Ours d’or bien mérité au Festival de Berlin, L’Avenir de Mia Hansen-Love nous dresse tout en subtilité, le portrait d’une femme qui vient d’emprunter un de ces vilains virages que peut réserver une vie. Professeur de philo dans un lycée parisien, Nathalie, (Isabelle Huppert), baigne dans un univers où la "nourriture intellectuelle " lui tient lieu de priorité majeure. Des livres partout. Des échanges d’idées toujours, avec son mari, philosophe aussi, ses deux enfants, et surtout ses élèves. En particulier avec Julien, (Roman Kolinka), un peu son Macron à elle, version platonique. 

Nathalie croyait avoir trouvé son Graal dans  le savant équilibre entre vie privée, vie publique quand d’inattendus coups de massue s’abattent sur elle la dépouillant de ses biens immatériels les plus précieux. Faisant fi d’une complicité sinon totale du moins intellectuelle construite sur quelque trois décennies, Heinz son mari chéri, (André Marcon), vient  lui dire de but en blanc qu’il s’en va. Sous le choc de l’annonce, elle ne se souvient pas des jours anciens, jours heureux, ne pleure pas non plus comme dans la chanson. C’est bien après par à coups, que seule, elle suffoquera, blêmira, comme submergée par un sentiment de grande solitude. 

Sa mère,(Edith Scob), ex mannequin, avec laquelle elle entretenait une relation quasi fusionnelle a fini aussi par rendre l’âme, après de si longs errements. Ses enfants devenus grands ont pris leur envol. Devenue sans doute vieux jeu, elle s’est vue larguée en douceur par sa maison d’édition.  Entre deuil, séparation, éloignement, il y a de quoi se sentir d’un coup comme la cinquième roue d’un carrosse. Ainsi lessivée, reste à savoir réinventer l’Avenir sur le ton un brin ironique de Mia Hansen-Love…  

Avec du Rousseau, du Pascal, du Levinas, et tant d’autres, plein la tête, Nathalie va puiser dans l’amitié, la nature, la force de repartir avec le sourire tour à tour feint ou sincère. Mia Hansen Love met si bien en scène cette foultitude de mots qui souvent ne sont que l’expression d’une quête éperdue de sens à donner à la vie. 

Les silences qui ne sont pas en reste dans ce film ne manquent pas d’éloquence :  Nathalie, cette fluette silhouette que l’on confond avec les éléments de la nature dans le Vercors ou encore en Bretagne face à une sublime mer à marée basse. Nathalie de retour à Paris dans la précipitation pour sa mère ou Nathalie dans son lit dans la chambre d’ami. Les yeux étincelants de beauté de Pandora, son chat noir. Sur fond de quelques notes de musiques, de jeux de lumière, tout ça en jette à l’extrême sur  la force des choses évanescentes de ce monde. 

Film si touchant empreint de mélancolie, de poésie , même d’humour et qui coule avec fluidité. Au centre une superbe Isabelle Huppert consciente de "l’atrophication" de sa marge de manoeuvre malgré l’autonomie que lui confère sa nouvelle liberté chantée sur tous les tons… 

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