En période de crise, les entreprises se mettent à licencier leurs travailleurs et le chômage augmente. 

Quant au soutien des chômeurs par l’Etat, s’il a l’avantage de libérer les entreprises privées du fardeau salarial, il équivaut à une relégation, sur le plan social, du travailleur qui a perdu son emploi, ainsi qu’à une charge supplémentaire pour l’Etat.  

Mais la question n’est pas là, puisqu’à toutes les époques, depuis la révolution industrielle en Angleterre, il exista des crises économiques et la montée concomitante du chômage durant ces périodes.

 

La grande affaire, en l’occurence, fut l’introduction du néolibéralisme dans tout le monde capitaliste, durant les années 1980-1990, à l’initiative d’abord de Ronald Reagan, et ensuite de Margaret Thatcher.

C’est ainsi que des entreprises du service public (chemin de fer, Poste, ect), qui, par définition, travaillaient jusque là sous la tutelle de l’Etat avec des missions de service public clairement définies, et qui, en raison même de ces missions, faisaient des pertes une fois leur rentabilité mesurée selon des critères valables pour les entreprises privées, furent privatisées et dégraissées de leurs effectifs.

Quand aux entreprises privées elles-mêmes, pour faire un maximum de profit, elles tireront parti de l’ouverture des frontières à la circulation des capitaux, pour délocaliser leurs activités de production à l’étranger, plus précisément vers les pays à bas salaires.

Ou alors, pour éviter cela, ou partiellement cela, ces mêmes entreprises (comme ce fut le cas, récemment, en Allemagne ; à l’exemple de VW ou d’Opel), vont accepter, à la demande des syndicats, de garder leurs anciens sites de production à condition que les salaires soient abaissés.

Et si les  politiques néolibérales nouvellement instaurées par les gouvernements entraîneront partout la flexibilisation du marché du travail, la manière de la gérer sera différente d’un pays à l’autre (voir à cet égard l’article de M. Lionel Gastine intitulé "La flexibilité du travail: pourquoi?" et publié par Millénaire, le Centre Ressources Prospectives du Grand Lyon).

 

Ainsi, selon cet article,  les pays scandinaves et la Hollande adopteront tout un programme permettant à la fois aux entreprises de licencier, le plus rapidement et sans dommage, leurs travailleurs en cas de crise,  et à ces mêmes travailleurs, une fois devenus chômeurs, de percevoir de fort indemnités de chômage et de retrouver un emploi, ou bien rapidement, ou bien à terme grâce à des soutiens en matière de formation et de reconversion professionnelle.

A l’inverse, dans des pays comme l’Allemagne (qui se ralliera par la suite à la politique susmentionnée), la France et les autres pays de l’Europe continentale, la protection de l’emploi, assise, en l’occurrence, sur des accords paritaires entre les entreprises et les comités de travailleurs ou les syndicats, s’accompagnera d’un fort taux de chômage en raison des rigidités associés à un tel système.

Quant aux pays anglo-saxons, ils miseront sur une complète dérégulation, permettant aux entreprises de licencier ou d’engager des travailleurs sans restriction, lesquels, une fois chômeurs, devront, pour percevoir leurs indemnités de chômage, accepter n’importer quel travail –  comme le souligne Jef le Tombeur, qui a étudié le sujet à fond, dans l’un de ses articles –  en quoi le système anglais ressemblera à celui des workhouses du 18ème siècle.

En résumé, si l’Allemagne et les autres pays du Nord perpétuèrent, dans l’approche et le traitement du problème du chômage, une tradition fondée sur le consensus et la négociation entre partenaires sociaux, les méthodes adoptées par les pays anglo-saxons furent beaucoup plus brutales.

Ce  changement de calibrage s’explique, dans le cas du Royaume Uni, par le fait que Margaret Thatcher ne fit pas dans la dentelle au moment de briser le syndicat des mineurs, premier du pays, dirigé alors par Arthur Scargill, figure emblématique de la classe ouvrière, anglaise; cette Dame Thatcher qui montra également toute sa poigne – en l’occurrence, au nom et pour le compte d’une classe de financiers spéculateurs incarné par son propre mari,  Denis Thatcher – au moment de  privatiser quantité d’entreprises publiques afin de les rendre plus rentables.

Or pareille rentabilité reposa, on s’en doute, sur un affaiblissement de la condition des travailleurs anglais et la baisse concomitante de leur salaire pour le même temps de travail.

 

Le côté positif de cette affaire, consista, pour l’Angleterre, plus précisément pour une partie d’entre elle, dans le fait que la cité de Londres attira – grâce à la City et à la richesse des nouveaux riches qui feront fortune dans tel ou tel métier de la finance – quantité de nouveaux commerces sur son territoire (pubs, discos, restaurants, clubs, boutiques de mode, galeries d’art moderne, etc), commerces qui feront de Londres la cité la plus cosmopolitique du continent européen, et dont certains seront gérés par des étrangers.

 

Voilà pour le côté cour. Côté jardin en revanche, des régions entières du nord et de l’ouest de l’Angleterre, qui jusque là travaillaient pour le secteur minier ou les industries adjacentes, seront en état de sous-développement, avec, en corrolaire, une population vivant dans la misère.

Au total, donc, l’Angleterre va se diviser en deux, avec, schématiquement parlant,  un sud du pays qui connaîtra un boom économique important grâce aux profits issus des activités de la City, et un nord (ou nord-ouest) du pays qui mettra plusieurs années à se relever de la politique ultra-libérale mise en oeuvre par Mme Thatcher.

Quant aux autres Européens, les réformes apportées en Angleterre par "Maggie" intéresseront les socialistes en personne, à commencer par le Chancelier Schroeder en Allemagne.

Reste à préciser que le mouvement néolibéral partit des Etats-Unis, à l’époque sous la présidence de Ronald Reegan.

Et parce deux pays phares, les Etats-Unis et l’Angleterre, venaient de basculer dans le néolibéralisme pur et dur, tous les autres seront obligés de suivre, chacun à son rythme, y compris la France chère à Francois Mitterand, puisqu’à l’époque du gouvernement socialiste, quantité d’entreprises, autrefois sous  la tutelle de l’Etat, seront  privatisées.

Et là se situe le décalage entre le poids des mots et le poids des faits : ces mêmes socialistes qui avaient cru au miroir aux alouettes lorsque François Mitterrand devint le premier président socialiste de l’époque moderne, durent déchanter quand Pierre Maurois fut remplacé comme premier ministre, et quand le nouveau gouvernement décida de réduire les déficits publics en train d’augmenter.

 

Et si les gouvernements de gauche endetteront moins la France que ceux de droite, ils privatiseront autant qu’eux un secteur public qui va devenir la vache à lait de tout ce joli monde, en permettant aux responsables de la privatisation d’encaisser, en sous-main, de juteuses commissions, et en permettant également au parti socialiste de vivre, grâce à cette manne bienvenue, sur le même pied que l’UMP actuel, ces deux grands partis se remplissant, à tour de rôle, les poches lors de chaque nouvelle opération de privatisation.

Quant à l’avenir des gens, en France comme ailleurs, il va dépendre, ces prochaines années, de savoir si le néolibéralisme va continuer sur sa lancée ou non. 

En cas de réponse positive, il va se constituer, dans les pays concernés, une société a deux vitesses, fondées, l’une, sur des entreprises compétitives, car innovatrices sur le plan technologique et très avancées en terme de productivité et de compétitivité, et, l’autre sur la misère de tous les laissés pour compte de la prospérité, eux qui  ne recevront plus rien d’un Etat qui, à force d’avoir été privatisé dans tous ses secteurs, et à force d’avoir laissé les riches éluder l’impôt, n’aura plus rien à donner aux pauvres.

Ceux-là seront enrôlés de force dans les nouveaux workhouses conçus pour eux par les nouveaux maîtres, comme ce fut le cas des travailleurs anglais à l’aube de la révolution industrielle.