Par Miguel Garroté, journaliste

Il y a déjà plusieurs Kosovo
Miguel Garroté, Journaliste
On me dit que les USA et Israël étaient et sont encore favorables à l’indépendance du Kosovo et à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Et on me prie notamment d’expliquer pourquoi les Républicains au pouvoir aux USA sont curieusement favorables à l’indépendance d’un Kosovo albanais musulman réputé pour ses divers trafics frauduleux. Je réponds à cette question en fin d’article. Mais d’abord j’énumère quelques réalités volontairement ignorées de notre chère presse européenne.
La déclaration d’indépendance du Kosovo soulève des inquiétudes jusqu’en Israël (1). Ainsi, les Arabes de Galilée pourraient réclamer leur indépendance. Les Juifs quittent la Galilée depuis les affrontements de l’an 2000. Des manifestations avec drapeau palestinien sont devenues chose commune dans divers campus israéliens, notamment à l’Université de Haïfa. Des organisations arabes israéliennes, ont pris la décision unanime, de demander à Mahmoud Abbas, chef de l’Autorité palestinienne, de ne pas reconnaître l’Etat juif d’Israël.
Le Kosovo existe déjà en Israël sans déclaration formelle d’indépendance. Les Arabes de Galilée réclament la souveraineté sur l’ensemble de l’Etat d’Israël. Dans le Néguev israélien, les bédouins occupent des terres sans difficultés. L’Etat d’Israël finance, notamment via l’éducation et la santé, une population qui établi de facto un Etat palestinien à l’intérieur de ce même Etat d’Israël. Toutes les informations précitées correspondent à des réalités très concrètes. Ces réalités ne sont pas décrites et déplorées uniquement par la droite israélienne. Ces réalités sont décrites déplorées aujourd’hui même dans le journal progressiste Haaretz (1).
Le général israélien Gabi Ashkenazi (2) a tout récemment déclaré que l’accomplissement demandé à l’armée israélienne est une victoire rapide en cas de conflit quel qu’il soit. Ashkenazi a ajouté : « Je ne peut pas promettre que nous ne ferons pas face un tel test dans le futur immédiat (…) le job de l’armée israélienne était et est toujours de demeurer un réseau fiable garantissant l’existence et le succès de l’Etat d’Israël (…) Nous ne pouvons remplir toutes ses [obligations] sans d’excellents commandants ».
Le général égyptien Hussam Sweilem (3), dans une récente interview, sur la chaîne de télévision arabe Al-Mihwar, a déclaré : “Le problème le plus important aujourd’hui est le crime organisé qui est venu depuis la frontière (ndlr depuis la bande de Gaza) (…) Ces membres du Hamas au Hamastan (…) Ils sont entré dans notre pays portant les masques des Brigades Izz Al-Din Al-Qassam (…) cela a été entièrement organisé il y a quatre mois (…) Deux [Palestiniens] portant des explosifs ont été arrêtés à Bani Sweif. Quoi, ils allaient combattre les Juifs à Bani Sweif ? (…) Ils se sont introduits dans des maisons habitées par des femmes (ndlr égyptiennes) à Al-'Arish et à Rafah et ils ont attaqué ces femmes égyptiennes parce qu’elles ne les ont pas autorisés à dormir dans leurs maisons (…) après avoir vidé les magasins des Egyptiens de tous leurs produits, ils les ont payé avec des faux dollars ». Intéressant. Ce n’est pas un général israélien qui rapporte ces faits. Mais un général égyptien. Dont acte.
Revenons maintenant à la question citée au début du présent article : pourquoi les Républicains au pouvoir aux USA sont favorables à l’indépendance du Kosovo ? (Je n’aborderai pas ici la question d’Israël vis-à-vis du Kosovo). Evidemment, nous aimerions tous une réponse courte et claire à cette question. Seulement voilà, la situation est complexe. La présence de l’Otan au Kosovo dure depuis près de neuf ans. Or, les USA ont aussi d’autres soucis que nos interminables problèmes européens et balkaniques. Prolonger indéfiniment la présence de l’Otan au Kosovo n’est pas exactement le style en vogue aux USA.
L’idée que le Kosovo et la Serbie adhèrent tous deux à l’Union européenne (je n’aborderai pas ici la question turque) semblerait, aux yeux des Américains, un bon moyen de résoudre, au moins en partie, la question des Balkans. Vu de Washington, une telle option n’est finalement pas si bizarre que ça. Les USA sont, aussi, légèrement fatigués, de voir l’Union européenne à ce point passive et réactive en politique étrangère. Les centaines ou milliers de missions surmédiatisées de Señor Solana cachent mal l’absence de réelle politique étrangère à Bruxelles.
Enfin, les USA ont l’impression que quoi qu’ils fassentundefined ou ne fassent pas, les Européens de toute manière consacrent plus de temps à les critiquer qu’à les aider. A la longue, cela devient pesant pour les Américains, d’autant qu’il y a pour eux des questions géostratégiques importantes à régler, notamment au Moyen Orient et en Asie centrale. Aux USA, divers opinion leaders, ont déjà fait une croix, sur la vielle dame Europe et ses nombreux enfants et petits enfants adoptifs de confession musulmane. Les Américains savent qu’un nouveau débarquement wasp de Normandie, même civil, n’y changerait rien et du reste, ils n’y pensent même pas. C’est nous, ici, en Europe, qui allons devoir assumer, les incohérences, de nos dirigeants. Et ce que la récente indépendance du Kosovo, a surtout révélé, cette semaine, c’est qu’il y a déjà plusieurs Kosovo. Les commentaires israéliens et égyptiens cités dans la première partie de cet article en témoignent.
(1) « Kosovo is already here », de I. Harel, dans Haaretz, édition d’aujourd’hui, jeudi 21 février.
(2) « I can't rule out military conflict in near future », de Y. Azoulay, dans Haaretz, édition d’hier, mercredi 20 février.
(3) No. 1685, 6 février,
www.memritv.org/newsletter/clip1685.htm