Un mois avant l’enquête d’Infostrateges.com, le fils du célèbre économiste américain John Kenneth Galbraith, lui aussi économiste renommé, envisageait  le pire : 2015 si tout va bien[1]…

Alors que ministres et conseillers s’évertuent à diffuser la parole optimiste qui voudrait qu’à la fin de l’année, la crise ne sera plus qu’un mauvais souvenir, l’économiste James Kenneth Galbraith (fils du célèbre économiste John Kenneth Galbraith [2] ) publiait un texte dans la revue Washington Monthly démontant les visions angélistes de la crise, critiquant la faiblesse de la relance américaine, et appelant à un plan d’une envergure comparable à l’effort de guerre américain après la crise 1929. Dans cet article il remet en cause la pensée économique mais aussi les modèles informatiques issus de l’après guerre qui ne seraient « pas aptes à rendre compte de la crise et à en prévoir les développements, en raison de la durée qui sera nécessaire au désendettement des ménages, au nettoyage des écuries d’Augias bancaires, à la disparition des surcapacités et au rétablissement de la confiance ».

Le président de l’association internationale « Economists for Peace and Security » prend pour exemple la faiblesse du plan de relance américain que d’aucuns qualifient « d’impressionnant ». Sans comparaison avec le plan de relance mis en place par l’administration Roosevelt après la crise de 1929: «  Si l’on prend en compte la caractéristique financière hors norme de cette crise, la relance par le crédit, même une fois « réparé » le système bancaire, n’est qu’une illusion, juge-t-il, et l’intervention de l’Etat devrait alors changer de braquet. A quel point ? Galbraith rappelle en quelques chiffres: l’ampleur des efforts déployés par Roosevelt : 60% des chômeurs employés par les grands travaux de l’Etat, un milliard d’arbres plantés, 2500 hôpitaux, 45 000 écoles, 7 800 ponts plus d’un million de km de réseau routier et un millier d’aéroports construits ou rénovés…

Galbraith met ici clairement en cause Obama et son entourage : si le président américain a un programme économique, « il n’y a jusqu’à présent, aucune manifestation claire de la pensée qui sous-tend ce programme ». Bien au contraire les conseillers économiques du président seraient tous peu ou prou animés par la conviction profonde que le marché est capable de se s’auto-stabiliser. Bref, la crise est derrière nous tant la main invisible travaille d’arrache-pied. C’est là que Galbraith entreprend de démonter le scénario du Congressional Budget Office, l’organisme public sur lequel s’appuient les législateurs pour évaluer la situation de l’économie et préparer leurs projets de budget. Il prévoyait un redémarrage débutant à la fin de cette année, avec un retour à la normale de l’économie aux alentours de 2015 […]

Nos modèles informatiques modernes ne tiennent tout simplement pas compte de l’élément clé de cette crise qui est, précisément, l’effondrement du système financier. Si le système bancaire est paralysé, alors pour être efficace le secteur public doit faire beaucoup plus ».Il sera difficile de faire aussi « bien », car c’est uniquement l’effort de guerre qui a relancé l’économie américaine. Même « la relance du secteur financier privé a pris vingt ans, durant lesquels la guerre s’est déroulée ». D’où la conclusion de Galbraith: « le plein rétablissement du système de crédit privé sera long. Il suivra – et ne précédera pas – la restauration de finances saines pour les ménages. En aucun cas le projet consistant à ressusciter l’économie en gavant d’argent les banques ne fonctionnera. Une politique efficace ne peut fonctionner que dans l’autre sens ». Galbraith réclame la mise en place d’un super-plan de relance : soutien de long terme à tous les services et investissements publics, augmentation des prestations sociales (Galbraith vante ici l’atout économique majeur que représente le principe d’une sécurité sociale universelle…), un vaste programme d’emploi, la suspension des charges salariales, la prise en charge par le gouvernement des banques insolvables. Rien de comparable pourtant avec l’effort de guerre.

Quoi d’autre alors ? Pas de solution miracle, ni de retour rapide à la normale à espérer – 20 ans selon Galbraith – « les plus gros problèmes auxquels nous soyons confrontés sont la sécurité énergétique et le changement climatique. Ce sont des difficultés énormes, car l’énergie sous-tend tout ce que nous faisons, et parce que le changement climatique menace la survie de la civilisation. En la matière, c’est  évidemment un effort national qui est nécessaire. Une telle entreprise, à condition qu’elle soit convenablement menée, en combinant la planification et les marchés, pourrait ajouter 5 ou même 10 pour cent de PIB à l’investissement net. Cela n’atteindrait pas l’ampleur de la mobilisation en temps de guerre, mais pourrait probablement ramener la nation vers le plein emploi et l’y maintenir pendant des années. En outre, cette tâche ressemble à la mobilisation en temps de guerre de façon importante sur le plan financier ». Galbraith prévient, la dette et le déficit augmenteront mais « le choix doit s’effectuer entre un comportement actif, qui augmente la dette tout en créant des emplois et reconstruit l’Amérique, ou un comportement passif, augmentant la dette car les revenus s’effondrent, parce que la population doit être secourue par les programmes sociaux, et que le Trésor souhaite, sans raison valable, sauver les grands banquiers et leur éviter les pertes ».

 

 

[1] : Article de marianne2.fr, de Régis Soubrouillard, le 01/04/2009.

 

[2] : « John Kenneth Galbraith est un célèbre économiste canadien d’origine écossaise, conseiller économique de différents présidents des Etats-Unis comme Franklin Delano Roosevelt, John Fitzgerald Kennedy et Lyndon B. Johnson parmi d’autres […] Il élabore son corpus théorique dans un cadre aux tendances à la fois keynésiennes et surtout institutionnalistes, tout en restant très hétérodoxe et très critique vis-à-vis de ses collègues. Il va d’ailleurs critiquer fortement la politique de dérégulation menée par Ronald Reagan et l’intégrisme économique par son plus grand ennemi Milton Friedman. Auteur de très nombreux livres et articles, il est à ce titre l’économiste le plus lu du XXe siècle. » (Wikipédia)