Les pathétiques pseudo-justifications d'un Julien Dray, qu'il ait ou non détourné des fonds ou manqué à des obligations fiscales, confortent les électrices et les électeurs dans leurs opinions. Si on ne bénéficie pas du système soi-même, pourquoi donc voter pour de tels gens ?

On ne peut absolument pas exclure que les explications de Julien Dray au sujet de son train de vie, de ses prêts, soient légalement valides. Il se peut aussi, et c'est même fort probable – à tous les sens du terme – qu'il soit parfaitement sincère. C'est bien ce qui fera qu'il ne finira sans doute jamais comme Pierre Bérégovoy, soit qu'il ne vaille pas la peine qu'on s'en débarrasse, soit que le poids de sa conscience ne soit jamais  trop lourd à supporter.

L'une des toutes premières mesures de la majorité PS-MRJ-PC et affiliés à la chambre des député·e·s de 1981 a été de revaloriser les indemnités des représentant·e·s du « peuple ». On a aussi permis d'embaucher pour attaché·e parlementaire qui bon vous semblait pour faire ce que bon vous semblait (soit, dans votre circonscription, multiplier les notes de frais pour caresser l'électorat dans le sens du poil, par exemple, et à la chambre faire en sorte que vous puissiez obtenir de siéger dans une commission importante avec les avantages matériels afférents). Le décret d'application n'a pas tardé. Depuis, les sénatrices ou sénateurs, comme on l'a vu, peuvent employer femme ou fille ou nièce ou maîtresse ou amant, nous payons. Dire que c'est l'exception qui confirme la règle est une consolation, surtout si on ne connaît pas la hauteur statistique de l'exception.

Pensez-vous qu'un Tony Blair qui faisait régler par le contribuable britannique tous ses petits et grands frais ménagers éprouve la moindre mauvaise conscience ? Pensez-vous que les parlementaires britanniques n'aient pas été sincères en se livrant tout à fait légalement à des petites magouilles, bien vénièles à leurs yeux, surtout par rapport à ce qu'ils constatent dans les grandes entreprises. Un abus social légal n'est pas un abus, c'est le cours normal des choses. Et à ces gens, tout est dû. Tenez, vous pouvez bénificier d'un prêt à taux zéro d'une assemblée en France, et placer immédiatement la somme au meilleur taux. Tenez, vous pouvez acheter à prix bradé et avec un prêt à taux zéro une voiture de fonction présidentielle (on préside beaucoup dans les assemblées françaises) et la revendre rapidement avec un copieux bénéfice, c'est parfaitement légal.

Les représentant·e·s du « peuple » ont une parfaite bonne conscience. Il leur faut être au-dessus des contigences de la plupart de celles et ceux qu'elles ou ils représentent. Très au-dessus. Et certaines et certains vous diront droit dans les yeux, avec une parfaite bonne foi, que leurs avantages leur épargnent la tentation de céder trop facilement à celles des divers groupes de pression. D'ailleurs, quand ils se rangent aux arguments de ces groupes, ce n'est absolument pas en raison des voyages d'études qui leur ont permis de se convaincre du bien-fondé des arguments des groupes industriels ou financiers les plus puissants.

Pathétique, l'argumentation de Julien Dray, et ses minables explications. Bien évidemment, qui sait le prix réel d'un garde-temps ancien de grande marque, qui sait le prix des révisions quinquénales de ces modèles, conçoit bien ce qu'expose Julien Dray. Dire que le salaire de madame Dray sert d'argent de poche aux trois enfants du couple (c'est de fait, non point ce qu'à déclaré Julien Dray, mais ce que tout initié en déduit) est certes adroit. Tout le monde dans la caste politique fait plus ou moins de même. D'ailleurs de quoi a-t-on besoin quand on est ministre ou représentant du peuple ? D'une coupe de cheveux ? Souvent, le salon de coiffure du Sénat vous accueille bien volontiers, même si vous n'appartenez qu'à la maison voisine. De bonnes bouteilles ? C'est d'autant plus facile que vous représentez réellement les gros vignerons de votre département, mais, s'il ne s'agit pas d'un département viti-vinicole, vous en recevez quand même votre content généralement. Vos frais de bouche, vos déplacements, sont généralement assurés par le contribuable. Pas tous. Tout le monde ne bénéficie pas d'une voiture de fonction qui permet de laisser une vieille Clio au garage et d'attendre de la confier à l'un des enfants quand elle sera assurée au tarif des voitures de collection. Mais en général, la soupe est bonne, très bonne, vraiment très, très bonne.

Rien ne vous empêche d'ailleurs de faire office de Madame ou Monsieur Bons offices en étant rémunéré·e par ailleurs. Au besoin, on fera de vous un membre du barreau, tel un de Villepin. Ce sera fiscalement plus pratique pour toucher des honoraires, les déclarer, &c.

Ne plus jamais être exposé·e aux vicissitudes du bas peuple, tel est le sort des réprésentant·e·s du « peuple » parvenant à se maintenir dans des fauteuils ou bénéficiant de sièges ci et là, par exemple au Conseil économique et social, dans une Haute Autorité quelconque, ou un Haut Conseil lambda. Au besoin, tout comme Pierre Bérégovoy était employé par un CE de grande entreprise autrefois nationale, on vous épargnera les contingences de celles et ceux que vous êtes censé·e représenter. Et puis, il y les sociétés d'économie mixte, les organismes paritaires, &c. Et que l'on vous fournisse ou que vous vous achetiez vous-même vos cigares, des barreaux de chaise comme ceux de Marc Blondel (Force ouvrière) ou de Michel Charasse (Sénat), vous importe peu. Après tout, on ne peut tout avoir gratuitement et vos revenus couvrent largement vos menus plaisirs.

Au besoin, vous emprunterez et rembourserez ou non. D'ailleurs, faut-il vraiment payer vos fournisseurs. Comme le disait l'avocat Georges Kleijman de Nicolas Sarközy, ce serait mesquin de les lui réclamer avec insistance. Ancien ministre, Georges Kleijman parle en connaissance de cause. Et puis, 10 000 euros, c'est quoi ? Même pas de quoi acheter l'une des montres de Julien Dray, sans doute. Me Kleijman commente donc, verbatim s'il faut en croire le Canard enchaîné : « Je n'ai pas été payé, mais mieux vaut ne pas le dire, cela paraîtrait mesquin ». Tout comme sont vraiment mesquins les petits tracas infligés à Julien Dray. 

Julien Dray s'exclame : « J'en ai assez d'être présenté comme l'homme aux costumes Hermès ». Bah, pas forcément les costumes, parfois, il sait assortir – comme pour parler au bon bas peuple réuni par Le Parisien ex-libéré – une cravate Hermès à un costume d'une autre marque, un Smalto, bien moins onéreux, par exemple. C'est vrai, quoi. Il fait tout le monde dans son entourage. Pourquoi lui, précisément lui, et pas tout le monde ?

Une cravate Hermès vaut généralement, au bas mot, 140 euros. Il en est à 130, mais surtout, surtout, ne soyons pas mesquins ! Le petit losange en coton vaut 200 euros, c'est le prix de savoir faire chic et surtout simple…

Je ne sais pas si, étant peut-être petit-fils de garagiste, je collectionnerais les  Rolls, Ferrari, prototypes de F1 ou pas. Cela se fait couramment, mais je n'en ai pas les moyens. J'ai d'ailleurs dû me passer de voiture et de location de garage (13 fois 160 euros à Paris pour un an de « jouissance » de moindres amendes pour stationnement, c'est généralement rentable, vu l'acccumulation des contredanses). Moi, c'est les livres. De poche, en particulier, et comme Julien Dray pour ses montres, il m'arrive souvent d'en revendre pour en acquérir d'autres, si possible d'occasion. Vous voyez, Clio à part, Julien Dray et moi-même, c'est un peu la même chose. Nous sommes des gens simples, qui vivons simplement.

Julien Dray n'a visiblement pas bénéficié d'un excellent conseil en com'. Mais comme je l'écrivais ailleurs qu'ici à propos du bon livre de Dominique Dutilloy, Divorce sans consentement mutuel ou le roman de trois gifles électorales annoncées (chez Veevre), la com' ne fait pas tout, ne peut pas tout, les faits, comme disait Lénine, restent têtus, vous suivent.

Notez que le divorce des électrices et électeurs avec les Julien Dray ne coûte pas 10 000 euros et davantage d'honoraires comme la séparation de Nicolas Sarközy d'avec Cécilia Ciganer-Albaniz (il faut sans doute tripler la somme pour le montant total des honoraires versés ou à verser peut-être un jour par les deux parties). Un tel divorce coûte bien moins cher et peu rapporter bien plus, mais alors bien plus gros aux membres des diverses castes politiques.

Un Jean Sarközy, conseiller général du Neuf-Deux, ne touchait, à son entrée dans cette assemblée « que » 2 500 euros. Depuis, présidant un groupe parlementaire, siégeant peut-être en on ne sait quelles commissions, ce doit être sans doute un peu davantage. Et c'est sans compter les multiples avantages divers, variés, multiples, voire bigarrés. Quand vous êtes Jean Sarközy, un Hermès paierait pour que vous consentiez à porter ses cravates.

Chacun sait que, plus on est riche, plus son argent rapporte en banque. Les agios pris sur les moins riches compensent. Pour un Julien Dray, comme pour l'immense majorité des autres des castes politico-syndicales, c'est un peu la même chose. Vous achetez quelque chose ? Plus c'est cher, plus la réduction sera conséquente. Pas besoin de marchander, on vous la consent d'office. Et si cela se trouve, pour un costume payé beaucoup moins cher que celui du quidam qui tenterait de marchander (« désolé, Monsieur, ce n'est pas du tout la pratique de notre maison… » s'entendra-t-il répondre s'il vient vêtu d'un costume minable, et si c'est celui d'une bonne marque concurrente, la réponse est inévitablement autre…), la cravate est offerte, de même qu'un peu de maroquinerie, la chemise, les chaussettes, les boutons de manchette. Ce n'est pas pour vous acheter, vous. Car vous ne siégez pas dans la bonne commission. Mais vous saurez passer le tuyau à votre ami·e qui, elle ou lui, préside ou vice-préside la dite commission.  Ou à je ne sais qui siégeant avec vous en tant qu'administrateur de l'association des amis de l'Institut François Mitterrand (au fait, penser à en faire augmenter les subventions et relancer les dons…).

Julien Dray est un ancien partisan du communisme tendance troskyste tout comme Jean-Marie Bockel (actuel ministre) était un chaud partisan de l'autogestion (au sein du Ceres). Il est vrai qu'au lieu de parler des montres et des stylos (sa grand-mère devait tailler des plumes d'oies, c'est pour cela qu'il les collectionne, sans doute), on pourrait parler des subventions que fait voter le  conseiller régional représentant l'Essonne. Il n'y a pas que Ni Putes, ni soumises, qui a si bien servi de templin à Fadéla Amara, qui bénéficie de subventions soutenues par Julien Dray. Cela dépasse de très loin les quelque 30 000 euros d'une montre de Julien Dray.

Tout comme les riches déposants obtiennent mieux des banques, un détenteur de carte American Express Centurion (2 000 euros l'an) comme Julien Dray, bénéficie davantages bien avantageux. Notamment en villégiature.

Et c'est pourquoi déclarer qu'on va sytématiquement au même endroit en vacances finit par attirer l'attention sur l'endroit en question, ce qu'on y fait exactement.

Et question de prêté pour rendu, on verra bien ce que rapportera au final à Julien Dray la déconfiture de Jean-Louis Berland dans sa circonscription. Il est fort possible que Julien Dray ait été missionné par telle ou telle instance. Parfois, on présente un tocard devant tel ou tel candidat de l'autre bord qui a l'amabilité de faire de même dans une autre circonscription. Parfois, on joue ici contre son camp car l'adversaire fera de même autre part. Ces échanges de bons procédés facilitent la vie politique française et celle des castes politico-syndicales. Or, sans ces arrangements, qu'adviendrait-il. La chienlit, certainement.

Tout comme Barnier acceptant bien volontiers le mélange blanc et rouge pour faire du rosé puis, se reprenant, déclarant combien est néfaste cette mesure qu'il avait contribué à faire adopter, Julien Dray s'était prononcé pour la ratification du traité de Maastricht avant de donner un peu de la voix contre les pratiques de la commission européenne. Un peu comme Nicolas Sarközy et les paradis fiscaux. On donne de la voix, puis on signe des traités qui feront que les dits paradis lèveront le secret quand ils le voudront, comme ils le voudront et seulement si on leur fournit les preuves que le dit secret, concernant telle ou telle personne, est déjà totalement éventé. Bref, on vous confirmera ce que vous savez déjà et pouvez nettement établir.

Julien Dray pourra sans doute nettement établir que ses pratiques sont celles d'un peu tout le monde à son niveau dans les castes politiques. Je n'en doute absolument pas. Ce qui détournera encore davantage les électrices et électeurs des castes politiques. Ce n'est pas grave. Un Julien Dray sait évoluer tout comme un Jean-François Kahn saura lâcher un Bayrou pour un Cohn-Bendit en fonction des humeurs du peu de votant·e·s subsistant dans sa circonscription.

Il n'y a aucun souci à se faire pour un Julien Dray. Comme l'estimait Siné de Jean Sarközy, il ira loin, le Julien Dray. Sera-t-il un jour ministre des Finances, Premier ministre comme Pierre Bérégovoy. Peut-être, peut-être pas. Ce qui est sûr, assuré et certain, c'est qu'ayant été échaudé à temps, il ne finira pas du tout de la même manière. Félicitations ! UnJulien Dray finira au pire comme un Albin Chalandon, impliqué dans des affaires joaillières, mais non poursuivi. N'était-il pas alors Garde des Sceaux, et ancien  et toujours mentor des Sarközy et de divers·e·s Dati ? Mes respects, Monsieur Julien Dray…