Dans une abbaye isolée, la pureté, la naïveté et la sincérité de deux enfants m’a laissé une sensation ineffable.

     Il y a quelques années, alors que je faisais des recherches sur les croyances populaires dans la région d’Aubel, j’avais marché toute la journée, allant de ferme en ferme pour collecter mes informations. Le pays est vallonné et j’étais fourbu lorsqu’au crépuscule,  le hasard m’amena au seuil de la célèbre abbaye de Val-Dieu.

     J’entrai. C’était la fin d’un jour d’hiver; il n’y avait pas de touristes, et j’étais le seul visiteur. Epuisé et séduit par la sérénité des lieux, je m’assis sur un banc et m’abandonnai longuement à la médidation, savourant ces  moments de paix et de silence qui sont si rares. De longues minutes passèrent…

     Très lentement, la porte principale s’ouvrit et deux enfants entrèrent. Le garçon qui semblait avoir environ huit ans tenait par la main une fillette qui ne devait guère en avoir plus de 3 ou 4. Tous deux semblaient fragiles, écrasés par la majesté des lieux. Ils s’avançaient à pas prudents, le plus silencieusement possible, admirant  statues et vitraux. Ils étaient si concentrés qu’ils ne s’étaient pas aperçu de ma présence. Alors qu’ils arrivaient à ma hauteur, le garçon s’arrêta et déclara à la petite fille, murmurant presque tant il semblait impressionné: "Tu vois, ici, c’est la maison de Dieu." Au même instant la fillette me vit enfin, me sourit et avec un sourire empli de candeur et de naÏveté me demanda: "Alors, c’est vous Dieu?"

     Ah, comme j’aurais voulu ne pas la décevoir, comme j’aurais voulu n’être qu’un instant le bon dieu…