IPhone : une culbute digne d’un restaurateur

Dans les restaurants français, que le patron achète chez Metro ou directement à la propriété, la culbute sur les vins est généralement de trois, soit pour un col acheté cinq euros, un prix sur la carte légèrement supérieur à 15 (ou carrément à 20, à la tête du client ou presque). Avec l’iPhone4 (et sans doute d’autres produits), Apple fait presque mieux. Vendu entre 600 et 700 euros sans abonnement, l’iPhone4S revient, à la production, à 136 euros.

Certes, 136 € par IPhone 4S, c’est sans compter les frais de développement, publicité, montage, transport, &c. : mais l’iPhone4, si vous l’assembliez vous-même, vous reviendrait à… 187,51 USD (soit 136 euros).

Dans notre rubrique « Argent & “bonnes” affaires », seuls les produits de grand luxe font mieux.
La société IHS iSuppli Market Research a tout calculé, depuis le coût du processeur et de la mémoire associée (soit mémoire DDR et Flash incluses, 82,05 USD) aux caméras (10,75 USD), en passant par l’élément le plus cher, l’écran LCD (28,50 USD), et les moins chers (entre 30 cents et un dollar).

Prix relevés sur PIXmania (pas le plus gourmand) : 595 euros avec une réduction annoncée de 20 % (prix initial supposé : 749 euros) ou 691,31 euros. Prix supposé le plus bas du marché : 575 euros, plus frais de port.

Admettons que les frais de montage, publicité, &c., doublent au mieux le prix des composants, on arrive donc à 272 euros.
C’est une culbute de 2,2 pour le consommateur final qui se rendrait dans une boutique Apple (les coûts ci-dessus sont ceux d’un 16 Go, prix constaté : 629 euros).

Recommandation implicite du Daily Mail : achat à éviter.

4 millions en trois jours

Conclusion du Daily Mail qui reprend l’enquête : « la prochaine fois que vous maudirez la durée de vie de la batterie, rappelez-vous qu’elle ne coûte que £3,68 », soit 4,30 euros, départ usine. Et pourtant, quatre millions de maniaques de ce type de gadget se sont rués sur le produit dans les trois jours ayant suivi sa mise en vente.

Professionnellement, je devais utiliser tant des Macs que des IBM-PC compatibles (parfois d’autres machines, des stations graphiques de travail à processeurs 64 bits d’antan). Cela m’était indispensable pour des tests de logiciels, ou tout simplement pour réaliser des fichiers, suppléer à la mise en pages et aux opérations de prépresse.

Jamais, sauf un « cube » aisé à transporter, une machine Apple n’est entrée chez moi. Pour de multiples raisons à présent dépassées. Par exemple, pour mettre la main dans le cambouis, avec le DOS, je pouvais me dépanner sans relancer le système ou carrément le désinstaller. Mais surtout, à performances égales, non seulement le prix global, mais surtout celui de composants comme les disques durs, ou même des câbles, &c., me paraissait faramineux comparativement.

J’ai acquis mon premier portable en 1980, un Epson affichant six lignes de 66 signes (Epson fabriquait encore des ordinateurs). Je ne saurais chiffrer le coût de mon unité centrale et de mes deux écrans (verticaux basculants) à présent. J’ai consenti l’achat en pièces à monter, et le boîtier a vu se succéder deux alimentations et trois cartes-mères, histoire de suivre un peu les évolutions.

Innovation surfaite

Jobs a copieusement pillé Xerox et les labos de Palo Alto. Depuis 2000 environ, toute innovation Apple un temps soit peu intéressante était adaptée par la concurrence qui, elle aussi, innovait autrement. Depuis, aussi, les disques SCSI et les mémoires à bandes (qu’on allait transférer chez les imprimeurs), toutes sortes de périphériques se sont succédés chez moi. À chaque fois, je comparais avec l’équivalent Apple, histoire de constater les écarts de prix, tous défavorables à Apple.

Je n’ai jamais craqué pour le stylisme d’Apple, et bien m’en a pris. Les premiers ordinateurs portables très fins et légers étaient séduisants, mais ils surchauffaient trop vite. Le seul avantage antérieur que je concédais à Apple, c’était le clavier, plus aisé d’utilisation pour la frappe de certains caractères spéciaux. Mais je n’utilise plus que des claviers dits ergonomiques (aucun sur l’Apple Store).

Se tenir à la culotte

Hormis, peut-être, Sony, la plupart des fabricants se « tiennent à la culotte », histoire d’être compétitifs en rapport qualité-prix. 55 ans après l’apparition du premier disque dur (modèle unique hors-commerce, l’IBM 305 Ramac, qui devait bien frôler la tonne et qu’on utilisait en salle climatisée), l’innovation provient toujours de l’industrie ou de la communauté des développeurs (qui planche sur l’HTML 5 depuis 2003). Apple peut faire du Vuitton, mais un sac reste toujours un sac. Mais un iPhone n’est pas un sac. Peut-être que sur l’iPhone5, les applis ne se déconnecteront plus quand cela leur chante, et ce gadget est un peu plus fin… Peut-être que, comme Kelolo, fondateur de Topito, avec le modèle 5, vous tenterez de faire défiler plus vite le générique des films en caressant votre écran de télé et que vous chercherez l’icône police ou pompiers au lieu de composer le 17 ou le 18… En attendant, Apple communique que iOS5 corrige « de nombreux problèmes d’autonomie » mais que les investigations se poursuivaient « sur quelques problèmes ». Cela vaut certes le coup de payer plus cher, y compris sans doute pour un chargeur supplémentaire à porter sur soi. Et double chargeur de voiture Incase (juste au cas où…) : 34,95 euros sur l’Apple Store.

Au fait, c’est combien, un câble de voyage Bluetooth pour iPhone ? 25 euros. Un d’extension USB vers Apple Dock ? 34,95 euros. Et là, la culbute, ce n’est plus deux, ce n’est plus trois, ce n’est plus quatre… Allez, avec le Juice Pack Air, un étui protecteur, vous disposerez d’une batterie rechargeable intégrée pour seulement 69,95 euros. Il faudrait être fou pour s’en dispenser… surtout qu’un câble est livré avec.

En tout cas, au moment de choisir un appareil supposant l’utilisation de périphériques, d’accessoires, &c., considérez soigneusement l’ensemble, et la véritable nature de vos besoins. Dans certains milieux, Apple a aussi fait plus et pire pour… les surendettés.
À propos de (petite) culotte : un journal anglais avait rassemblé des modèles de dessous féminins dont les prix allaient du simple à largement plus du centuple. On ne voyait pas les étiquettes. Que croyez-vous qu’il arriva ? Comme lors d’une célèbre dégustation à l’aveugle de patrons de maisons champenoises où un saumur effervescent fut mieux classé que divers champagnes, des modèles à deux livres furent préférés à des « créations » à 400…

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

12 réflexions sur « IPhone : une culbute digne d’un restaurateur »

  1. Remarque préliminaire à l’usage de certaines commentatrices : c’est trop long, c’est fouillis, je mélange tout, les ordis, les téléphones, les vins effervescents ou non, les dessous féminins… voire les ratons laveurs. 😉
    Eh, c’est du pareil au même : c’est vous qui payez, ce sont les plus malins qui empochent.

  2. [b]Jeff, c’est encore pire que ça, mais c’est déjà un bon clou d’enfoncé ! le seul produit qui était bon c’était l’Apple II (ça ne nous rajeunit pas, remarque pour les « ancêtres »)
    Bravo! (fouilli? non! clair!)y compris pour les fixe-chaussettes[/b] 🙂

  3. Quand on comprend plus rien à la technologie que l’on nous propose,il ne reste qu’à payer. Cela fait pas mal de temps que ce système sévit. Il m’est arrivé de regarder le moteur de ma voiture et de réparer une bricole. Changer une ampoule relève maintenant de l’exploit et la facture de l’escroquerie. Comment faire du fric, si les gens comprennent?

  4. [b]L’exemple de la pochette de joints pour remplacer ceux du maitre-cylindre (de freins) est probant: de dix à 20 francs à l’époque, aujourd’hui c’est impossible à 2 titres, le maitre-cylindre est serti et donc indémontable, par conséquent il faut en acheter un neuf à quelques 100 à 200 €uros; sans oublier que le lobby des constructeurs insulte les clients en les jugeant incapables de changer eux-mêmes les fameux joints, y compris les garagistes ce qui est un comble!. Ainsi on justifie la mise à la poubelle de produits dont seulement 10% de la vie technique est entamée pour quelques €uros.[/b]

  5. J’adore! Tres bien vue, la comparaison avec les dessous chics ou toc; du meme ordre, pour moi!

    Honnetement ces gadgets pour ego mal placé, quel ennui!

  6. Bien que j ‘adhéré sur le fond… Il y a une grande différence entre l iPhone et la petite culotte anglaise…. L’iphone est, malgré son prix et la marge conséquente d Apple, un produit super leader sur son marché du telephone high tech depuis 5 ans… Soit l équivalent de 100 ans dans le monde de la petite culotte anglaise.

    Peu importe l histoire… C est bien Apple qui a sorti ce téléphone qu on utilise sans mode d emploi et c est bien la concurrence qui court après…

  7. la née_cécité de l’humaine condition.
    ([i]where is my mind …[/i])

    tu rapportes de l’info à la marge et je déporte ton info au-delà de ce rapport investissement – retour sur investissement : marge … de nos limites asservissantes.

    ∂e l’égotisme à l’égocentrisme… liant si subjectif de notre rapport à nous-même au détours gré à gré de celui à l’autre, et de ce qu’il est à même de nous céder, ou proposer.
    De l’échange au commerce, de la nécessité au besoin, des besoins à l’asservissement…

    et

    pour ouvrir une trans_digression Tombeur, n’oublions pas le [i]coût[/i] de notre occidentalisation, et de la soi-disante [i]innovation[/i] sur le reste du monde: coût humain et économique… où la marge entre les investissements, aux ordres de la pensée inique, et du retour sur investissement, aux ordres de notre exigence tutellaire, nous permet, sans illusion, mais à juste valeur soustraite, de reconsidérer le débat sur les moyens de commercer, d’échanger, dans un vivre ensemble à l’aune de ce que nous sommes prêt à accepter pour nourrir le [i]leviathan[/i] .

    sourire

  8. Jef,

    Tu devrais te pencher sur l’industrie cosmétique. Du temps de mon adolescence (mais ça n’a pas changé), j’ai eu l’occasion de visiter une usine de produits cosmétiques (c’était top secret). Les crèmes ? Toutes les mêmes sauf, qu’à un moment la chaîne prend 1, 2 ou 3 virages pour les pots, la nouvelle chaîne ajoutant un ingrédient et un parfum et, un peu plus loin, l’étiquette du vendeur. Inutile de te dire que j’ai tout de suite compris que c’était la pub et le snobisme qui faisaient la différence de prix. De fait, j’ai dégoté une excellente crème pour 16 euros, le tube me « dure » trois mois et j’ai une peau impeccable. Malheureusement, ma fille n’achète que « de la marque », je rage en silence… et lui donne parfois des produits pour atténuer les dégâts !

  9. @Gribouille,
    N’était-ce pas à Monaco dans le quartier de Fontvieile ? là j’ai vu ça, j’ai même fabriqué des robots pour ces chaînes …

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