L’appel à la délation, et ce quelle qu’en soit la forme, commence à se multiplier désormais. Le danger est immense, puisque la banalisation serait le pire de tous les maux.
Souvenez – vous, il y a quelques semaines, je dénonçais l’attitude coupable du gouvernement britannique, qui avait, après des émeutes violentes, appelé ses citoyens à la délation pure et simple. On demandait aux citoyens britanniques de dénoncer les coupables (on oubliait alors bien vite la présomption d’innocence) des dégradations ou des violences perpétrées. A l’époque, la question divisait la société. Je continue à croire, qu’on ne doit pas choisir entre deux maux.
Aujourd’hui, le problème ressurgit en France cette fois – ci, et c’est dans la continuité de ces faits. J’appelle donc ceux et celles, confondant justice et règlement de compte à méditer cette histoire. Il y a quelques semaines, notre ministre de l’Intérieur a saisi la justice, après qu’un site ait publié le nom et les photos de policiers. C’est du même genre de délation, dont il s’agit.
Libre aux internautes ensuite de vilipender les représentants de l’ordre, au seul prétexte de leur profession. On se rend compte du danger, même si on entend, ici et là, des complaintes, expliquant que c’est un métier à risques, et que les policiers l’ont choisi délibérément. Cela n’explique pas tout bien au contraire. C’est, à mon sens, une absurdité totale de livrer ainsi à la vindicte populaire une profession entière.
Aujourd’hui, une nouvelle affaire fait parler d’elle (même si on n’en prend pas, à mon avis, la pleine mesure). Une émission, diffusée sur France 2 le 06 octobre dernier, présentait les méthodes de recrutement (les méthodes, je vous l’accorde, sont totalement condamnables) d’un cabinet de recrutement, agissant pour le compte d’une société d’assurances.
On y voyait alors des recruteurs harceler, voire torturer (mentalement bien évidemment), des candidats potentiels. Les méthodes sont ignobles, et on peut condamner le système en s’insurgeant contre. Comme la délation est à la mode, un site a été créé avec les photos de ces recruteurs, mais aussi leur numéro de téléphone ainsi que leurs adresses personnelles. Le site, sans appeler à de quelconques violences, invitent les Internautes à aller « dire leur 4 vérités » à ces individus.
Prend – on confiance de la gravité d’une telle décision ? Que se passera – t – il, si un candidat humilié et éconduit, se rend au domicile de ces recruteurs, et n’y trouve que l’épouse de ce dernier ? Trouvera – t – on normal alors le déchainement de violences, qui pourrait survenir ? Quand bien même, le candidat malheureux tomberait sur son tortionnaire. Serait-il en droit de calmer sa colère par des gestes répréhensibles ? Les insultes adressées aux enfants seraient – elles permises, au prétexte qu’il s’agit d’une vengeance ?
Tout est ainsi lié, et on ne peut pas prendre de telles dénonciations à la légère. Si on accepte une seule invitation (ou même une simple incitation) à la délation, les portes de la déchéance sont alors grandes ouvertes.
Je dénonce cet article comme une très bonne délation de l’état d’esprit contemporain.