Encore une idée qui va de nouveau  soulever des opinions, et pas que des bonnes. On ne s’étonnera pas que la droite n’y voit aucune objection (ou si peu). Il s’agit du dépistage précoce du potentiel de la délinquance juvénile, chez les enfants de 3 ans environ.

Oui, Monsieur Bockel, actuel secrétaire d’Etat à la Justice ressort cette idée déjà évoquée en 2005 pour faire face à la recrudescence de la délinquance chez les adolescents ces dernières décennies.

 

En gros, cette idée se résume à observer les enfants âgés de 2 à 3 ans, de dresser le panel de leurs attitudes, leurs comportements, leurs réactions, leur environnement familial, social, économique et divers éléments qui les touchent, en analysant les troubles du comportement et les « potentiels » de délinquance future et en conséquence mettre en place des actions de prévention pour ces enfants. Cette idée avait été rejetée face au tollé que cela soulevait et face aux caricatures que l’on a pu trouver:

 

 Il va de soi bien sûr que pour un tel suivi de si grande envergure, l’utilisation de l’informatique serait indispensable. Décidément, le fichage informatique démange énormément notre gouvernement, et particulièrement notre Altesse Sarkozy.

Chirac s’adonnait à la manipulation du « mulot », son successeur aspire à ficher tout le monde pour tout savoir en tout temps, après le fichage des pervers, des condamnés, des suspects même innocentés par la suite et son fichage génétique qui n’a pas eu lieu à sa guise.

Et comme cela ne va pas assez vite à son idée, autant ficher les individus dès la plus petite enfance sans leur consentement comme cela à l’âge adulte, ils n’auront plus mot à dire. Seulement comment faire passer la pilule ? et bien par l’argument fallacieux de réduire la délinquance.

C’est une recette connue ! Pour ingrédients on ajoute dans la poêle le contrat parental, le coaching parental à la Super Nanny, la suspension des allocations familiales et autres épices législatives. Et comme fer de lance, ce secrétaire d’Etat déplore que la France est très en retard sur la prévention de la délinquance des adolescents par rapport à d’autres pays européens. En effet, la délinquance qui en plus se féminise de manière inquiétante, n’a fait qu’augmenter ces dernières années en France.

 

Comme quoi, Nicolas Sarkozy lorsqu’il était ministre de l’intérieur, a eu beau déclamer qu’il allait passer les banlieues au Karcher, débarasser la population de la racaille, ainsi que reprendre cet engagement dans ses meetings d’élection présidentielle, il a fait un flop total.

Mais il n’est pas à blâmer totalement non plus, un gouvernement de gauche aurait râté tout autant car pour cela, il ne faut pas traiter uniquement le résultat d’une situation, mais principalement ses causes . Quand une machine produit des vis tordues, on ne détord pas les vis pour les vendre, on répare la machine. Pour la délinquance, l’idée est quasi semblable, certes il faut traiter la délinquance, mais aussi ses causes.      

 

 

 

 

 

 

L’enquête qu’a fait mener M.Bockel révèlerait par exemple que l’autorité parentale est souvent remise en cause. Ceci n’est pas une découverte, mais si on se penche un peu plus justement sur la cellule familiale, il se trouve que les délinquants se retrouvent dans une majorité de familles monoparentales, suite à un divorce, séparation, décès.

 

 

Le raisonnement suivant reste de l’ordre de la probabilité. Une étude sur la famille monoparentale révèlerait peut être que dans une telle situation l’enfant se trouve parfois tiraillé entre les deux parents l’un ayant certaines exigences que l’autre renie en totalité avec ses propres exigences. L’enfant peut être l’objet de chantage affectif, il peut se retrouver dans une famille où le parent refait sa vie avec un conjoint qui a des exigences particulières d’éducation. Il peut être séparé ou confié à sa mère (majorité des cas) alors qu’il aurait préféré l’inverse. Une grande distance peut s’installer entre les deux foyers, compliquant la coordination de l’éducation parentale à deux.

En d’autres termes, être dans une situation pour lui inextricable, et afin de chercher l’équilibre entre ses parents, car même en période de conflit avec l’autorité parentale, il ne veut décevoir aucun des deux parents, la seule solution probable peut être la délinquance. La délinquance : la délivrance car enfin les deux parents auront peut-être le même point de vue à savoir qu’il revienne dans le « droit chemin ». Les voir réunis dans un même objectif, c’est reconstituer l’autorité parentale, mais si le clivage se reforme entre les parents, ne serait-il pas logique que l’adolescent récidive dans la délinquance pour voir à nouveau ses parents unis ? La délinquance ne serait-elle donc pas tout simplement l’appel au secours de l’adolescent qui vit mal sa condition ?

Cette longue démonstration de probabilité n’est pas pour défendre les stages de coaching parental de couple séparés, mais juste pour montrer que la délinquance n’est pas une criminalité inscrite dans les gènes mais plutôt un révélateur de l’état et des phénomènes de la société et que cela ne justifie pas un fichage et « dépistage » chez les enfants de bas âge.

Ma réflexion va être accentuée par les faits récents du bébé miraculé qui est tombé de la fenêtre alors que les parents seraient allés se promener.

La question à se poser en plus de traiter la délinquance en cours, est plutôt du pourquoi y a-t-il un tel laisser-aller parental ? N’est-ce pas finalement la société qui créé sa propre délinquance par ses manquements comme Coluche nous le supposait par son sketch du blouson noir ?

(« Si la société nous rejette, c’est qu’elle veut oublier que c’est elle qui nous a créé »)

 

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  N’est ce pas notre style de vie effréné à la production, à l’argent, à la consommation qui est à remettre en cause ?

Etudier et ficher les enfants aussi jeune, c’est à donner des frissons dans le dos. Pourquoi ne pas proposer par la suite un dépistage dès l’accouchement ? Peut être y aurait-il des découvertes ?

Si l’enfant sort par le siège, ce sera peut-être un politicien, s’il crie aussitôt, un syndicaliste. S’il sort la tête vers le haut un religieux, vers le bas un smicard ; le cordon enroulé autour du coup, un suicidaire.

Pour conclure, il faut tout de même relater la gravité des risques de la mise en place d’un tel fichier de données. Outre la confidentialité, les divers arguments à évoquer avec la CNIL (Commission Nationale d’Informatique et Libertés), c’est un fichage systématique de grande envergure qu’il est proposé et des analyses de comportements en tout genre sans consentement possible de l’individu, pour obtenir la société idéale débarrassée totalement de la délinquance juvénile. Et plus tard encore nous ne sommes pas à l’abri d’entendre dire que cela peut se dépister génétiquement…l’eugénisme n’est pas si loin que ça.

Macabre comparaison, mais l’Europe a connu un genre d’étude médicale avec Mengele lors de la seconde guerre mondiale. Espérons que la France ne soit pas le berceau d’un Mengele version « psy » ou « social ».

 

Images: délinquant: tout-metz.com