Timide et incertain, manquant d’estime de soi, pauvre et jeune ? Ne vous indignez plus, surendettez-vous ! Telle serait la conclusion d’une étude étasunienne sur le surendettement des jeunes de moins de 28 ans. Se mettre le crédit « révolver » sur la tempe serait un bon moyen de s’affirmer, quelles que soient les dépenses envisagées. Eh, le djeun’, t’aurais pas cent balles ? Allez, fais brûler ta carte de crédit, tu te sentiras mieux.

Les étudiants britanniques fuient vers les universités étrangères, surtout s’ils ne peuvent plus supporter les frais d’inscription. Ils ont tort. Selon une étude présumée sérieuse de sociologues et psychologues étasuniens, pour s’affirmer, les jeunes adultes de 18 à 27 ans feraient mieux d’avoir recours au(x) crédit(s).

Au Royaume-Uni, où les droits d’inscription dans les universités atteignent couramment les 10 000 euros, les jeunes s’endettent pour suivre des études supérieures. Dans les quatre années à venir, les prêts consentis aux étudiants pourraient, au rythme actuel, représenter un montant global de plus de 70 millions de livres, rapporte The Daily Mail et une commission parlementaire. Mais, mais, selon une étude américaine, ce serait au moins bon pour le moral. Selon Rachel Dwyer, les étudiantes et étudiants âgés de 18 à 27 ans qui se sont surendettés se sentiraient davantage en pleine possession de « leurs » moyens que d’autres.

Ce seraient ceux dont les ressources familiales ou salariales sont les plus faibles qui auraient psychologiquement le plus intérêt à s’endetter. L’angoisse générée par le surendettement n’interviendrait qu’après 28 ans. L’étude a porté sur plus de 3 000 jeunes adultes de moins de 34 ans. Et la nature des dettes (pour payer la tuition, les inscriptions, ou simplement pour se faire plaisir) influerait très peu. « Leurs dettes les autorisent à s’acheter les objets ou choses qu’ils désirent sans attendre, » et cela leur procurerait un sentiment de réconfort, d’estime de soi-même, sans éprouver la crainte d’alimenter une bombe à retardement les engageant sur le long terme.

 

En revanche, les jeunes issus des familles les plus aisées ne se sentiraient pas plus autonomes et entreprenants en raison du volume de leurs dettes (peut-être estiment-ils que leurs parents les tireront d’affaire, et qu’il n’y a pas de quoi en faire un plat, mais l’étude ne le dit pas).

 

Cependant l’effet bénéfique pour le moral décroît avec l’âge. Les dettes s’accumulant, tandis que les revenus stagnent, ou ne progressent pas à la hauteur des enjeux, la perception de sa propre situation et de son avenir devient plus cruciale. C’est du moins l’une des conclusions de l’étude menée au sein de l’université de l’État de l’Ohio. Pour le moment, les banques étasuniennes ne semblent pas avoir tiré des conclusions de cette étude et leurs slogans publicitaires en direction des jeunes n’ont pas repris ce thème. Demander la charité, c’est pas bien, et voler, c’est pas beau, mais s’endetter, c’est chic : enfin, le crédit sûr de soi qui vous rend sûr de vous.

Voilà en tout cas une idée à suggérer aux présidents d’universités françaises. Dans de nombreux pays européens, des agences bancaires sont implantées sur les campus ou dans les locaux universitaires. Un Luc Ferry, transformé en évangéliste de l’endettement des étudiantes et étudiants les moins nantis ferait merveille pour les persuader de dépenser sans compter en s’endettant résolument. Jeunes, votre avenir avant 28 ans, indignés ou endettés, à vous de choisir ! Et surtout, pas d’inquiétude si vous n’arriviez pas à rembourser et que les banques soient en mal de liquidités : l’État les renflouera.

Cette étude, pour partielle qu’elle soit, ne manque pas d’inquiéter. Elle révèle incidemment que la possession de biens matériels, ou l’investissement dans les divertissements (voyages, sorties…), sont devenus sinon essentiels, du moins importants, dans la perception qu’une classe d’âge peut avoir de soi-même.  Membre du Comité national consultatif d’éthique, Luc Ferry saura sans doute utilement animer des séminaires et donner des conférences sur le sujet.

Source : Ohio State U./Research