Je reçois une amie, Catherine, qui me fait la surprise et me vient tout droit de Seignosse , charmante ville du Sud Ouest de la France .Elle se fait plaisir et vient donc passer une semaine au Maroc .Elle souhaite visiter la grande mosquée de Casa , voir les Habous , ancien quartier du protectorat qui garde le souvenir vivant de quelques ruelles , places publiques , palais royal et échoppes qui enchantent tant les amoureux du Maroc , et pourquoi pas aussi ,à ma grande surprise, une petite visite aux mausolées de quelques  saints du pays .

 

Catherine m’explique qu’elle a toujours voulu découvrir non pas la ville de Fès qu’ elle a dû visité auparavant ,  mais bien plutôt les environs , Moulay Yacoub , Sidi Harazem ……Ce que femme veut… ,deux jours plus tard ,c’est parti pour le royaume de Volubilis .

 

Quelques heures de route et on se retrouve proche de Sidi Harazem 30 km de Fés à l’Est , une oasis célèbre depuis le XVIème siècle pour sa source d’eau minérale . Cette eau minérale est réputée posséder des vertus curatives pour les maladies du foie et des reins. Nombreux sont les curistes qui viennent boire l’eau salvatrice tout en priant, Sidi Harazem, le Saint Patron des Sources. Il s’agit d’une eau plate bicarbonatée magnésienne et peu minéralisée.

 

On arrive dans un douar Sidi Skhinat . juste à quelques mètres de l’entrée du village , au sommet de la première  ruelle à droite ,  se trouve une queue de gens qui attendent impatiemment leur tour de rôle devant une petite porte en bois  .Il n’y a pas de mystère .Une jeune femme s’approche et explique qu’il s’agit de Lalla Khadija qui a la baraka de ses ancêtres , notamment de Moulay Abdsalam Benmchich,  père du soufisme maghrébin .

Elle a la réputation de guérir certaines maladies .Catherine manifeste sa curiosité et explique qu’elle soupçonne un début de rhumatisme sur le bas du dos .On lui précise, contre toute attente , que seuls les musulmans sont reçus par Lalla Khadija. Aprés un bref dialogue , le mot passe et l’on accepte de la consulter .

A peine entrée dans une pièce sombre , parfumée d’encens de bois de santal que Catherine est courtoisement saluée , écoutée avec attention puis traitée  selon les rites de la cautérisation ( autorisée par l’islam ) spécifique à  cette fameuse  guérisseuse du village .

Comment  procéde – elle ? Elle brûle un long poignard qu’elle applique ensuite sur la plante de ses propres pieds ou la paume de ses mains bénies par la providence  .Puis elle pose ces derniers à l’endroit où la douleur se manifeste , sur le bas du dos en l’occurrence .Plus tard Catherine ,  me dira qu’elle pensait sentir la brûlure d’un métal incandescent sur sa peau .Tellement c’est brûlant .Il faut dire que les nombreux témoignages du village , attestant de l’ efficacité thérapeutique , ont joué apparemment un rôle immédiat dans sa prise de décision .

Avec modestie elle accepte ce qu’on lui donne et fait une prière en guise d’au revoir .Bref , tout s’est déroulé dans une ambiance feutrée , silencieuse et admirablement orchestrée par les gestes de la maitresse des lieux .

Un soleil radieux accueille notre sortie du village .Après toute les étapes prévues par le voyage et suivant son cours normal , le périple se termine par une dernière halte au mausolée du saint Moulay Idriss  (fondateur de la cité de Fès)  situé dans l’ancienne médina  qui plonge ses racines dans un passé millénaire . Elle arbore avec fierté aussi le statut de « capitale spirituelle ». Aujourd’hui, elle  rattrape son glorieux passé qui a toujours fait son authenticité proclamée  il y a 1200 ans par Moulay Idriss al Azhar qui formula alors cette prière : « O Mon Dieu, fais que cette ville soit la demeure de la science divine ! ».

Une phrase me revient en mémoire .Une phrase de Dominique Villepin  qui disait : tout le monde se rappelle de "cette Andalousie heureuse, ce temps où nous étions capables de vivre en paix ensemble, en utilisant ce qui était le meilleur de nos civilisations, en faisant parler nos cultures, en faisant parler nos religions respectives et tout ceci dans un esprit de respect et de tolérance. C’est à cela qu’il faut travailler aujourd’hui, du fait que sur les deux rives de la Méditerranée, nous avons tant de complémentarité entre nous, nous avons tant de choses à faire ensemble, et puis nous avons aussi tant à apprendre les uns des autres. Il faut que nous soyons tous à la hauteur de ce message de paix et d’espoir.

De retour  enfin à Casablanca , Catherine m’explique qu’en effet elle ne ressentez plus les douleurs et qu’elle gardait un bien sacré sentiment de sa rencontre avec une telle dame .

Je lui dis tout bonnement : le remède a toujours été en nous , certains ont simplement cultivé l’art de le réveiller !

 

Nasrallah Belkhayate