La Charte déontologique des journalistes français, amendée récemment par le Syndicat national des journalistes, fut la toute première manifestation publique de ce syndicat, voici 93 ans. Pratiquement tous les journalistes français s’y réfèrent, qu’ils soient ou non syndiqués, au SNJ ou ailleurs. Puissions-nous nous en inspirer dans notre pratique, ici même…

La Charte d’éthique professionnelle des journalistes (Syndicat national des journalistes, 1918/38/2011) n’engage bien sûr que les adhérents de ce syndicat parmi d’autres, mais elle est généralement concertée avec diverses instances de la profession, et sert de référence à tous les journalistes français (et au-delà de nos frontières), notamment dans les rapports avec les éditeurs de presse, les instances judiciaires, les forces de police, &c. Ce qui suit est la dernière version de la Charte de déontologie, fondatrice de la profession, adoptée par le Comité national en mars 2011, à l’occasion du quatre-vingt-treizième anniversaire du SNJ.

Le droit du public à une information de qualité, complète, libre, indépendante et pluraliste, rappelé dans la Déclaration des droits de l’homme et la Constitution française, guide le journaliste dans l’exercice de sa mission. Cette responsabilité vis-à-vis du citoyen prime sur toute autre.
Ces principes et les règles éthiques ci-après engagent chaque journaliste, quelles que soient sa fonction, sa responsabilité au sein de la chaîne éditoriale et la forme de presse dans laquelle il exerce.
Cependant, la responsabilité du journaliste ne peut être confondue avec celle de l’éditeur, ni dispenser ce dernier de ses propres obligations.
Le journalisme consiste à rechercher, vérifier, situer dans son contexte, hiérarchiser, mettre en forme, commenter et publier une information de qualité ; il ne peut se confondre avec la communication. Son exercice demande du temps et des moyens, quel que soit le support. Il ne peut y avoir de respect des règles déontologiques sans mise en œuvre des conditions d’exercice qu’elles nécessitent.
La notion d’urgence dans la diffusion d’une information ou d’exclusivité ne doit pas l’emporter sur le sérieux de l’enquête et la vérification des sources.
La sécurité matérielle et morale est la base de l’indépendance du journaliste. Elle doit être assurée, quel que soit le contrat de travail qui le lie à l’entreprise.
L’exercice du métier à la pige bénéficie des mêmes garanties que celles dont disposent les journalistes mensualisés.
Le journaliste ne peut être contraint à accomplir un acte ou exprimer une opinion contraire à sa conviction ou sa conscience professionnelle, ni aux principes et règles de cette charte.
Le journaliste accomplit tous les actes de sa profession (enquête, investigations, prise d’images et de sons, etc.) librement, a accès à toutes les sources d’information concernant les faits qui conditionnent la vie publique et voit la protection du secret de ses sources garantie.

C’est dans ces conditions qu’un journaliste digne de ce nom :
• Prend la responsabilité de toutes ses productions professionnelles, mêmes anonymes ;
• Respecte la dignité des personnes et la présomption d’innocence ;
• Tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité , pour les piliers de l’action journalistique  ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles  ;
• Exerce la plus grande vigilance avant de diffuser des informations d’où qu’elles viennent ;
• Dispose d’un droit de suite, qui est aussi un devoir, sur les informations qu’il diffuse et fait en sorte de rectifier rapidement toute information diffusée qui se révèlerait inexacte ;
• N’accepte en matière de déontologie et d’honneur professionnel que la juridiction de ses pairs ; répond devant la justice des délits prévus par la loi ;
• Défend la liberté d’expression, d’opinion, de l’information, du commentaire et de la critique ;
• Proscrit tout moyen déloyal et vénal pour obtenir une information. Dans le cas où sa sécurité, celle de ses sources ou la gravité des faits l’obligent à taire sa qualité de journaliste, il prévient sa hiérarchie et en donne dès que possible explication au public ;
• Ne touche pas d’argent dans un service public, une institution ou une entreprise privée où sa qualité de journaliste, ses influences, ses relations seraient susceptibles d’être exploitées ;
• N’use pas de la liberté de la presse dans une intention intéressée ;
• Refuse et combat, comme contraire à son éthique professionnelle, toute confusion entre journalisme et communication  ;
• Cite les confrères dont il utilise le travail, ne commet aucun plagiat ;
• Ne sollicite pas la place d’un confrère en offrant de travailler à des conditions inférieures ;
• Garde le secret professionnel et protège les sources de ses informations  ;
• Ne confond pas son rôle avec celui du policier ou du juge. 

Bien d’autres chartes et textes existent, mais on peut, et doit, dans la mesure où on le peut, transposer ces principes dans la pratique, notamment celle des sites d’information citoyenne. Je dois me replonger dans la jurisprudence de la Cour de cassation en vue d’un autre article (histoire, notamment, incidemment, pour répondre à un commentaire évoquant « le niveau des journaleux [qui] pose un problème d’information »), et je n’irais pas consulter la version initiale de la Charte du SNJ, faute de temps, du moins dans un premier instant. Il me semble évident, de mémoire, que les ajouts tiennent compte d’une part des évolutions des relations entre patrons de presse et journalistes (dont les pigistes), d’autre part de certaines pratiques parfois imposées par ces mêmes patrons (rémunération des informateurs, pillage généralisé d’informations non sourcées, problème d’accès aux sources car, parfois, la meilleure manière de se faire balader, c’est de se présenter en tant que journaliste, ce qui fait que, dans la course à l’exclusivité, on risque de se faire brûler : s’il faut attendre que le dircom’ revienne de vacances ou de son parcours de golf, qu’il réunisse un comité pour vous répondre, cela peut durer une bonne semaine…).

Ce qui précède pose un problème pour celles et ceux qui contribuent à Come4News. Non seulement nous ne disposons pas toujours de tous les moyens souhaitables pour recouper les informations, mais C4N n’a pas non plus d’obligation de nous les fournir. Mais nous nous devons de nous efforcer à ne pas partir bille en tête à la reprise de bobards. Par ailleurs, si nous faisons des « ménages » (par exemple, bénévolement ou non, en mettant en avant des commerces et des produits, en rubrique « coup de cœur » par exemple), soit de la communication, efforçons-nous au moins de rester factuels. C’est à chacun, en conscience, de se déterminer. En tout cas, à mes yeux, la formulation de cette charte me semble tout à fait convenable, à cela près que j’estime qu’il ne serait pas mauvais d’évoquer le doute préalable que tout journaliste devrait nourrir, d’abord sur ses propres convictions.

Voir aussi la présentation qu’Alain Girard, secrétaire national du SNJ, en fait sur le site du SNJ.