Kanye West est un rappeur renommé dans ce milieu. Il s’est d’abord fait connaître comme producteur de musique en apparaissant dans des tubes d’ Alicia Keys, Janet Jackson ou encore Jay-Z. En 2008, son nouvel album, "808’s and heartbreak", se démarque totalement de ceux qui l’ont précédé, c’est un tournant musical pour l’artiste qui nous livre un album entièrement chanté et non rappé.

 Cet album fait polémique auprès des fans de Kanye West, qui lui reprochent d’une part l’utilisation abusive de l’auto-tune, un logiciel permettant de modifier la voix, très en vogue actuellement, et d’autre part de faire un album se rapprochant plus du r’n’b, voire de la pop, une stratégie vécue par les fans comme purement commerciale.

Quand un ami, fan inconditionnel de Kanye West, me propose d’écouter cet album différent un an après sa sortie et son succès, ma première réaction est de rejeter en bloc : "non, je n’aime pas son style, je n’aime pas les sons électroniques, j’écoute pas les robots…" 

D’ailleurs, j’ai mis deux ans avant de me le procurer et d’écouter enfin à quoi il ressemblait, moi qui suis enfermé dans la musique rap qui, aujourd’hui, ne me transcende plus comme il y a dix ans.

 

La première écoute, avec cette première chanson "Say you will", me fait entrer dans cet album comme on entre dans une maison hantée : méfiance et angoisse sont les maîtres-mots.

Cet air minimaliste, cette caisse claire sortie d’un bloc opératoire et cette voix sans visage raisonnante dans cette pièce vide m’entraîne dans cet univers musical sans nom. "ne dis pas que tu le feras" ! D’accord, je ne le dis pas, mais que dois-je faire au juste ?

Je ne comprend rien à l’anglais, d’autant plus que ce garçon a un accent qui vient de je ne sais où, et cette intonation robotique accentue les fautes sonores.

Bref, six minutes minimalistes de musique transcendante et originale, je veux entendre la suite.

 

"welcome to heartbreak".


Cette voix déchirée n’a rien de commerciale, c’est un message de tristesse que j’entends et que je comprends malgré la barrière de la langue, Kanye West prévient que cet album n’est pas à écouter par tous le monde. Il raconte son histoire, totalement détaché de ses chansons grâce à l’auto-tune, et pourtant rempli d’émotions incontrôlables et impossibles à cacher à cause de ce même auto-tune.

Mélangé entre tristesse, fierté, colère, insouciance, orgueil et désenchantement, tout le long de ses chansons, cet opus est vraiment incroyable. Il n’est pas commercial, il est sombre et personnel, on sent qu’il y a un travail acharné derrière et, surtout, une grande déchirure dans la vie de son auteur.

En effet, il survient peu de temps après le décès de sa mère et une rupture sentimentale, ce qui exclu pour moi d’office le mot "argent" pour cet album. On ne cherche pas à faire une oeuvre purement commerciale lorsqu’on perd sa mère, on cherche avant tout à s’apaiser et à retrouver le gout de vivre.

Cet album donne tout son sens à l’expression "la musique est un langage universel" parce que même si je ne parle pas l’anglais, chaque seconde de chaque chanson m’est apparue comme une évidence. Chaque sonorité, chaque variation dans la musique ou dans la voix laissent transparaître les paroles et l’histoire que raconte monsieur West. C’est un livre ouvert, ou une partie d’un journal intime dévoilé en musique, pour toucher le plus grand nombre de personnes.

Pour les puristes du rap qui laissent entendre que cet album n’est pas hip hop, je suis d’accord. Il est bien au dessus, Kanye West surpasse le rap pour nous livrer une oeuvre musicale à écouter sans modération