Jiro Horikoshi, les yeux vers le ciel

 Le vent se lève, bien plus qu’un simple dessin animé, est l’acte final du maître de l’animation japonaise, Hayao Miyazaki. Depuis des décennies, il ravit les mirettes des petits et des grands mais voilà, rattrapé par sa condition de simple humain soumis aux affres du temps, la vieillesse commençant à lui jouer des tours, il a décidé de prendre sa retraite à 73 ans. Le film est à mille lieux de ses précédentes réalisations, hormis un seul point commun, la maestria avec laquelle il a été fignolé. Nous avons un ton plus mature, pas de méchants ni de gentils, pas de fable écologique ni de protagonistes enfantins, ce film s’adresse aux adultes. Une œuvre sur la passion, sur l’envie de se surpasser pour réaliser ses rêves, toujours aller plus loin quitte à perdre ses proches, afin d’accomplir son destin. Si le personnage principal a autant de ressemblances avec Miyazaki-san, c’est pour la simple et bonne raison que ce sont tous deux des passionnés de leur art.

 

Tout commence le 22 juin 1903 à Fujioka, dans les environs de Tokyo. Le Japon s’industrialise, ouvre ses portes à l’Occident et le pays souffre d’un manque de compétitivité. A l’école primaire, Jiro est un élève brillant, il collectionne les bonnes notes et emmagasine du savoir. Cependant l’école ne lui suffit pas, sa soif de connaissances peine à se tarir. Il emprunte alors, des livres étrangers pour se documenter sur les pionniers de l’aviation, tels que l’italien Caproni ( de nombreuses fois illustré dans le dessin animé). Sa passion, ce sont les avions.

 

En 1927, il sort de la prestigieuse université tokyoïte avec son diplôme d’ingénieur aéronautique en poche. Très vite, il est engagé par l’entreprise Mitsubishi, basée à Nagoya, spécialisée dans la conception d’avions et la production de moteurs depuis une dizaine d’années. L’armée en pleine phase de colonisation cherche des engins toujours plus puissants afin d’écraser ses voisins et faire flotter le drapeau nippon sur les territoires occupés. Elle cherche 3 modèles : un chasseur, un avion de reconnaissance et un d’attaque. Un concours est lancé entre les différents constructeurs nationaux, Jiro par son ingéniosité remporte le défi et fait signer le contrat avec son entreprise.

 

Finalement, les modèles construits sont des échecs et en 1934, l’armée réitère sa demande pour un chasseur hyper performant. Le but, posséder des véhicules de morts toujours plus meurtriers. Une fois de plus Jiro remporte le concours et met en place les A5M. Un monoplan avec une cellule de métal, des têtes de rivets arasées, des ailes basses, deux mitrailleuses et 580 chevaux sous le capot. La réussite est au rendez-vous.

 

S’en suit le Type 96 et surtout les fameux A6M Zéro. Un monstre allant à 600km/h, doté d’une carlingue blindée, le but : aller le plus vite possible à travers les balles pour venir s’écraser sur les bateaux américains. En effet,  ils sont tristement célèbres pour avoir servi aux kamikazes lors des batailles dans le Pacifique. Au total ce sont plus de 10200 exemplaires qui sortent des chaînes d’assemblage durant la Seconde Guerre Mondiale.

 

1945, la guerre est finie, c’est un soulagement, il ne sera plus déchiré entre son envie de concevoir des avions et son devoir patriotique essaimant des morts partout où passent ses « enfants ». Il se lance dans la construction des YS-11, un avion de ligne pour le gouvernement. Par la suite, Jiro démissionne de Mitsubishi pour devenir conférencier à l’Université de Tokyo de 1963 à 1965, puis professeur à l’Académie Nationale de la Défense de 1965 à 1969, puis continue d’enseigner jusqu’en 1972. Il passe sont temps libre à rédiger ses mémoires, elles sortent en 1970 et remporte un franc succès. Tellement qu’elles passent les frontières de l’archipel pour être adaptées dans les pays anglophones. Au crépuscule de sa vie, viennent les honneurs, il est décoré de l’ordre du Soleil Levant, l’équivalent de la Légion d’Honneur, en 1973. Il s’en va 9 ans plus tard, en 1982, au terme d’une vie les yeux fixés vers les nuages.

 

Tout au long de sa carrière et de ses réalisations, il prouva que les japonais avaient la capacité de rivaliser avec les grandes puissances occidentales. Des chefs d’œuvre aériens dignes des américains et des allemands pouvaient sortir des usines nippones. Son travail redonna du courage à un tout un peuple meurtri par la défaite, l’occupation et les difficultés. C’est en ayant un objectif bien déterminé, servi par une passion et de l’huile de coude que l’on bâtit un édifice stable, Jiro sut incarner à lui même ce principe.  

 

2 réflexions sur « Jiro Horikoshi, les yeux vers le ciel »

  1. Quelle bonne surprise, que le retour de fukube! avec ce texte qui incitera nombre de ceux qui le liront plutôt que de passer sans s’arrêter, à voir ce film,

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