Jour diurne : Siné en rêve de nuit debout…

Quoi de neuf du côté de Siné mensuel (nº 53), ce mercredi – dans tous les bons kiosques et dépositaires de presse, voire dans votre boîte à lettres –, ou dans la « Zone » de Siné (en ligne sur le site) ? Toujours à l’hosto, Siné peste contre Finkielkraut, s’apitoie sur Renaud roulant une pelle à un flic, et incite carrément les sauvageons (en marge, au mitan, aux calanques gréco-portugalaises de Nuit debout ?) à déplumer du poulaga. Il vire cégétiste sur le tard, ou quoi ?

Fnac, l’agitateur d’idées de naguère, fourgue son service après-vente… Rien à voir ? C’est juste pour dire que le service avant grand-soir du père Siné ne fléchit pas, lui. Son incitation à bourrer le pif des flics (pas, quand même, à les estropier : sous l’uniforme, ils restent des travailleurs, hein !) pourrait lui occasionner des poursuites. Il ne risque pas la prison, il est quasiment intransportable et reviendrait plus cher en soins hospitaliers assortis d’une surveillance pénitentiaire qu’actuellement. S’il est frappé au portefeuille, le bougre est capable de finir par un gigantesque potlatch. Genre proto-situs du Conseil de Nantes (1967) pillant les caisses des associations étudiantes pour convier tout le monde à une bacchanale sur les plages. Ou à Strasbourg (1967, itou), l’émission d’assignats distribués largement (garantis par les biens immobiliers des assos’ étudiantes locales). Comme il est écrit dans l’édito, avec Nuit debout, « les jeunes découvrent, les vieux révisent ».

Rien à voir non plus : la notion de flouze hélicoptère a quitté le catimini des facs de « sciences » économiques pour s’afficher dans les médias. C’est le pendant dispendieux du trickle down (lequel consiste à enrichir les plus riches dont des gouttelettes de sueur dorées ou argentées finiront bien par atteindre les moins nantis, puis celles d’iceulx et celles qui s’en sortent tout juste, et ainsi de suite jusqu’aux miséreux). L’argent rotoaéroporté, ce n’est pas tout à fait l’inverse mais la finalité est la même : que les riches s’enrichissent… mais avec différé. Tu prends du pognon, un très, très gros paquet, tu le jettes très haut sous un vaste ventilateur (faible allitération, j’admets). Du coup, même les sans dent en ont un peu. Ils vont le dépenser, les prix pourront être augmenter, la « bonne » inflation repartir, et les profits se gonfler. Quand les pauvres n’auront plus rien, que les petits déposants ou épargnants seront appauvris, on passera à autre chose.

Cela ne figure point au sommaire de ce numéro 53, mais je verrais bien ce thème développé dans le suivant. Zyva la BCE, balance le pèze, non plus aux banques, mais au tout-un-chacun européen (quand même pas assez pour s’offrir une Patek suisse avant 50 ans, histoire que le patronat helvète en profite, mais assez pour se goinfrer de chocolats italiens au gala de Cuisse-de-mouche-fleur-de-banlieue).

Or donc, la, les Nuits debout sont au sommaire du nº 53, avec cette accroche « et maintenant ? ». Le point interrogatif, ici projectif, s’impose.

Pour le présent, Mickaël Wamen, cégétiste condamné pour avoir séquestré un dirigeant de Goodyear, constate que ses camarades s’engagent en touchant le pompon de la Marine (voire de la maréchale Marion), que Valls-Macron-Hollande fluctuent mais ne coulent pas le vaisseau financier. Il accorde un entretien à Siné mensuel et se réjouit de voir la jeune garde noctambule s’avancer sur le pavé.

Genre Marianne ou Nouvel Ob’s, voici-voilà-t-y-pas que not’ mensuel lance un appel aux parlementaires. « Prouvez que vous n’êtes pas les caniches des lobbies » en levant l’épais voile cachant le sein du traité transatlantique Tafta que le pékin moyen ne saurait voir. Mieux vaut risquer une peine d’inéligibilité pour révéler « la vérité au peuple plutôt que pour avoir piqué dans la caisse ». La fin de mandat approchant, l’investiture n’étant pas plus acquise qu’une réélection, il s’en trouvera bien quelques-uns pour s’emparer de l’idée, histoire de faire parler d’eux avant de replonger dans l’anonymat. En filigrane, j’entrevois la ficelle d’un Filoche dans la trame de cet appel. Le référendum sur le Brexit approchant, je verrais bien une Paire du Royaume-Uni crachant le morceau avant nos députés ; et balancer des tips, ne serait-ce que pour protéger l’AOC du Blue Stilton, palsembleu !

Mais comme on dit outre-Atlantique « Heinz means bizness ». Au fait, saviez-vous que la Bénédicta, l’ex-Mayoland, était tombée dans l’escarcelle de Kraft Heinz ? Du fait qu’Amora Maille, qui la détenait, était passée sous contrôle d’Unilever et que la Commission européenne l’avait obligé à la fourguer à Barclays qui s’empressa de la revendre aux Yankees (Heinz & Co.). On peut protéger tout ce qu’on veut, au final, les multinationales remportent la mise.

Thierry Leclère pointe qu’Adblock et consorts sont plus passoires que ramparts. Les publicités en ligne des petites firmes sont expurgées, certes, mais celles des grosses sont filtrées pour tomber dans la soupe : les annonceurs rétribuant ces chinois à réclames ont négocié des exemptions. Ainsi, Google a obtenu, contre rétribution de sa part, que ses pubs intègrent la liste blanche d’Adblock… Pour en savoir davantage, allez sur la page de Surfez Couvert (surfezcouvert.net). On y voit aussi que Ghostery est en cheville avec Evidon (son prédécesseur nominatif mais toujours sa maison-mère) qui refile aux publicitaires les données collectées par ses utilisateurs. Tiens au fait, croyez-vous que la fondation Wikimedia (Wikipedia et autres) se finance uniquement par des dons ?

Pourtant, la réclame… Vu celle du site du mensuel pour l’expo L’Art et le chat au parisien Musée en herbe. Pas vu l’expo mais tel Gottlieb glissant sa souris dans ses planches, Geluck case peut-être son chat sur les socles ou dans les cadres. C’est jusqu’à fin août, rue de l’Arbre-Sec. Cela s’arrose !

Jean Tirole, un Nobel d’économie, a décrété « on ne peut pas se targuer de moralité quand on est contre le commerce des organes ». Cela se discute. Effectivement, si je nécessitais, par exemple, un poumon, je craindrais d’envisager de me livrer à un casse chez un buraliste pour alimenter le marché noir qui, on le sait bien, ne prélève ni ne reverse la TVA, privant ainsi nos chères têtes blondes de nounous en crèche, nos pompiers de tuyaux, nos sénateurs de bouffes à prix sympas à la cantine du Luxembourg. D’un autre côté, c’est aussi un frein à l’expansion démographique, au croissez et multipliez-vous : avec une famille de 28 enfants, en prélevant un rein sur chacun, même si la concurrence s’accroît et fait chuter les prix, mon bol de tapioca sera toujours assuré. Pierre Concialdi réfute mes arguments dans Siné Mensuel. C’est qui, lui ? Un autre économiste, atterré, du Réseau d’alerte sur les inégalités (AC ! Dal, &c.). Il évoquait déjà ce sujet dans un numéro de décembre 2014 ou mars 2015, ce semble. Bref, c’est du réchauffé, ma (son) foi(e).

J’étais au Maroc quand la presse locale unanime conspuait Ban Ki-Moon, secrétaire général de l’Onu, forcément stipendié par Alger et les ennemis du royaume chérifien. Lequel Ban crochetait le statu quo au Sahara occidental en réclamant l’autodétermination pour les Sahraouis. C’est forcément inutile puisqu’ils sont devenus, sur le terrain, majoritairement des Marocains (implantés de gré ou de force). La Minurso tente, depuis 1991, d’obtenir qu’un référendum soit organisé. C’est trop tôt, réaffirme SM Notre Ami le Roi, qui fricote à présent avec Poutine pour attirer des touristes russes dans le désert annexé (avec lâcher de Sahraouis devant les kalachs pour fournir des trophées ?), fournir la Russie sous embargo en fruits, légumes, minerais… (voire escort-girls), refuse derechef de financer pour partie la Minurso, expulse 75 de ses membres. Harlem Désir (de ne pas fâcher Mohammed Sixte) s’est empressé d’aller lui baisouiller la babouche. Hollande soupèse poire marocaine et fromage onusien. Cameron risque un hémi-Camerone diplomatique en appuyant la Minurso, réduite à présent à 28 observateurs bigleux. Podemos dénonce la frilosité du gouvernement intérimaire espagnol sur le sujet (quand on lorgne Gibraltar, ce n’est pas pour rendre Ceuta ou Melilla en échange).

Le Sahara occidental est un peu « notre » Crimée méridionale, « nos » quelques voltairiens arpents de sable dans les moteurs de Renault ou Peugeot (implantés, eux, des deux côtés d’Oujda et de sa frontière algéro-marocaine bouclée). Marie Cigali (tchi-tchi, ajouterait-on dans la Venise provençale) ne nous le dit pas ainsi, vu que la déclaration de Cameron date d’après le bouclage, par exemple, et que je n’ai pas encore ce numéro en main.

Siné, en sa « Zone », remercie ses « admirateurs inconditionnels, adulateurs forcenés » qui, néanmoins, ne sont point « lèche-culs ». Ce jour, il repasse pour la nième fois sur le billard (pour se faire pomper le poumon, cette fois ; et non le dard par ses laudateurs). Il a aussi une pensée pour les empapaoutés que sa prochaine disparition réjouira : « ça m’énerve grave de crever avant eux ! ». Sinistre cortège !

Bref, la rédaction parodiera-t-elle le « nous remonterons vers les lignes, nous souhaiterons faire école ; dédaignant l’appel de la tombe » ? Ce fervent défenseur du Drapeau (noir), de nos Armées (aux fusils fleuris), de nos Laits (des deux mamelles de la Franceuh) méritera, le plus tard possible, un solennel requiem, une ode joachim… ienne, iste, ique (j’hésite, je pense à « joachimeuse », plus onctueuse, quand j’invoque du Bellay).

Cette tirade pour vous faire goûter tout le sel de la dernière (en date seulement, j’espère) de la couv’ de Siné : « Plus jamais couchés ! ». Lui qui reste davantage allongé sur le billard ou alité qu’assis sur sa chaise roulante, du fait de ses hospitalisations à répétition, nous la fait « brave pioupiou » de la déconne, de l’utopie, du mieux-vivre jusqu’au bout. Cela force le respect, et concédons-le, l’admiration (dont je suis pingre). Ave Imperator !Banzaï !

P.-S. – Comme ce qui précède tient davantage du bulletin de santé du fondateur que de la présentation du sommaire de son mensuel, la rubrique « Santé, Bien-être » nous a semblé toute indiquée.

 

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

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