des dettes externes, un cinquième seulement permettant de régler des arriérés de dettes d’État ou à payer les fonctionnaires. La presse allemande a parfois utilisé l’expression « les Boches paieront », mais les nations européennes sont plus rigoureuses avec la Grèce que l’était le traité de Versailles pour l’Allemagne. C’est notamment l’impression de Tim Worstalle, de l’Adam Smith Institute de Londres. Du second plan de sauvetage, estimé maintenant à 145 Mds € (au lieu des 130 envisagés voici peu), 30 milliards iront à la recapitalisation des banques grecques, pratiquement rien à la relance directe de la croissance.

Vendredi dernier, Nick Malkoutzis, du quotidien Ekathimerini, se demandait à haute voix si la Grèce ne gagnerait pas, finalement, à se déclarer en faillite. Problème : cette solution supposerait une classe politique profondément renouvelée, plus l’actuelle qui, elle, désespère la population.
Ce dimanche, Lucas Papademos rencontrera une nouvelle fois les chefs de file des trois partis qui soutiennent son gouvernement (Pasok, Nouvelle Démocratie, Laos). Bien qu’on ne puisse en présager, l’éventualité que la Grèce choisisse le « chaos » découlant d’un non aux conditions imposées par la troika ne peut être écarté.