Chers C4Niènes, chers C4Niens, je n’ai pu résister à l’envie de revenir sur la situation extrêmement comique créée par le deuxième épisode de la troisième saison de la grande crise du début du 21e siècle, une saga à rebondissement.

J’avais annoncé le crack en mai, il est venu fin juillet (j’étais sans doute impatient). Mais enfin, il est venu, merci à lui, nous allons enfin pouvoir commencer à rigoler.

Allez, un petit historique !!!

Je sais bien que nous connaissons tous l’histoire, mais ça me fait tellement rire de revenir sur les prédictions des devins qui nous dirigent… Je vous présente donc ci-dessous ma petite saga en 4 saisons (votez ! qui sait, mon roman verra peut-être le jour sous forme de série télé !).

Saison 1 : l’apogée

Episode 1 : Le soleil au zénith sur l’empire du soleil levant
Les quadragénaires Japonnais se souviennent sans doute avec nostalgie de ce fameux 29 décembre 1989, une n-ième séance consécutive de hausse à la bourse de Tokio au cours de laquelle l’indice Nikkéi atteindrait les 38 957,44 points (son plus haut historique). La fin d’un rush, la fin d’une époque.

Juste pour rire : L’indice Nikkéi est coté à 8719 points aujourd’hui.

Episode 2 : La fin de l’ennemi rouge !

Dans le même temps, l’union soviétique, l’ennemi de toujours, était bel et bien en train de s’effondrer, marquant l’avènement d’une ère nouvelle, au cours de laquelle le capitalisme libéral triompherait. Toujours plus de profits, toujours plus de dividendes… Privatisons, privatisons ! Mettons au travail ces fonctionnaires, ces fainéants, ces communistes !

Privatisée, une entreprise est plus rentable, ses salariés plus motivés, la productivité accrue. Tout le monde est donc gagnant. Consommateur, actionnaire, salarié qui trouve la joie par le travail.

Episode 3 : La révolution numérique

C’est l’époque où tous les pré-retraités s’engagent dans la grande croisade pour une économie numérique libérale offrant à chacun la possibilité d’entreprendre, de créer de l’emploi. Ils n’ont aucune connaissance en informatique, mais c’est l’expérience qui compte !

Un brillant économiste Américain, les larmes aux yeux prédisait même que, grâce à la nouvelle économie, il n’y aurait plus jamais de crise. La fondation Nobel lui a injustement refusé le lauréat d’économie. Monde injuste…

Les cotations en bourse des entreprises de télécom battent des records : Nescape (un navigateur internet aujourd’hui disparu) passe de 28 à 75$/action dans la journée de son introduction en bourse.

Rush des valeurs technologiques !

Dans les 8 premiers mois de l’année 2000, Alcatel-Lucent, grand fleuron de l’industrie Franco-Américaine, gagne plus de 100 %. Le titre atteindra même les 96 euros. A quelques lignes de résistances de la barre symbolique des 100€.

Juste pour rire : le titre est aujourd’hui coté 2,40€ à la bourse de Paris.
 

Saison 2 : Les premières difficultés

Episode 1 : Quand la Chine s’éveillera…

Les structures de communication facilitent les délocalisations. Mao est mort, la Chine s’est ouverte : un mail pour passer les commandes, et vous recevez, un mois plus tard, le fruit de la production pour 10 fois moins cher. Les Chinois sont certes moins bien formés, mais ils travaillent 15h par jour pour un bol de riz… et la joie de travailler, bien sûr !

Episode 2 : Pas si facile, le e-commerce

Une autre réalité va s’imposer à la nouvelle économie : internet n’est pas prêt. La technologie qui pourrait permettre l’explosion du e-commerce n’existe pas encore. Les connexions sont lentes, les débits ne permettent pas une navigation agréable, avec de jolies images, qui donneraient l’impression d’être dans son supermarché depuis son bureau pour y effectuer des achats.

Les systèmes de paiement ne sont pas sûrs, les consommateurs n’ont pas confiance. D’autant moins que les e-entrepreneurs n’ont pas la logistique pour livrer…

Les profits espérés ne viendront jamais.
Mais alors ??? Tous ces milliards ???
Perdus, mes pauvres amis. Oups ! J’avais mis toutes mes économies là-dedans… Adieu, la retraite dorée.

Eh oui ! Faire de l’argent avec de l’argent est un privilège réservé aux riches.

Les seniors expérimentés souhaitant "évoluer dans leur carrière professionnelle" (comprendre "faire plus de pognon") n’ont pas vu le vent venir. Il faut croire que l’expérience ne fait pas tout -à vrai dire, elle ne fait même pas grand-chose.

Et non ! On ne se nourrira pas avec des fils et des sites internet.

Episode 2bis : Un vrai lendemain de cuite.

Pour comprendre que ces investissements étaient voués à l’échec, il fallait s’intéresser aux outils technologiques disponibles aujourd’hui, anticiper les évolutions futures. Il fallait aussi analyser le problème du manque de confiance des consommateurs.

Peu l’ont fait. Ni les décideurs "indispensables". Ni les apprentis-entrepreneurs. Ni nos précieux seniors si expérimentés. Quand aux jeunes diplômés des écoles de commerce engagés dans l’aventure, ils ne savaient même pas ce qu’était un ordinateur.

Les entreprises font faillite en cascade, les cours en bourse des plus solides entreprises de télécom/internet/informatique voient leur cours en bourse divisé par 10. Pas si facile, la vie d’investisseur…

Néanmoins, la casse reste limitée. Seul le secteur des télécoms plonge, le reste résiste plus ou moins. Une crise comme les autres, donc ?

Nous l’aurions souhaité (mais avouez que c’eut été moins drôle).

 


Saison 3 : Le sursaut

Episode 1 : Vite ! Une autre bubulle !

L’éclatement de la bulle n’était, en soi, pas si catastrophique. Mis à part que quelques joueurs ruinés… Il y a néanmoins une question plus préoccupante : Sur quoi va-t-on spéculer désormais ?

Car il n’y a plus rien… Plus rien sur quoi parier, plus rien pour gagner de l’argent à rien faire, plus d’industrie à parasiter. On peut évidement délocaliser en Chine pour produire à 2€ des chaussures vendues 50, mais tout les monde connait la combine.

On peut aussi réaliser un montage financier pour créer la première bulle spéculative totalement artificielle de l’histoire (toutes les bulles précédentes avaient un secteur économique derrière).

Episode 2 : Libéralisons ! Vive l’Irlande ! Vive l’Espagne !

Pour que la bulle grossisse plus vite, il fallait évidement libéraliser. Pendant les années 2003-2007, les pays qui ont le plus libéralisé -ceux qui profitent le mieux de la crise aujourd’hui- connaissaient les plus fort taux de croissance…

D’autres brillants économistes ont cité ces pays en modèle : L’Espagne est un modèle à suivre. L’Irlande, c’est l’avenir.

Ces paroles historiques ont été prononcés par des hommes qui, eux aussi, se sont injustement vu refuser les prix Nobel d’économie.
Vous en souvenez-vous ? On vous avait dit qu’il fallait suivre l’exemple de l’Irlande (certains y ont cru).

 

Saison 4 : Ce qui devait arriver…

Episode 1 : La crise bancaire

Evidement, à force de spéculer sur des bouts de papier sans valeur, il arrive toujours un moment où les plus malins se rendent compte qu’il faut prendre les bénéfices au premier signe de problème, car l’effondrement peut être rapide par la suite.

Le "signe de problème" était en l’occurrence la sous-évaluation -volontaire- du risque de défaut de paiement des ménages américains. Les subprimes deviennent subitement des actifs pourris alors qu’ils étaient considérés comme sûrs. Naturellement, toutes les banques qui en détiennent perdent des milliards.

Juste pour rire : Qu’est-ce qu’un subprime ?

Bonne question qu’aucun média n’a jugé bon de soulever, mais moi, je trouve ça intéressant.

Un suprime est un produit dérivé sur la dette des ménages à faible revenu. Concrètement, une banque prête 100000$ à 1000 chômeurs au taux variable de 8% (n’oubliez surtout pas que le taux est variable, sinon, la fin n’est pas drôle). Elle doit donc sortir 100 millions de dollars -qu’elle n’a pas. Que fait-elle donc ? Elle titrise. C’est-à-dire qu’elle émet 10 millions de titres vendus 11$ sur les marchés (faut bien prendre une petite marge). Les acheteurs de ses titres achètent le droit de récupérer l’argent issu du remboursement des ménages…
Et c’est là que ça devient marrant : il faut bien évidement que les ménages remboursent (sinon, l’acheteur s’assoit sur son argent). Acheter ou vendre ce type d’actif (car bien sûr, on peut spéculer dessus), c’est donc parier sur la capacité ou non des ménages à rembourser (il est évident que, sur nos 1000 chômeurs, certains vont payer, d’autres pas. On parie donc sur le ratio payeurs/non payeurs).
Tant que l’immobilier monte, vous pouvez toujours vous rembourser en saisissant la baraque. Le risque est donc faible.
Seulement, à l’été 2007, l’immobilier est redescendu et les taux d’intérêt ont monté (on prête à taux variable, je vous rappelle) ; ça devait bien arriver un jour me direz-vous.
Vous comprenez bien le problème : non seulement nos chômeurs ne pouvaient plus payer car l’augmentation des taux d’intérêt a fait monter leurs mensualités, mais en plus, on ne pouvait plus se rembourser en saisissant leur baraque car l’immobilier était en baisse.

La suite on la connait tous : effondrement de la bourse, de la croissance, explosion du chômage…

Episode 2 : Le héros (inter)nationnal

La situation semble désespérée. Les valeurs s’effondrent. Rien n’arrête la chute. Faillite de Lehman Brother aux USA, banques en difficultés partout en Europe…

Pour la première fois depuis 1929, le capitalisme libéral est directement menacé d’effondrement. La situation semble désespérée. C’est alors que, à la tête de sa fière armée de ministres, chefs d’états, banquiers, "économistes", chefs d’entreprises, surgit de nulle part, un Napoléon des temps modernes, un chevalier de l’économie. Fier, du haut de ses talonettes, il remuera ciel et terre pour sauver les banques et l’épargne des citoyens.

En quelques mois de combat acharné, il va redresser les banques (en rachetant leurs subprimes à bon prix et en leur prêtant de l’argent pour spéculer), rassurer les marchés, et lancer un grand plan de moralisation du capitalisme.

Il va financer ce plan Marshall d’une manière simple et astucieuse : "laisser filer les déficits" (vous êtes sûr que ça ne vous rappelle rien ?)

Episode 3 : Le plus dur est derrière nous…

Enfin, la bourse est repartie à la hausse, les gouvernements annoncent une année 2011 "de forte croissance". La ministre Française de l’économie et des finances, prononce pour l’occasion ces nouvelles paroles historiques : "Le plus fort de la crise est derrière nous !".

Pourtant championne de natation, elle n’empêchera pas la bourse de couler. Elle n’aura pas non plus droit au prix Nobel, mais son propos visionnaire sera récompensé par le prestigieux poste de directeur du FMI.

Nous en arrivons au soir du jeudi 21 juillet 2011, le Titanic fait route vers l’est, sûr de voguer vers un avenir meilleur…

Episode 4 : Rien ne va plus.

Au matin du vendredi 22 juillet 2011, les fantômes de la dette souveraine ressurgissent. La menace d’un défaut de paiement américain survient. La menace n’est que théorique (j’estime que les réserves de cash Américaines auraient permi à l’état de rester solvable au moins 15 jours après la date fatidique du 4 aout), mais les marchés prennent conscience de la précarité de la situation.
Mais, oh surprise ! Accord aux USA le 30 juillet !

Cela n’empêchera pas S&P d’enlever le précieux AAA aux USA (voir mon article sur les agences de notations pour comprendre l’impact de cette dégradation), ni les marchés de paniquer ni les spéculateurs d’attaquer la Grèce que la zone euro tarde à défendre.

Les places boursières mondiales s’effondrent même plus vite qu’en 2008 à cause des faibles volumes dus à la période estivale.

Certaines cotations arrivent à leur seuil de suspension baisse (interruption des cotations pour cause de variation trop rapide des cours, mesure servant normalement à limiter la volatilité des cours).

Devant cette situation catastrophique, la banque centrale Européenne place la Grèce, l’Espagne et l’Italie sous perfusion. Concrètement, elle imprime des billets pour leur prêter de l’argent. Des dizaines de milliards d’euros sont imprimmés en quelques semaines pour éponger les émissions d’obligations. Les marchés se stabilisent quelques jours (évidement, quand vous ballancez 10 milliards d’options d’achat dans la journée, la bourse remonte), puis repartent à la baisse. Parce les spéculateurs savent que la BCE ne peut continuer à imprimer autant de billets, sous peine d’hyper-inflation.
Rumeurs de faillites bancaires, incapacité totale des politiques à prendre des décisions et à communiquer… La panique s’installe.

On organise de "grands sommets" en Europe, les uns voulant aider les autres, les autres ne voulant pas. Aucune stratégie économique ne sort de ce fouillis. Rumeurs d’émission d’euros-obligations, rumeurs de taxes sur les transactions financières…

Si la menace d’une faillite bancaire en cascade est écartée à court terme, le risque n’en demeure pas moins réel à 6 mois-un an (soit dit en passant, si vous avez du pognon à la société générale, allez le mettre ailleurs. N’étant pas devin, je ne peux pas vous assurer que cette banque va couler, mais il y a moins de risques chez la BNP ou Natixis).

Sauf que maintenant, les états n’ont plus de pognon pour recaver les joueurs et racheter leurs actifs pourris.
Ah si : la Grèce a des îles. La France détient environ 1000 milliards d’actions (EDF, France Télécom, Française des jeux…) plus un énorme patrimoine (poste, SNCF, tribunaux, commissariats, écoles, des milliers de km de plages…). Au moins 2 ou 3000 milliards.

La Grèce a commencé à vendre ses îles, avec pour conséquence l’effondrement du tourisme à court terme, principale source de rentrée d’argent du pays (quel est l’intérêt d’aller en Grèce si chaque île est propriété privée ???). Dans deux ans, même problème de trésorerie, mais sans îles à vendre pour recaver…

La France a un peu plus de temps devant elle (sauf effondrement de l’immobilier, ce à quoi je ne crois pas trop pour l’instant, mais je ne suis vraiment pas sûr de moi sur ce point).

Saison 5 : Bientôt sur vos écrans !

Résumé en avant-première : Les états vont très certainement parvenir à stabiliser la situation, au moins provisoirement. Le CAC40 ne devrait pas descendre sous les 2700 points. Avec un bon plan de rigueur, quelques privatisations, suivi d’un plan de relance, nous devrions parvenir à un équilibre budgétaire précaire et une croissance comprise entre -0,5 et 1% par an. Les USA limiteront la casse sur le papier grâce à leur consommation intérieure gargantuesque. Jusqu’à ce que les problèmes de société reprennent le dessus.

Naturellement, cette solution n’est pas définitive, loin s’en faut : aux nouvelles bulles spéculatives succèderont des crises financières nous emmenant toujours plus bas, jusqu’à la banqueroute des états. Le chômage continuera à progresser jusqu’à atteindre les 30 ou 40% à la suite de quoi, les populations seront réellement au pied du mur.

La Chine, trop dépendante des exportations, connaîtra un sérieux ralentissement, jusqu’à ce qu’elle soit parvenue à manoeuvrer pour faire progresser la consommation intérieure -si elle y parvient.
Les autres pays émmergents -Inde, Brésil et les plus petits, comme la Thailande, le Viet-Nam- qui ont eu l’intelligence de développer leur marché intérieur s’en sortiront mieux.

 

 

Il est évident que les brillants ingénieurs financiers continueront à émettre des produits dérivés toujours plus ingénieux. Saviez-vous que l’on pouvait parier sur la météo ? On appelle ça les "obligations catastrophes" : vous achetez un titre, votre argent va alimenter un fond. Si il y a une tempête, le fond est utilisé pour verser des indemnités à l’entreprise qui en est victime. Votre obligation perd donc tout ou une partie de sa valeur. Si il n’y a pas de tempête avant une date d’échéance, vous êtes remboursé avec des intérêts.

Bien sûr, entretemps, l’argent est utilisé pour spéculer.

On ne peut pas encore parier sur le nombre de morts de la famine en Somalie, mais je suis sûr que ça va venir (ils vont bien nous inventer ça !).

 

Maintenant, dîtes-moi : qu’en pensez-vous ?

Ce n’est pas beau, l’économie ?

Surtout, n’hésitez pas à expliquer autour de vous comment fonctionnent les marchés. N’hésitez pas non plus à vérifier les informations exposées ici (il arrive parfois que les gens ne me croient pas, ils jugent sans doute la réalité trop invraisemblable).