Il y a 10 ans, le sommet de la Terre s’ouvrait à New-York. Qu’en reste-t-il ?

Dans le grand théâtre mondial, certains comédiens changent de costume aussi rapidement que dans une représentation de Kabuki. Prenons par exemple le sommet de la Terre à New-York, qui s’est tenu du 23 au 27 juin 1997. Cinq ans après le sommet de Rio, les leaders politiques des quatre coins de la planète se retrouvent pour parler de l’état de la planète. Et à nous plonger dans les archives, il est difficile de garder l’image d’une administration Clinton mettant tout en oeuvre pour l’environnement ou d’un Tony Blair entièrement dévoué à son voisin atlantique. L’Europe, a contrario, se révèle déjà consciente de l’urgence liée au réchauffement climatique.

Le “sommet de la Terre plus 5″ (car cinq ans après celui de Rio), qui sera avec amertume surnommé le “sommet moins 5″ par certaines ONG, vit le refus réitéré des USA de s’engager dans un traité à caractère contraignant et chiffré sur les émissions de gaz carbonique. Les Européens, dont certains pays ont déjà plaidé lors du G8 de Denvers – lequel s’est terminé lorsque la rencontre de New-York a débuté – pour une réduction de CO2 à hauteur de “15 % d’ici à 2010″, pressèrent Bill Clinton à engager son pays dans cette voie. Mais le président américain botta en touche, préférant compter sur les avancées technologiques plutôt que de créer des entraves juridiques à la libre entreprise. Et, chose semblant inconcevable ces dernières années, Tony Blair, l’ancien Premier ministre britannique, rappela à son allié de longue date les responsabilités auxquelles doit faire face le “plus grand pollueur du monde”. Une attaque forte qu’il ne s’est jamais permis depuis lors, du moins plus aussi directement.

L’examen attentif des rencontres autour du sommet new-yorkais se révèle plus intéressant encore. Tout comme lors du G8 de 1997 – où l’on décida de renvoyer à Kyoto les discussions autour de l’effet de serre – le cru de juin 2007 de la réunion des pays les plus industrialisés se conclut sur un renvoi à la conférence de l’ONU sur le changement climatique, qui se tiendra à Bali en décembre de cette même année. Devant la difficulté de marier tant d’avis divergents, le G8 se révèle être un lieu peu approprié pour trouver un accord sur la réduction des émissions. Seulement voilà, dix ans se sont écoulés, et alors qu’on parlait de réduire de 15% le dioxyde de carbone en 1997, c’est maintenant le chiffre de 50% qui est avancé, chiffre à atteindre à l’horizon 2050. Le résultat de 1997, ce fut le traité de Kyoto, signé par Bill Clinton pour une réduction de 7% des émissions (par rapport à 1990), mais non ratifié par le Congrès. Le dossier sera totalement porté en dérision par son successeur, puisque le président George W. Bush refusera toute nouvelle négociation basée sur les principes de Kyoto.

Si il est vrai que l’alarmisme écologique est beaucoup plus en vogue aujourd’hui qu’il ne l’était en 1997, on imagine mal comment, avec l’administration américaine actuelle et sa réticence prononcée à l’égard des engagements internationaux, un nombre 7 fois supérieur a celui qui été refusé (à l’unanimité des sénateurs du Congrès) pourrait être accepté à la conférence de Bali.

Du côté de l’Union européenne (UE), qui fait figure de locomotive fonctionnant à l’énergie renouvelable, on plaide pour une réduction de moitié des rejets de CO2. Alors que les 15 pays qui composaient l’UE en 1997 s’étaient engagés à réduire de 8% leurs polluantes émissions, la diminution déjà atteinte est de 2%. Du travail reste à faire, mais l’Union s’est d’ores et déjà engagée en mars 2007 à pousser d’ici 2020 la réduction jusqu’à 20%. Nous sommes assez loin du scepticisme affiché par les fonctionnaires européens de 1997, où un diplomate, interviewé par le Monde au sujet des critiques formulées par les ONG sur le peu d’avancées, déclarait que “[les ONG] sont militantes et idéalistes, mais ne se rendent pas compte qu’il y a d’autres facteurs que doivent prendre en compte les gouvernements”. La priorité est aujourd’hui au combat contre le réchauffement climatique, et les gouvernants se plient à cet impératif avec sincérité, affichant leur volonté de servir d’exemple aux autres nations.

A observer cette période décisive pour le climat de notre planète, force est de constater que le contexte est bien différent. Les “plus grands pollueurs du monde” sont devenus il y a peu les Chinois, dont le pays n’était pas tenu de diminuer les émissions à Kyoto. Huit ans plus tard après avoir opposé une fin de non recevoir au sommet de la Terre à New-York, l’ancien président Bill Clinton lancera sa fondation éponyme avec pour objectif, entre autres, de promouvoir l’écologie; on aurait voulu le voir s’engager plus fermement à l’époque, et donner des signaux clairs à tout son pays. Peut-être que ce qui était le plus prévisible, c’était l’augmentation mondiale des gaz à effet de serre, dont l’atmosphère a continué à se charger au fil des ans…