Alors qu’Haïti vient de subir l’une des catastrophes naturelles les plus importantes de ces dernières années, on oublie trop souvent que ce pays de la Caraïbe fut le premier territoire à s’extraire du giron colonial français. L’un des instigateurs de la révolte Haïtienne fut un ancien général de Napoléon, Toussaint Louverture, aujourd’hui oublié du grand public comme la plupart des déboires coloniaux de la France. Un film retraçant sa vie devrait sortir au cours de l’année 2010.
Toussaint, c’est le nom du film qu’on devrait pouvoir aller voir dans les salles obscures américaines dans le courant de l’année. L’idée de réaliser un film sur le révolutionnaire Haïtien germait depuis plusieurs années dans l’esprit de l’acteur américain Danny Glover, alias Roger Murtaugh, l’équipier de Mel Gibson dans la saga L’arme fatale, lorsque le dirigeant du Vénézuela Hugo Chavez lui proposa de financer une partie du projet, nous étions en 2007.
Le chef de l’État Vénézuelien, connu pour ses prises de position anti-américaines, avait créé en 2006 la société de production à capitaux publics Villa del Cine afin de « combattre la dictature cinématographique de Hollywood ». Selon le magazine spécialisé Variety, la société publique Vénézuelienne financerait dix-huit des trente millions de dollars nécessaires à la réalisation du film. M. Glover a ainsi trouvé avec la proposition de Chavez un soutien qu’il aurait certainement eu du mal à obtenir en Californie.
Il expliquait en effet à l’Agence France Presse au cours d’une visite à Paris en 2007, « Vous ne pouvez vous imaginer la quantité de producteurs que j’ai vu, aux États-Unis et en Europe. Ils me disaient tous « C’est un projet magnifique! » et juste après, « C’est un film de noirs? » .»
Il ajouta, « Tout le monde pense qu’un film sans héros blanc ne marchera jamais en Europe ou au Japon ».
Tourné au Venezuela, peu d’informations ont pour l’instant filtré sur le contenu du film en lui-même sinon que, selon le site Allociné, Don Cheadle devrait tenir le rôle de Toussaint Louverture.
La programmation de sortie au cinéma en France n’a pas encore été arrêtée mais on peut s’étonner qu’aucun réalisateur ou producteur de l’Hexagone ne se soit intéressé à l’histoire de Toussaint Louverture, pourtant directement liée à celle de notre pays. Louverture s’est distingué dès l’année 1793 en se présentant comme le leader de la révolution pour l’indépendance de Saint Domingue et pour l’égalité entre blancs et noirs. Toutefois, en mai 1794, il fait volte-face et rejoint les rangs de la République. En un an, il repousse ses anciens alliés Espagnols aux frontières orientales de l’île. Plus tard, il sera nommé lieutenant général de l’île et général de division par le Directoire. Louverture possède alors une popularité très forte auprès des habitants de Haiti à qui il a fait connaître l’égalité et la liberté. Toussaint Louverture a le vent en poupe et il proclame, le 9 mai 1801, une constitution autonomiste qui lui donne les pleins pouvoirs à vie. Napoléon, inquiet de perdre une colonie très rentable, envoya alors des troupes sur l’île qui reprirent le contrôle de la situation. Fin mai 1802, Louverture est arrêté et conduit en France, dans le Doubs plus précisément, pour être enfermé au Fort de Joux. Il meurt le 7 avril 1803 d’une pneumonie. Cependant de l’autre côté de l’Atlantique, la révolte contre les Français continue et le 1er mai 1804, Haïti devient le premier État noir indépendant comme il a été le premier à appliquer les droits de l’homme.
De productions cinématographiques sur cet homme, il n’y en a pas ou peu. On trouve, il est vrai, un documentaire de 58 minutes réalisé par Claude Moreau en 1989.
La décolonisation est en fait relativement absente de la culture française comme si on avait voulu effacer cette période de l’histoire. Invité de l’émission de Frédéric Taddei Ce soir ou jamais lundi 18 janvier, l’historien Pascal Blanchard précisait d’ailleurs, « Il y a dix-sept musées du sabot en France mais pas un seul consacré à la décolonisation ». A l’inverse, les Britanniques, qui ont eux aussi un héritage colonial, semblent s’en être mieux accommoder. Ainsi, la Perfide Albion possède The British Empire and Commonwealth Museum tenant place jusqu’à présent à Bristol et qui va bientôt être déplacé vers Londres. Quant aux Américains, qui ont certainement connu une histoire au moins aussi chaotique avec la ségrégation, un projet est en cours. En effet, les travaux du National Museum of African American History and Culture devraient débuter, à Washington, au cours de l’année 2012. En attendant un musée virtuel existe sur le net (nmaahc.si.edu).
Toutefois, dans l’Hexagone, un film a brisé ce manque, cet ordre établi. Ce film, c’est Indigènes. Réalisé par Rachid Bouchareb, il a fait, à sa sortie en 2006, figure de grosse production du cinéma français avec un budget de 14,4 millions d’euros. En plus de la satisfaction d’un tel budget, le film a été récompensé par le César du meilleur scénario en 2007. Indigènes se distingua aussi à Cannes en 2006 où le prix d’interprétation masculine fut attribué collectivement à cinq acteurs du film, Sami Bouajila, Jamel Debbouze, Sami Naceri, Roschdy Zem et Bernard Blancan.
S’il fallait une preuve du poids que peut avoir la culture, il suffit de signaler que le jour de la sortie en salles du film, le 27 septembre 2006, le gouvernement français a annoncé que les 80 000 soldats de l’ex-Empire colonial encore en vie percevraient les mêmes indemnités que leurs camarades français.
J’avais traité des vétérans des troupes coloniales dans Jeune Afrique…
Voir aussi, sur Haïti,
[url]http://www.come4news.com/haiti-le-choc-des-photos-972169[/url]
Histoire de confronter des approches culturelles
Un oubli de taille dans la partie de l’article sur l’histoire de Toussaint-Louverture. Napoléon voulait tout simplement rétablir l’esclavage à St Domingue et devait promulguer des lois raciales en France. Toussaint-Louverture prit la tête de la révolte qui infligea par la suite, une cuisante défaite aux troupes du général Leclerc. Toussaint est mort après deux ans de captivité d’une pneumonie liée aux mauvais traitements reçus en prison.
Merci pour ces précisions jgrondin, je n’étais pas au courant du fait de l’esclavage par contre Toussaint Louverture a été emprisonné au Fort de Joux le 25 août 1802 et est décédé des suites d’une pneumonie le 7 avril 1803. Pour ce qui est des mauvais traitements, je me suis renseigné sur internet et il semble que sa cellule était assez confortable, on peut d’ailleurs encore visiter cette dernière aujourd’hui.